Les Israéliens sabotent d’emblée tout espoir de cessez-le-feu

24 mai 2025 - Les Palestiniens déplacés de Beit Lahia et Jabalia vivent dans des conditions difficiles et dans des tentes surpeuplées au port de Gaza, après avoir été déplacés de force par les forces coloniales israéliennes dans le cadre de leur génocide en cours à Gaza - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills

Par Jeremy Scahill

Dans la nuit [du 25 au 26], le Hamas et des responsables américains sont parvenus à un « accord » verbal sur le cadre d’un cessez-le-feu à Gaza, ont déclaré des sources proches des négociations à Jeremy Scahill, de Drop Site.

En préambule, il faut encore et toujours rappeler que l’Etat génocidaire n’a jamais eu et n’aura jamais de parole. S’il peut de temps à autre souscrire à une pause dans ses tueries, c’est par pur intérêt tactique et avec le seul souci de rompre à court terme le semblant de compromis convenu. Les prétendus garants de ces « accords » ne sont garants de rien du tout, et sont présents pour d’éventuelles prises de portraits. Il est logique que la résistance palestinienne souscrive à ce type de compromis, car elle a toujours été partisane d’un accord politique négocié, mais sur la base du droit international et sans être en position de faiblesse. Et tout ce qui pourrait soulager les souffrance de la population de Gaza est une occasion à saisir.
La duplicité, l’hypocrisie, le mensonge érigé en politique sont des constantes de ce que l’on n’ose appeler la politique israélienne. Ce qui est par contre surprenant, c’est l’amnésie congénital des médias occidentaux à cet égard… – Note de la rédaction.

Drop Site a pu consulter le texte intégral du document exposant les conditions acceptées par le mouvement Hamas. Certaines de ces informations ont également été confirmées par des sources interrogées par Al Jazeera et Al-Mayadeen.

Scahill rapporte que cet accord a été communiqué au Hamas par l’intermédiaire du palestino-américain Bishara Bahbah, en coordination avec l’envoyé américain Steve Witkoff.

Le Hamas a accepté les conditions du document et a été informé que les États-Unis estimaient que le cadre pouvait fonctionner, sous réserve de l’accord d’Israël.

Une source haut placée au sein du Hamas a déclaré à Scahill : « Nous avons accepté la proposition Witkoff, un cessez-le-feu temporaire de 60 jours pour la libération de 10 prisonniers israéliens vivants (5 au début et 5 [à la fin]), le président Trump annoncera personnellement l’accord. »

Mais avant que l’accord puisse avancer, les responsables israéliens se sont précipités dans les médias pour le faire capoter. Peu après, Witkoff a publiquement accusé le Hamas d’avoir déformé la proposition… contredisant directement [ce n’est pas la première fois… NdT] ce que des sources avaient déclaré à Drop Site comme ayant été convenu lors de discussions privées.

Les négociations se poursuivent.

Ce que le Hamas pensait avoir obtenu

Le document en 13 points présenté à Drop Site, basé sur les discussions directes entre le Hamas et les États-Unis par l’intermédiaire de Bishara Bahbah, comprenait les éléments suivants :

  • Un cessez-le-feu de 70 jours.
  • La libération de 10 prisonniers israéliens vivants en deux groupes, la moitié le premier jour et l’autre le dernier jour. Le Hamas restituerait également les corps de 16 prisonniers décédés. Le Hamas a déclaré avoir besoin d’un délai de deux semaines pour localiser tous les lieux de sépulture.
  • Une garantie personnelle et publique de Trump, s’engageant à faire appliquer le cessez-le-feu et le retrait des forces israéliennes à leurs positions du 2 mars.
  • La reprise de l’aide sans restriction, y compris la nourriture, le carburant, les médicaments, les matériaux de construction et les équipements de construction.
  • La cessation de toutes les opérations militaires israéliennes, y compris les activités de surveillance. La cessation de toutes les activités armées des groupes de résistance palestiniens.
  • Witkoff signerait personnellement, en tant que garant, un accord de cessez-le-feu à Doha et serrerait la main du négociateur en chef du Hamas, le Dr Khalil Al-Hayya.
    Witkoff dirigerait la délégation américaine, qui comprendrait également Adam Boehler et Bahbah.
  • Trump remercierait publiquement toutes les parties, y compris le Hamas, réaffirmant son engagement en faveur du cessez-le-feu et d’une résolution durable entre Israël et la Palestine.
  • Dès la signature du cessez-le-feu, un comité technocratique indépendant composé de Palestiniens prendrait immédiatement en charge la gouvernance de Gaza et les efforts de reconstruction commenceraient.
  • Les États-Unis et les médiateurs régionaux garantiraient la poursuite des négociations de cessez-le-feu et l’acheminement de l’aide après 70 jours, jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu permanent soit conclu.
  • Tant que les négociations se poursuivraient, les États-Unis resteraient engagés en faveur d’un cessez-le-feu et faciliteraient l’acheminement de l’aide jusqu’à la conclusion d’un accord de paix permanent.

