
Gaza, mai 2021 - Scène de rue après l'annonce du cessez-le-feu. En Palestine occupée, la résistance palestinienne est comme un poisson dans l'eau - Photo : Réseaux sociaux
Par Jonathan Cook
Comme on pouvait s’y attendre, l’establishment britannique vilipende les avocats qui tentent de mettre fin à la proscription de la branche politique et armée du Hamas. Les avocats ont pourtant de bons arguments. Pourquoi personne ne les écoute-t-il ?
[Compte tenu de l’effet dissuasif de la loi britannique sur le terrorisme et de l’interprétation extensive qu’en fait la police britannique en ce qui concerne les reportages et les analyses sur Gaza, cet article a été examiné deux fois par des avocats avant que sa publication ne soit autorisée par Middle East Eye. Les avocats ont suggéré plusieurs modifications afin d’éliminer tout risque de poursuites. Vous pouvez lire la version approuvée pour publication par Middle East Eye ici.
Je publie moi-même la version non expurgée, avec les phrases que j’ai dû supprimer pour publier l’article sur Middle East Eye en caractères gras. Je le fais pour mettre en évidence à la fois le climat de peur qui règne actuellement dans les salles de rédaction – une peur qui fausse entièrement la couverture de Gaza et contribue au génocide israélien – et la manière tout à fait grotesque dont la police, soucieuse de plaire au gouvernement, interprète la loi. Il semble que le simple fait de rappeler des éléments déjà connus du public puisse désormais conduire à votre arrestation.
Je vous demande, je vous supplie – afin de m’éviter la prison – de ne pas vous sentir encouragé, de quelque manière que ce soit, en lisant le texte ci-dessous, à adopter un point de vue plus favorable au Hamas.]
C’est la première fois que je dois commencer un article d’opinion par un avertissement journalistique et un avertissement juridique. Mais nous vivons dans des temps dystopiques.
Les faits : j’ai été l’une des 20 personnes qui ont rédigé des rapports d’experts pour une récente requête juridique à la ministre britannique de l’intérieur, Yvette Cooper, qui l’appelle à mettre fin à la proscription du Hamas en tant qu’organisation terroriste.
Vous pouvez lire mon rapport – sur les dommages importants causés au journalisme par la proscription du Hamas – ici.
Si, comme c’est probable, Cooper n’approuve pas la demande, préparée par le cabinet londonien Riverway Law au nom du Hamas, dans le délai de 90 jours, sa décision sera soumise à un tribunal d’appel pour révision judiciaire.
Avertissement : rien de ce qui suit n’est destiné à vous encourager à adopter une attitude plus favorable à l’égard du Hamas. Cela n’a pas pour but de vous encourager à soutenir le Hamas. Cela n’approuve pas les opinions ou les croyances qui soutiennent le Hamas, comme indiqué dans les demandes de déprogrammation du Hamas.
Le problème que ce rapport met en lumière est le suivant : en vertu de l’article 12 de la loi britannique draconienne sur le terrorisme de 2000, si ce que j’écris, même par inadvertance, vous encourage à avoir une meilleure opinion d’une organisation proscrite comme le Hamas, je risque jusqu’à 14 ans d’emprisonnement.
L’objectif de cet article est de montrer comment la loi et l’establishment fonctionnent ensemble pour étouffer toute critique légitime de l’occupation israélienne.
La loi est formulée de manière si vague que le gouvernement britannique, soutenu par une police antiterroriste par trop désireuse de plaire, peut potentiellement arrêter toute personne louant le travail des hôpitaux publics de Gaza pour sauver des vies parce que le Hamas est en charge du gouvernement de l’enclave, ou poursuivre toute personne, y compris les médias, donnant une tribune aux politiciens du Hamas qui tentent de faire avancer un cessez-le-feu.
Si tout cela vous semble insensé, étant donné qu’il ne devrait pas être illégal d’énoncer des faits avérés et que personne ne peut savoir ce que quelqu’un d’autre pensera et ressentira en apprenant quoi que ce soit sur le Hamas, alors vous commencez à comprendre pourquoi la demande adressée au ministre de l’intérieur est si urgente et si importante.
Réunions secrètes
Le Royaume-Uni a certes déclaré la branche armée du Hamas organisation terroriste il y a un quart de siècle, mais ses branches politique et administrative ont été ajoutées à la liste des organisations interdites beaucoup plus récemment, en 2021.
