Comment Israël pratique le hold-up archéologique en Palestine occupée

Vestiges du site de Kefr Ana - Photo : Margaux Thuillier

Par Fayza Hassan

La fouille d’un ancien village par une équipe d’archéologues israéliens a provoqué la colère des Palestiniens, qui estiment qu’Israël s’active à confisquer leur histoire et leurs antiquités.

L’université de recherche israélienne Bar Ilan a annoncé le 29 août la découverte des restes d’un village vieux de 4 000 ans à Khirbet Tibneh, situé dans le village de Deir Nidham, au nord-ouest de Ramallah.

Les fouilles, qui ont commencé fin juillet, sont les premières du genre en Cisjordanie depuis les années 1980. L’autorisation a été accordée par l’unité d’archéologie de l’administration civile d’occupation.

Cette décision a suscité l’indignation en Palestine, car les Palestiniens estiment que ces travaux s’inscrivent dans la politique systématique d’Israël, depuis 1967, consistant à cibler les zones archéologiques de Cisjordanie et à s’approprier les antiquités palestiniennes.

Les travaux de fouille ont été effectués sur une superficie de 50 hectares. Le sommet de la colline était habité depuis l’âge du bronze jusqu’à l’époque romaine, et les pentes étaient habitées depuis la période hellénistique jusqu’à la fin de l’époque arabe, selon l’université.

Des étudiants de l’université Bar-Ilan et un certain nombre de colons de la colonie juive de Halamish ont effectué les fouilles. Des témoins directs ont déclaré au site d’information Ultra Palestine que l’armée israélienne s’était également déployée dans la zone, aux côtés des ouvriers chargés des fouilles.

Sur son site Internet, l’université a indiqué le 12 juin qu’elle avait mené plusieurs fouilles dans un certain nombre de sites archéologiques, dont des sites à Khirbet Tibneh à Ramallah.

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Le 5 août, le sous-secrétaire du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, Saleh Tawafsha, a accusé Israël de s’en prendre de façon systématique aux antiquités palestiniennes pour falsifier la réalité et l’histoire.

Tawafasha a déclaré à la radio officielle palestinienne que « les autorités israéliennes procèdent à des fouilles illégales et à des vols d’antiquités » dans des dizaines de sites, notamment dans la zone de Tel Rumeida à Hébron, à Sebastia près de Naplouse, à al-Fraidis à Bethléem, à Tel Dothan près de Jénine, et à Salfit et Ramallah.

Il a souligné que sur les 7000 points de repère et sites archéologiques de Cisjordanie, 60% sont situés dans la zone C, contrôlée par l’occupant israélien. Tawafasha a déclaré que la plupart des sites sont exposés à la destruction, au pillage et au vol par Israël.

Firas Akl, directeur de département à l’Administration générale des fouilles du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, a déclaré à Al-Monitor que depuis le début du mois d’août, les autorités israéliennes d’occupation effectuent des fouilles à Khirbet Tibneh, apparemment à la recherche de la prétendue tombe de Josué Bin Nun, que Moïse aurait prétendument désigné comme son successeur pour, parait-il, diriger le peuple d’Israël, le tout selon la Torah…

Au cours de cette intervention, les archéologues israéliens ont découvert l’ancien village. Akl a déclaré : « Les informations disponibles sur le village archéologique découvert sont rares, étant donné qu’il est situé dans la zone C, sous le contrôle administratif et sécuritaire de l’occupant. Le personnel du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités n’est pas autorisé à accéder aux sites archéologiques situés dans cette zone. »

Le village remonte à l’âge du bronze, a-t-il dit, et des pièces de monnaie romaines et mameloukes, des ossements humains et des articles de poterie de plusieurs époques ont été retrouvés.

Akl soutient que les fouilles israéliennes à Khirbet Tibneh violent le droit international. Il a indiqué que le rôle du ministère palestinien se limite à travailler dans les zones A et B de la Cisjordanie, en plus de protéger tous les sites archéologiques dans ces secteurs.

Après 1995, suite à la signature de l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (également connu sous le nom d’Oslo II), Israël a divisé la Cisjordanie en zones A, B et C.

La zone A représente 18% de la Cisjordanie et est principalement contrôlée par l’Autorité palestinienne (AP). La zone B constitue 21% des terres de Cisjordanie et l’AP est en charge de l’éducation, de la santé et de l’économie.

Israël contrôle tous les aspects de la vie dans la zone C, qui représente 60% de la Cisjordanie, notamment la sécurité, l’urbanisme et la construction.

« Khirbet Tibneh remonte à l’âge du bronze et a été habité par plusieurs civilisations jusqu’à la période ottomane. Il abrite plusieurs antiquités datant des âges hellénistique, romain, byzantin et islamique des périodes omeyyade, abbasside et ottomane », a expliqué Akl.

« Le gouvernorat de Ramallah compte de nombreux sites archéologiques, notamment la grotte de Shuqba datant d’environ 12 000 ans, Tell al-Nasba datant de l’âge du cuivre, du bronze et du fer, et Tell al-Tal, qui date de l’âge du bronze, ainsi que de nombreux autres sites archéologiques anciens dans les villes de Ni’lin, Abwein, Deir Ghassaneh et Ras Karkar », a-t-il ajouté.

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Akl a noté qu’Israël est toujours en train de fouiller deux sites archéologiques : Tel Siloun et Khirbet Tibneh.

« Les forces israéliennes d’occupation contrôlent des centaines de sites archéologiques situés dans la zone C, où le personnel du [ministère palestinien du Tourisme] n’a pas le droit d’effectuer des fouilles archéologiques, des études et des travaux de restauration. Beaucoup de ces sites finissent par être pillés par des voleurs d’antiquités », a-t-il ajouté.

Deir Nidham, à 24 kilomètres au nord-ouest de Ramallah, compte 1500 habitants. Nasr Mizher, le chef du conseil du village de Deir Nizam, a déclaré à Al-Monitor qu’Israël tente de falsifier les faits sur le terrain et d’imposer une fausse histoire.

Il a noté que les travaux de creusement et d’excavation en cours dans le village visent à contrôler et à détourner le village de Deir Nizam et à opprimer ses habitants.

« Les autorités israéliennes d’occupation ont clôturé les sites archéologiques à l’intérieur du village pour les transformer en lieux de pèlerinage pour les colons. La colonie de Halamish a été construite sur les terres du village. Les colons attaquent constamment les habitants et les agriculteurs du village », a-t-il déclaré.

Mizher a ajouté qu’Israël a volé plus de 2600 dunums (642 acres) des terres du village et a installé trois portes métalliques pour contrôler le village et les déplacements de ses habitants.

« Israël a également installé un poste de contrôle militaire sur la rue principale menant au village, où les soldats pratiquent les violations les plus odieuses contre les habitants, y compris des inspections humiliantes lors de l’entrée et de la sortie. Cela s’ajoute à l’arrestation d’un certain nombre des résidents sur la base de fausses accusations. »

9 septembre 2022 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine