
Amna et son frère, Baraa, ont tous deux été tués lors de frappes aériennes israéliennes distinctes - Photo publiée sur les réseaux sociaux de la famille
Par Mosab Abu Toha
Contributeur de Zeteo et lauréat du prix Pulitzer, Mosab Abu Toha s’entretient avec le père d’Amna al-Mufti au sujet du meurtre de sa fille de 11 ans à Gaza, filmé et diffusé dans le monde entier.
Nous avons le plaisir et l’honneur d’annoncer l’arrivée d’un nouveau contributeur à Zeteo. Mosab Abu Toha est un écrivain et poète palestinien renommé originaire de Gaza, auteur du nouveau recueil de poèmes Forest of Noise. Il a remporté le prix Pulitzer du commentaire cette année pour son portrait de Gaza dans le New Yorker, avant d’être victime de censure et d’un bannissement masqué de la part des géants de la tech ! Il écrit désormais pour nous, alors que nous continuons à donner une tribune et à amplifier les voix palestiniennes au milieu de ce génocide en cours. N’hésitez pas à vous abonner à Zeteo pour lire ses prochains articles dans leur intégralité et soutenir notre croissance et notre expansion. Une presse libre n’est pas gratuite – Mehdi.
« Je sais que tu préfères l’eau désalinisée à l’eau du robinet, je vais t’en chercher. »
Ce sont les derniers mots qu’Amna, âgée de 11 ans, a adressés à son père Ashraf al-Mufti avant qu’un missile tiré par un drone israélien ne la tue.
Ashraf était allongé sur son lit, se remettant des blessures graves qu’il avait subies lorsqu’un missile avait frappé une maison voisine de celle de sa sœur, chez qui il séjournait depuis que sa propre maison avait été détruite quelques mois auparavant.
Une fois Ashraf sorti de l’hôpital, des amis qui habitaient à quelques mètres de l’hôpital Kamal Odwan ont proposé de l’héberger lui et sa famille.
Le 21 décembre 2024, vers 13 h 30, Amna est sortie pour la dernière fois. Elle a parcouru la courte distance qui la séparait de l’hôpital, toujours alimenté par un générateur et disposant d’une unité de dessalement encore en état de marche, afin de remplir son récipient d’eau.
Au moment où elle partait, un missile a frappé, la tuant sur le coup et détruisant le récipient qu’elle s’était efforcée de porter.
« Elle adorait remplir son récipient d’eau. Elle adorait aider la famille, surtout depuis que j’ai été blessé », m’a confié Ashraf, la voix lourde de chagrin.
Ce n’est que le 17 août 2025 que le monde a découvert la vidéo des derniers instants d’Amna : une fillette aux cheveux attachés en queue de cheval, serrant un bidon blanc, traversant en courant une rue étroite, avant d’être fauchée par une gerbe de fumée blanche… puis le temps s’est arrêté.
Les images ont provoqué une onde de choc à travers le monde.
« J’ai entendu les frappes aériennes, mais je n’aurais jamais pensé qu’elles visaient ma fille », a déclaré Ashraf. Deux heures plus tard, la famille s’est précipitée à l’hôpital pour découvrir le corps sans vie d’Amna gisant sur le sol, abandonné à côté de son bidon d’eau.
Amna a été inhumée au cimetière de Beit Lahia, où reposent de nombreux membres de ma propre famille. Sa mère, Najla, aurait voulu une tombe en béton, gravée au nom d’Amna, mais le blocus cruel a rendu même cette simple dignité impossible.
Pour Ashraf, ses propres blessures et le meurtre de sa fille n’ont pas marqué la fin de ses tragédies.
Le 17 mai 2025, sa femme, Najla, et leur fils de 8 ans, Baraa, ont été tués dans un raid aérien sur une maison où ils s’étaient réfugiés dans le quartier de Tal al-Zaatar, dans le camp de Jabalia.
Najla et Baraa ont été enterrés au cimetière de Shekh Redwan, dans la ville de Gaza, loin du lieu où repose Amna.
Ashraf m’a raconté que lors du raid aérien qui a tué sa femme et son fils, un autre de ses fils, Mohammad, âgé de 14 ans, a été blessé pour la quatrième fois. Les trois fois précédentes, Mohammad avait été blessé lorsque des quadricoptères israéliens avaient ouvert le feu et largué des grenades sur lui et d’autres personnes alors qu’ils remplissaient des seaux d’eau dans les rues de différents quartiers.
Il convient de noter que six jours seulement après la mort d’Amna près de l’hôpital Kamal Adwan, les forces israéliennes ont fait une descente dans l’établissement. Elles ont kidnappé le Dr Hussam Abu Safiya, pédiatre et directeur de l’hôpital, ainsi que d’autres membres du personnel, et ont incendié le bloc opératoire, le laboratoire et les entrepôts, rendant l’hôpital inutilisable.
La vidéo tragique d’Amna témoigne d’une réalité effroyable : les enfants sont pris pour cible, et le monde reste complice et partenaire des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Israël.
Le monde a failli à son devoir. Les habitants de Gaza se sentent trahis. Je l’ai ressenti dans la voix d’Ashraf. Je le ressens dans les voix de mes proches et de mes amis à Gaza, avec lesquels je parle tous les jours.
Personne ne pourra venir un jour dire : « Nous ne savions pas ».
Le monde entier savait, et il a regardé cela en direct.
Auteur : Mosab Abu Toha
* Mosab Abu Toha est un poète et écrivain palestinien originaire de Gaza. Il a remporté le prix Pulitzer 2025 dans la catégorie « commentaire » et le prix Flora Lewis 2024 de l'OPC. Il a également été finaliste du National Book Critics Circle Award en 2023.
Mosab est contributeur de Zeteo.
19 août 2025 – Zeteo.com – Traduction : Chronique de Palestine
Soyez le premier à commenter