Alors que l’attention du monde se porte sur le Liban, Israël pourrait poursuivre un autre objectif plus sombre : achever le nettoyage ethnique de Gaza.
Cette semaine, le Liban a été secoué par des explosions meurtrières visant les appareils de communication des membres du Hezbollah. Ces explosions ont tué au moins 32 personnes, dont deux enfants et plusieurs professionnels de la santé, et en ont blessé des milliers d’autres.
Israël n’a pas nié sa responsabilité dans cette cyberattaque de masse, alors que plusieurs responsables proches du Premier ministre Benjamin Netanyahu ont laissé entendre qu’Israël en était à l’origine.
Elle marque une nouvelle escalade dans ce qui était auparavant une lente guerre d’usure entre le Hezbollah et Israël. Bien que l’ampleur de l’attaque soit massive et sans précédent, elle n’aurait pas dû être une surprise.
Depuis des semaines, les responsables israéliens signalent la nécessité d’une intervention militaire pour arrêter les roquettes du Hezbollah et assurer le retour de plus de 60 000 Israéliens déplacés dans leurs foyers au nord du pays.
Témoignages : la sauvagerie, la cruauté et le sadisme des Israéliens à Gaza sont sans limites
Un jour avant les attaques, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a déclaré aux responsables américains que « le temps presse » pour empêcher l’escalade avec le Hezbollah de se transformer en une guerre totale.
En effet, cette attaque pourrait marquer le début d’une telle guerre. Les provocations continues d’Israël forceront le Hezbollah à répondre, faisant d’une guerre à grande échelle la seule issue possible.
Jeudi, Israël a poursuivi l’escalade de son agression en procédant au plus important bombardement du Sud-Liban depuis le début de la guerre. Vendredi, une frappe aérienne massive sur un quartier résidentiel densément peuplé de Beyrouth a tué au moins 14 personnes, dont des enfants, et un haut commandant du Hezbollah, Ibrahim Aqil.
La menace de guerre aura toutefois des répercussions bien au-delà du Liban, car elle détournera l’attention du monde de Gaza et permettra à Israël d’achever ses massacres et son nettoyage ethnique des Palestiniens.
Des objectifs plus sombres
Le moment choisi pour les récentes provocations au Liban a été soigneusement calculé, car l’administration américaine actuelle est limitée dans sa capacité à influencer Israël pour qu’il arrête une guerre à grande échelle – un rêve pour de nombreux responsables israéliens.
En juin, le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et le ministre des finances, Bezalel Smotrich, qui ont à plusieurs reprises mis en garde M. Netanyahu contre un accord de cessez-le-feu, ont appelé à l’invasion du Liban. Un mois plus tard, Smotrich a de nouveau appelé à l’occupation du Sud-Liban. Alors que les États-Unis sont distraits par une année électorale mouvementée, Netanyahu réalise le rêve de Smotrich et de Ben Gvir.
Dans toute guerre potentielle contre le Liban, Israël emploierait un grand nombre des tactiques qu’il a utilisées à Gaza : ciblage des infrastructures civiles, bombardement des zones résidentielles et inanition de la population.
Cette guerre attirerait sans aucun doute l’attention de la communauté internationale – comme il se doit – en raison du grand nombre de victimes civiles qu’elle entraînerait. Cependant, pendant que le monde se concentre sur le Liban, Israël pourrait poursuivre un autre objectif plus sombre : achever son nettoyage ethnique de Gaza.
Depuis quelques mois, l’attention mondiale accordée aux souffrances de Gaza diminue.
Si une guerre éclatait au Liban, ce qui reste de l’attention portée à Gaza serait dirigé vers le Liban. Cette distraction fournira à Israël une couverture parfaite pour poursuivre sa campagne de meurtres, de blessures, de famine et de déplacement des Palestiniens de Gaza.
Il est évident, depuis les premiers jours de la guerre et grâce à des documents ayant fait l’objet de fuites, qu’Israël a pour objectif de se débarrasser définitivement des Palestiniens de Gaza, soit en les forçant à se rendre en Égypte, soit en les tuant.
Le nettoyage ethnique de Gaza a jusqu’à présent officiellement tué plus de 41 000 Palestiniens, selon les autorités sanitaires palestiniennes. Mais une étude publiée par The Lancet en juillet montre que le nombre réel de morts à Gaza pourrait atteindre au moins 186 000. Après près d’un an de guerre israélienne contre Gaza, les Palestiniens se battent pour survivre à l’issue imminente de l’objectif d’Israël : l’effacement total.
L’exhibitionnisme dans la cruauté fait partie de la psyché israélienne
Récemment, le gouvernement israélien a nommé un gouverneur militaire permanent pour Gaza, signalant ainsi son occupation à long terme, voire son annexion. Il est difficile de dissimuler de tels projets sous l’œil attentif de la communauté internationale. Une guerre contre le Liban pourrait détourner l’attention du monde de la bande de Gaza, ouvrant ainsi la voie à l’avancement des ambitions génocidaires d’Israël à Gaza.
Le monde a déjà cessé de parler des bombardements incessants d’écoles, de l’assassinat de travailleurs humanitaires ou des obstacles à l’acheminement de l’aide.
En juin, le nombre de camions d’aide entrant dans la bande de Gaza a été le plus faible depuis octobre, un record surpassé par le mois d’août.
Avant la guerre, Gaza avait besoin d’environ 500 camions d’aide par jour. En août, la moyenne quotidienne de camions humanitaires était de 69 camions. Cette diminution systématique de l’aide n’est pas un accident. Il s’agit d’un plan visant à pousser les Palestiniens vers l’Égypte ou, en cas d’échec, à les faire mourir de faim.
Avec un nouveau front au Liban, ce plan sera pleinement exécuté à Gaza. L’objectif d’Israël de nettoyer ethniquement Gaza demeure, et si la lumière doit sans aucun doute être faite sur le Liban si une guerre éclate, nous devons également empêcher Israël d’accélérer son programme génocidaire à Gaza.
Le monde arabe doit s’unir pour s’opposer au génocide israélien à Gaza et à l’agression contre le Liban. La communauté internationale doit se montrer à la hauteur de la situation et sanctionner le gouvernement israélien pour ses actions.
Nous ne devons pas oublier Gaza, car l’histoire ne l’oubliera certainement pas.
Auteur : Mohammed Mourtaja
* Mohammed Mourtaja est un Palestinien de Gaza qui a passé toute sa vie dans le territoire sous blocus avant d'obtenir une bourse d'études complète à l'université Washington et Lee en Virginie. Il étudie l'économie et les études du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud. Auparavant, Mohammed a travaillé avec le Jerusalem Fund à Washington, DC.
20 septembre 2024 – Middle East Eye – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau
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