C’est pourquoi Cooper, l’actuelle ministre de l’intérieur, a cherché à égarer le public avec sa réponse dédaigneuse à la demande soumise à son bureau. Elle a déclaré à la chaîne LBC : « Le Hamas est depuis longtemps une organisation terroriste. Nous maintenons notre point de vue sur la nature barbare de cette organisation ».
C’est Priti Patel qui, en tant que ministre de l’intérieur, a ajouté le Hamas dans son entièreté, y compris ses ailes politiques et administratives, à la liste des organisations proscrites peu après avoir été réhabilitée et réadmise dans le gouvernement de Boris Johnson en 2019.
Deux ans plus tôt, elle était tombée en disgrâce et avait été contrainte de démissionner de son poste de secrétaire au développement international.
Pourquoi ? Parce qu’il s’est avéré qu’elle avait tenu 12 réunions secrètes avec de hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, sans en parler à ses collègues et alors qu’elle était censée être en vacances avec sa famille.
Il s’est avéré par la suite qu’elle avait également rencontré secrètement d’autres responsables israéliens à New York et à Westminster.
La carrière politique de Patel, et c’est un euphémisme, a été marquée par une attention particulière aux préoccupations israéliennes.
Il ne fait aucun doute que sa décision de proscrire les ailes politiques et administratives du Hamas, en en faisant l’équivalent de la section armée de l’organisation, figurait en bonne place parmi les priorités d’Israël.
Sa décision a instantanément perverti le débat politique britannique, puisqu’il est devenu pratiquement impossible de discuter de la gouvernance du Hamas à Gaza ou du blocus de l’enclave par Israël de manière équilibrée ou réaliste. Il en est résulté une image simpliste, en noir et blanc, de la vie dans l’enclave, dans laquelle tout ce qui est Hamas est mauvais – et donc, par contraste, tout ce qui est israélien est bon.
Cela a spectaculairement servi les intérêts israéliens lorsque, deux ans plus tard, à la suite des attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, Israël a alimenté les médias occidentaux d’histoires entièrement fabriquées selon lesquelles le Hamas « décapitait des bébés » et procédait à des « viols massifs ».
Pendant des mois, alors qu’Israël s’apprêtait à assassiner en masse les Palestiniens de Gaza et à raser leurs maisons, la seule question que les journalistes posaient à ceux qui critiquaient les actions d’Israël était la suivante : « Condamnez-vous le Hamas ?»
Même les chiffres toujours plus élevés du nombre de morts enregistrés par le ministère de la santé de Gaza – qui se sont avérés si fiables lors des précédentes attaques israéliennes que les organismes internationaux et l’armée israélienne elle-même les reprenaient – ont soudain été considérés comme suspects et gonflés. Des recherches indépendantes continuent pourtant de suggérer le contraire.
Les médias occidentaux ont ajouté “dirigé par le Hamas” à ministère de la santé, et le nombre de victimes – qui est très certainement sous-estimé en raison de la destruction systématique du secteur de la santé par Israël – n’a plus été rapporté que sous la forme d’une « allégation ».
Les mêmes manipulations ont été utilisées pour justifier les atrocités bien plus graves commises par Israël, qui a tué et mutilé des centaines de milliers de Palestiniens, dont la plupart étaient des femmes et des enfants, détruit les hôpitaux de l’enclave et les infrastructures de soutien, tout en affamant l’ensemble de la population.
Dix-huit mois plus tard, c’est toujours le « méchant Hamas » qui fait la Une, et non le génocide, qui crève pourtant les yeux, commis par Israël.
Le silence forcé
Le danger que fait courir l’interdiction du Hamas dans son intégralité – et pas seulement de sa branche armée – est loin d’être hypothétiques, compte tenu de la formulation élargie de la loi britannique sur le terrorisme depuis 2019, date à laquelle elle a été amendée.
En particulier, une révision de l’article 12 selon laquelle toute personne qui « exprime une opinion ou une croyance qui soutient une organisation proscrite », et une opinion qui pourrait « encourager le soutien » à cette organisation, est susceptible d’être arrêtée par la police antiterroriste, d’être poursuivie en justice et d’être condamnée à une peine de prison pouvant aller jusqu’à 14 ans.
Pour avoir simplement exprimé une opinion.
La formulation est tellement vague que, par exemple, le simple fait de reprocher à Israël d’avoir commis des atrocités plus importantes et plus nombreuses que celles du Hamas pourrait théoriquement amener la police antiterroriste à frapper à votre porte.
