
Après avoir assassiné Ahmad Sarhan, un haut commandant des Brigades Al-Nasser Salah al-Din, les forces coloniales israéliennes ont recouru à des bombardements intensifs pour couvrir l'unité israélienne au sol, qui s'était déguisée en femmes dans un véhicule faisant passer ses membres pour des personnes déplacées. Les forces coloniales israéliennes ont émis un ordre de déplacement forcé pour la ville de Khan Younis - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Donya Abu Sitta
« Même si nous avions enduré près de 600 jours de cette guerre d’extermination, je ne croyais pas que nous survivrions à cette journée. C’était un véritable cauchemar. »
KHAN YOUNIS, BANDE DE GAZA — Le 19 mai, une vague de tristesse a balayé la ville de Khan Younis. Les habitants ont été réveillés à 6 h 30 par le bruit d’avions de combat volant à basse altitude et d’explosions à proximité.
Mes jeunes frères, Kareem, 18 ans, et Salman, 14 ans, étaient sortis quelques minutes plus tôt pour ramasser du bois afin de faire bouillir de l’eau pour notre thé sans sucre.
Mon frère aîné, Hassan, est sorti à leur recherche et les a trouvés figés dans la rue. Ils étaient paralysés par la peur. Hassan les a ramenés à la maison et je suis sorti sur le balcon de notre appartement au cinquième étage pour essayer de voir ce qui se passait autour de nous.
J’ai vu des avions de combat F-16 et des hélicoptères Apache voler très près, si près que j’avais l’impression de pouvoir les toucher. C’était la première fois que je voyais un missile tiré depuis un avion de combat. J’ai vu l’énorme boule de feu orange qui s’est déchaînée lorsque la bombe a explosé non loin de là.
Le bourdonnement des drones au-dessus de nos têtes était assourdissant, mais les cris et les hurlements des gens étaient encore plus forts. Tout le monde dans la rue se dispersait dans tous les sens, courant pour sauver sa vie.
Nous vivons dans un quartier avec des immeubles d’appartements autour d’une cour centrale, et j’ai vu mes voisins debout à leurs fenêtres, essayant de comprendre ce qui se passait. Une épaisse fumée noire envahissait l’air.
Même si nous avions enduré près de 600 jours de cette guerre d’extermination, je ne croyais pas que nous survivrions à cette journée. C’était un véritable cauchemar.

19 mai 2025 – Vue de Khan Younis depuis le balcon de Donya Abu Sitta, avec des frappes aériennes en arrière-plan – Photo : Donya Abu Sitta
Ce qui s’était passé finit par être élucidé. Les informations et les témoignages oculaires rapportèrent comment une unité des forces spéciales israéliennes s’était infiltrée à Khan Younis pour mener un raid contre le domicile d’Ahmed Sarhan, un commandant des Brigades Al-Nasser Salah al-Din, la branche armée des Comités de résistance populaire.
Les soldats se sont fait passer pour des personnes déplacées, certains déguisés en femmes en civil, tirant une charrette sur laquelle étaient empilés des matelas, mais qui contenait en réalité une caisse renfermant les armes qu’ils allaient utiliser pour leur opération.
Ils ont pris d’assaut la maison de Sarhan, mais celui-ci aurait résisté et riposté. Selon des témoins, ils l’ont tué devant sa famille, ont enlevé sa femme et ses enfants et ont abattu un autre enfant dans la rue en s’enfuyant.
« Les Israéliens ont enlevé un enfant de 10 ans, ont enlevé sa mère et ont exécuté son père au milieu de la maison », a déclaré un homme se tenant devant la maison après le raid dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
« C’était comme l’Armageddon dans le quartier. Imaginez tout le quartier détruit avec ses habitants. » Un quadricoptère survolait les lieux et des témoins ont décrit des coups de feu dirigés contre toute personne qui apparaissait.
Pour couvrir leur retrait, l’armée israélienne a bombardé la zone, lançant plus de 40 frappes aériennes en 40 minutes, selon certaines sources. Elle a pris pour cible l’école al-Hourani, le carrefour al-Thara, l’hôpital Nasser et le bâtiment Jaser, non loin de l’endroit où se trouvaient mes frères.
Trois heures plus tard, l’armée israélienne a émis de nouveaux ordres d’évacuation pour la majeure partie de Khan Younis, s’étendant de la limite à l’est et englobant une grande partie de la ville. L’armée a averti qu’elle lancerait une « attaque sans précédent » contre la région.
Au moment où j’écris ces lignes, les bombardements n’ont pas encore cessé.
Selon une carte publiée en ligne par l’armée israélienne, les zones visées par les déplacements représentent pas moins de 80 % de Khan Younis, qui comprend des abris pour des centaines de milliers de Palestiniens déplacés.
Des milliers de familles vivant dans ces zones ont commencé à fuir leurs abris dans un état de panique et de chaos.
Les ordres d’évacuation ont été donnés quelques heures seulement après qu’Israël ait commis un autre massacre horrible en bombardant plusieurs maisons à Khan Younis, tuant plus de 60 Palestiniens, dont la plupart étaient des enfants et des femmes.
Les bombardements de Khan Younis, qui visent notamment l’hôpital Nasser, se poursuivent.
Les scènes de déplacement massif observées lundi ressemblaient à un vol d’oiseaux se déplaçant en formation serrée, animés par une faim tenace qui leur tordait les entrailles. Le rugissement des avions de combat se mêlait au bourdonnement des drones.
Les familles emportaient tout ce qu’elles pouvaient : matelas déchirés, couvertures poussiéreuses, sacs déchirés et enfants. Tant d’enfants. Certains marchaient pieds nus, d’autres traînaient leurs cartables remplis de vêtements. Certains portaient des bouteilles d’eau vides. Les rues étaient bondées.
Ce n’est pas la première fois qu’ils sont déplacés. Certaines familles ont été déplacées des dizaines de fois.
Chaque déplacement laisse une profonde cicatrice dans l’âme et charge les familles de souvenirs douloureux. Et nous savons tous qu’Israël a attaqué à plusieurs reprises les sites mêmes où il ordonne aux Palestiniens de fuir, frappant parfois directement les tentes de fortune dans des endroits comme Al-Mawasi, brûlant vifs les personnes déplacées.
Ma famille n’a pas encore été déplacée parce qu’elle n’a nulle part où aller. Ils ont complètement pris le contrôle de Rafah ; l’accès à la ville de Gaza au nord ou à la zone centrale de Deir al-Balah est pratiquement coupé.
Alors où pouvons-nous aller ? Restons dans notre maison, nous nous disons les uns aux autres. Si la mort est notre destin, alors mourons dans notre maison.
Auteur : Donya Abu Sitta
* Donya Abu Sitta est écrivaine et traductrice. « Au cours de mes études, j'ai été traductrice et rédactrice bénévole pour le Hult Prize, Youth Innovation Hub, Science Tone, Eat Sulas et Electronic Intifada. »
Donya écrit également pour We Are Not Numbers.
21 mai 205 – Substack.com – Traduction : Chronique de Palestine