Le Hamas a initialement proposé un cessez-le-feu de 90 jours, puis a déclaré qu’il accepterait une version de 70 jours afin de s’aligner sur la position américaine. Israël souhaitait une période plus courte.

Le Hamas a ensuite déclaré à Scahill qu’il avait accepté une trêve initiale de 60 jours.

Des sources ont déclaré à Drop Site que le Qatar, en particulier à la suite de la libération d’Edan Alexander, avait fait pression sur Trump pour obtenir cet accord.

Comme Drop Site l’a déjà signalé, Witkoff a promis au Hamas que l’aide à Gaza reprendrait deux jours après la libération d’Alexander et que Trump appellerait à un cessez-le-feu et à des négociations pour mettre fin à la guerre. Aucune de ces deux mesures n’a été prise.

Selon certaines sources, Trump aurait déclaré aux dirigeants régionaux qu’il avait donné deux mois à Israël pour atteindre ses objectifs après que ce dernier ait abandonné l’accord de cessez-le-feu de janvier, et qu’il était désormais temps de mettre fin à la guerre.

Les États-Unis font une proposition à Israël, qui la rejette publiquement

Selon Ynet et le Jerusalem Post, la proposition a été transmise à Israël dimanche soir par des responsables américains. « La rapidité avec laquelle elle a été rejetée en Israël témoigne d’une profonde crainte que Washington l’accepte et tente même de l’imposer », a rapporté YNet.

Les responsables israéliens ont réagi avec inquiétude :

  • Un responsable israélien a déclaré à Ynet : « L’accepter reviendrait à capituler devant le Hamas. »
  • Un autre a affirmé : « Nous ne savons pas ce que diront les Américains. »

Le projet, formulé par Bahbah lors de pourparlers directs avec le mouvement Hamas, a été immédiatement déclaré inacceptable par Israël. Ce rejet est intervenu avant toute déclaration publique des États-Unis.

Les Etats-Unis perdent toute crédibilité dans les négociations

Peu après que les responsables israéliens aient déclaré à leurs médias qu’ils avaient rejeté l’accord, Witkoff a déclaré à Barak Ravid, journaliste chez Axios : « Ce que j’ai vu de la part du Hamas est décevant et totalement inacceptable. »

Cela contredit ce que le Hamas avait été amené à penser lors des négociations avec les médiateurs américains. Selon Scahill, le Hamas avait été informé que la proposition répondait aux exigences des États-Unis et que la prochaine étape consistait pour Witkoff et d’autres à obtenir l’accord d’Israël. La déclaration de Witkoff a fourni à Israël une couverture diplomatique pour son refus de tout compromis.

Channel 12 a rapporté que pendant les discussions, le Hamas pensait avoir obtenu des garanties américaines pour une fin permanente de la guerre. Mais les responsables israéliens affirment désormais qu’il n’y a pas eu un tel engagement.

Selon le média : « Israël insiste sur le fait que l’administration Trump le soutient sur cette question et que l’engagement américain porte uniquement sur la conduite effective des négociations pour mettre fin à la guerre, sans garantie de résultats. »

Cela contredit directement ce que le Hamas avait compris de la part des intermédiaires américains.

Selon Al Jazeera, Trump devrait garantir personnellement tout accord final, y compris l’aide humanitaire et le retrait des troupes. Il ne fait aucun doute que le seul facteur qui importe est de savoir si Trump imposera un cessez-le-feu à Israël.

Comme l’histoire l’a montré, Netanyahu fera tout ce qui est en son pouvoir pour saboter un accord.

Trump a déclaré hier soir aux journalistes : « Nous voulons voir si nous pouvons mettre fin à toute cette situation le plus rapidement possible. » Mais jusqu’à présent, son envoyé soutient Israël.

26 mai 2025 – Substack – Traduction : Chronique de Palestine

Soyez le premier à commenter

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.