Pour éviter les poursuites, le site web Riverway Law, dédié à notre requête à la ministre de l’Intérieur, l’a fait précéder d’un avertissement juridique : « En accédant à ce site web, vous reconnaissez qu’aucun de ses contenus ne peut être considéré comme soutenant ou exprimant un soutien à des organisations terroristes interdites en vertu de la loi sur le terrorisme de 2000 ».
Plusieurs journalistes et commentateurs britanniques indépendants – ceux dont la carrière n’est pas dictée et protégée par des milliardaires ou par le radiodiffuseur public britannique – ont vu leur domicile perquisitionné à l’aube par la police antiterroriste ou ont été arrêtés à la frontière alors qu’ils rentraient chez eux.
Un analyste politique, Tony Greenstein – qui se trouve être juif et avocat de formation – est actuellement poursuivi en vertu de l’article 12 de la loi sur le terrorisme. D’autres font l’objet d’une enquête prolongée.
La menace de poursuites est suspendue au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès.
Tous les autres journalistes sont censés prendre note de ce qu’ils subissent et modérer leurs critiques. Voulons-nous que la police défonce la porte de nos maisons à l’aube ? Voulons-nous être arrêtés à notre retour de vacances, sous le regard horrifié de nos conjoints et de nos enfants ?
Le Syndicat national des journalistes a qualifié les actions de la police à l’encontre des journalistes d’« abus et d’utilisation inique de la législation antiterroriste » et a averti qu’elles risquaient de « menacer la sécurité des journalistes », ainsi que celle de leurs sources.
Il est compréhensible que vous ne soyez pas vraiment au courant de ces tactiques policières répressives, qui se sont accélérées depuis l’arrivée au pouvoir de Keir Starmer.
Rappelons qu’il a personnellement approuvé, en tant que chef de l’opposition, le crime contre l’humanité qu’Israël commet en bloquant l’alimentation, l’eau et l’électricité à Gaza.
La BBC et les autres médias n’ont pas rendu compte de ces incidents, qui sont pourtant caractéristiques des États policiers.
Est-ce parce que la loi sur le terrorisme oblige ces médias eux-mêmes à se soumettre ?
Ou est-ce parce qu’ils sont en fait les porte-parole du même establishment britannique qui a rendu illégal le fait d’exprimer son soutien à des objectifs identiques aux objectifs politiques, et non militaires, du Hamas ?
N’oublions pas – et il est facile de l’oublier, étant donné qu’il en est rarement fait mention dans les médias britanniques – que le même État britannique qui a interdit le Hamas continue d’armer directement Israël, aide à acheminer des armes d’autres pays vers Israël, fournit à Israël des renseignements provenant d’avions espions britanniques survolant Gaza, et assure à Israël une couverture diplomatique – tout cela pendant qu’Israël se livre à ce que la Cour internationale de Justice (CIJ) qualifie de « génocide plausible » et pendant que sa sœur, la Cour pénale internationale (CPI) veut arrêter Netanyahu pour crime contre l’humanité.
Le rôle du gouvernement britannique dans le nivellement de Gaza, la décimation de sa population par les bombes, le nettoyage ethnique de pans entiers de l’enclave ou la famine de la population, n’est pas neutre. Au contraire, il aide activement Israël dans sa campagne génocidaire.
L’establishment britannique, par sa proscription du Hamas et la formulation de la loi sur le terrorisme, intimide les journalistes, les universitaires, les politiciens, les avocats, et contraint, en fait, tout le monde à garder le silence sur sa complicité dans le génocide et à renoncer à approfondir ses motivations.
« Pas de civils »
La demande de Riverway Law au ministre de l’intérieur de lever la proscription du Hamas parce qu’elle serait une violation de la Convention européenne des droits de l’homme répond à deux objectifs principaux.
Le premier concerne la proscription de l’ensemble de l’organisation par le gouvernement britannique. C’est la partie de la demande juridique qui a attiré le plus d’attention – et qui a été utilisée pour vilipender les avocats impliqués.
Comme l’a expliqué l’avocat Franck Magennis, Riverway avait les mains liées parce que Patel – aujourd’hui secrétaire d’État aux affaires étrangères – a ajouté le Hamas à la liste en tant qu’entité unique en 2021, sans faire de distinction entre ses différentes ailes. Les avocats n’ont donc eu d’autre choix que de demander la déqualification de l’ensemble du groupe.
