La crise de la conscription va-t-elle accélérer l’implosion de l’État génocidaire

8 novembre 2025 - Des tueurs à gages des forces d'occupation israéliennes protègent les incursions des colons tout en restreignant la liberté de mouvement des Palestiniens dans la vieille ville d'Hébron, en Cisjordanie. Ces incursions répétées s'inscrivent dans le cadre de la stratégie à long terme d'Israël visant à affirmer son contrôle sur la ville, en particulier sur la zone entourant la mosquée d'Ibrahim - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills

Par Samuel Geddes

Samuel Geddes soutient que la crise croissante de la conscription en « Israël », alimentée par l’épuisement militaire, la fragmentation politique et l’exemption des ultra-orthodoxes, pousse le projet sioniste vers un effondrement interne irréversible. La stratégie de survie de Netanyahu, écrit-il, a accéléré l’implosion.

Que ce soit sous le gouvernement actuel ou le prochain, la question de la conscription accélérera l’effondrement du projet sioniste.

Parallèlement au génocide de Gaza qui dure depuis deux ans, la demi-douzaine de guerres lancées par « Israël » contre la région, du Liban au Yémen en passant par l’Iran, étaient inévitables. La seule inconnue était de savoir dans quelles conditions précises elles se produiraient.

Sous la direction de Netanyahu, fugitif de la CPI, la logique qui a présidé aux deux années de pivots d’« Israël » d’un théâtre à l’autre était régie par un seul objectif : maintenir son gouvernement au pouvoir et lui-même hors des tribunaux et, en fin de compte, hors de prison.

L’effondrement de la sécurité israélienne le 7 octobre 2023 a pratiquement assuré la fin de sa carrière politique dès que les armes se sont tues.

Depuis lors, il cherche à gagner du temps, à gagner du temps autant que possible, en espérant que suffisamment de temps s’écoulera entre le 7 octobre et les prochaines élections pour donner à son parti l’espoir d’une rédemption.

Le résultat de ce pacte faustien a été le plus long état de guerre active de l’histoire du projet sioniste, causant des pertes militaires sans précédent et un déficit de recrutement de 12 000 soldats dans les forces armées.

Ce déficit n’a fait que s’aggraver, car la réalité fondamentale de la position régionale d’« Israël » est restée inchangée malgré ses deux années de violence. Après avoir déclaré « victoire » sur le Hezbollah au Liban l’année dernière, Tel-Aviv a déjà été contraint de reconnaître que cet objectif n’avait jamais été atteint et se positionne pour une nouvelle tentative d’écrasement du mouvement de résistance.

Personne ne croit sérieusement non plus que la guerre de 12 jours contre l’Iran ait mis fin à l’affaire. Elle a plutôt ouvert une phase fondamentalement nouvelle d’affrontements directs avec Téhéran, les deux parties se préparant activement à la reprise des hostilités.

Cette pression croissante sur les forces armées « israéliennes » ainsi que sur son économie a une fois de plus mis en avant la question la plus susceptible de provoquer la chute de ce gouvernement, celle de la conscription militaire.

Depuis sa création, « Israël » a imposé la conscription universelle des juifs, à l’exception notable des Haredim, également connus sous le nom de communauté « ultra-orthodoxe ».

Bien qu’ils soient le groupe juif le plus traditionnel en apparence, les Haredim ont toujours été pour le moins ambivalents à l’égard du sionisme. Pour ceux qui ont historiquement été amenés à rejoindre le camp sioniste, leur soutien a été très conditionnel.

Tout au long des huit décennies d’existence d’« Israël », la condition essentielle a été que les hommes Haredim soient autorisés à remplacer le service militaire par leurs études religieuses.

Depuis 1948, la croissance proportionnelle de la communauté ultra-orthodoxe, ainsi que la tension militaire désormais visible subie par l’armée ont fait du maintien de leur exemption l’une des contradictions internes les plus explosives sur le plan politique au sein du projet des colons.

Sans exception, tous les partis d’opposition sionistes ont qualifié les Haredim de « réfractaires au service militaire », des personnalités telles que Benny Gantz et Avigdor Lieberman préconisant toutes sortes de mesures, allant de l’emprisonnement de ceux qui évitent l’enrôlement militaire à la privation de leur citoyenneté et de tous leurs droits politiques.

Une nette majorité s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur de la fin de ces exemptions pour les ultra-orthodoxes.

Malheureusement pour Netanyahu, c’est aux Haredim qu’il a lié son propre destin politique au cours de la dernière décennie. Pour conserver le pouvoir, le Likoud est devenu dépendant de la formation de coalitions avec les partis ultra-orthodoxes, en particulier le Shas et le « Judaïsme unifié de la Torah ».

Il est significatif que le Shas, qui représente principalement les ultra-orthodoxes parmi les populations juives mizrahim et séfarades (arabes et d’Asie occidentale), n’ait officiellement adopté le sionisme dans son programme politique qu’en 2010.

Pour les deux partis, la ligne rouge pour leur soutien a été le maintien de l’exemption de plus en plus intenable de leurs électeurs, à tel point que depuis juin de cette année, tous deux ont quitté le gouvernement, le laissant au bord de l’effondrement et entièrement dépendant du soutien des partis sionistes religieux de Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir.

La semaine dernière, la Cour suprême, qui a déjà jugé illégale l’exemption des Haredim, a ordonné au gouvernement d’imposer des sanctions significatives aux hommes ultra-orthodoxes qui évitent l’enrôlement, avec un délai de 45 jours.

Pour se sortir de cette situation, Netanyahu doit soit adopter une nouvelle loi consacrant l’exemption du service militaire pour les Haredim (ce qui est de plus en plus impossible sur le plan politique), soit obéir à l’ordre de la Cour et mettre fin à son alliance avec les ultra-orthodoxes, ainsi qu’à son gouvernement et à toute chance de revenir au pouvoir.

À moins d’un an des élections, le gouvernement de Bibi est bel et bien entré dans sa phase terminale, son effondrement étant pratiquement certain dans les mois à venir sur cette question.

Dans l’hypothèse très improbable où il reviendrait au gouvernement, sa nécessité de continuer à exempter une communauté particulière du fardeau de sa politique d’agression régionale sans fin ne sera pas moins aiguë et pas plus réalisable qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Dans l’éventualité plus probable où l’opposition sioniste remporterait les élections, vraisemblablement sous la houlette de Naftali Bennett, les jours des exemptions spéciales du coût du maintien de l’occupation seraient révolus.

Dans ce scénario, les chefs religieux des partis haredim, qui représentent la majeure partie de la croissance démographique actuelle et future de la population juive, ont clairement fait connaître leur réponse.

Selon les termes du grand rabbin d’Israël, Yitzhak Yosef, « si les étudiants des yeshivas sont contraints de s’engager dans l’armée, nous monterons tous à bord d’avions et quitterons Israël ».

Il serait vraiment ironique que Netanyahu, en poursuivant sans fin ses agressions régionales jusqu’à l’épuisement, dans le seul but de préserver son pouvoir personnel, soit le principal responsable de l’échec du projet sioniste en Palestine.

En plus de son bilan en matière de génocide, ce serait une conclusion appropriée à l’œuvre de sa vie.

29 novembre 2025 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine

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