C’est le gouvernement qui a fixé les termes du débat juridique, et non le Hamas ou ses représentants légaux.
Les avocats du Hamas reconnaissent que son aile militaire répond à la définition d’une organisation terroriste au sens de la loi britannique sur le terrorisme. Ils affirment que cette loi couvre un champ si large que toute organisation recourant à la violence pour atteindre des objectifs politiques est visée, y compris les armées israélienne, ukrainienne et britannique.
Les médias de l’establishment ont tenté de salir Riverway et ses avocats en les qualifiant de « larbins » du Hamas et de partisans du terrorisme, ce qui montre à quel point notre requête est nécessaire.
Un interviewer ouvertement hostile de la chaîne LBC a cru avoir pris Magennis en flagrant délit de manquement éthique ou professionnel parce qu’il avait choisi de représenter le Hamas sans être payé – comme il doit le faire en vertu de la loi britannique parce que le Hamas est une organisation proscrite.
Le journaliste voulait insinuer que Magennis, loin d’avoir accepté cette mission pour des motifs légaux et éthiques d’une importance vitale, soutenait en fait le terrorisme avec tant d’enthousiasme qu’il était prêt à accepter gratuitement un travail chronophage et préjudiciable à sa carrière.
La proscription de l’aile politique du Hamas, y compris de ses institutions gouvernementales et administratives, en fait des prolongements de la lutte armée.
Elle alimente les affirmations manifestement ridicules d’Israël selon lesquelles les 36 hôpitaux de Gaza sont en réalité des « centres de commandement et de contrôle du Hamas », que les médecins de Gaza peuvent être tués ou arrêtés et emmenés dans des camps de torture parce qu’ils sont des « agents du Hamas » déguisés, et que les secouristes de Gaza peuvent être exécutés parce que leurs missions de sauvetage aideraient le Hamas.
Pire encore, cette proscription vient finalement appuyer les déclarations génocidaires des dirigeants israéliens selon lesquelles il n’y a « pas de civils à Gaza », un endroit où la moitié de la population est constituée d’enfants.
Monnaie d’échange
La proscription du Hamas dans son ensemble ne tient pas compte du fait que le groupe a des objectifs politiques – ceux pour lesquels la population de Gaza a voté il y a 19 ans pour se libérer de décennies d’occupation militaire israélienne brutale et illégale.
Ces objectifs sont distincts de ceux du Hamas, mais le fait d’exprimer son soutien à ces objectifs entraîne le risque de faire l’objet d’une enquête de police et de poursuites judiciaires par le Crown Prosecution Service (CPS).
Les habitants de Gaza – moins de la moitié d’entre eux qui étaient en âge de voter il y a vingt ans – ont été amenés à soutenir la résistance armée dans le cadre de la lutte pour la libération nationale pour une raison évidente. Parce qu’Israël avait refusé de faire la moindre concession aux rivaux politiques du Hamas, dirigés par Mahmoud Abbas en Cisjordanie.
Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, utilise des moyens strictement diplomatiques – auxquels Israël s’oppose également – pour obtenir la création d’un État.
La proscription du Hamas fait oublier qu’un peuple sous occupation a le droit, inscrit dans le droit international, de recourir à la lutte armée contre ses oppresseurs militaires. Elle rend dangereuse toute manifestation de soutien à la lutte armée des Palestiniens de Gaza, sous peine d’être accusé d’enfreindre l’article 12 de la loi sur le terrorisme de 2000.
La proscription prouve l’incapacité des politiciens et des médias occidentaux à faire la distinction entre les actions du Hamas du 7 octobre 2023 qui sont conformes au droit international, telles que ses attaques contre les bases militaires israéliennes, et les actions illégitimes ciblant les civils israéliens.
Elle inverse la réalité en traitant tous les Israéliens détenus à Gaza comme des otages qui ont été enlevés, même s’il s’agit de soldats, tout en approuvant l’enlèvement par Israël de Palestiniens à Gaza, qu’il s’agisse de personnel médical ou d’enfants.
Ces derniers sont censés être « arrêtés ». Les médias occidentaux les qualifient de « prisonniers », même si la plupart d’entre eux n’ont pas été inculpés ni jugés, et que le principal objectif de leur détention semble être de servir de monnaie d’échange contre des Israéliens captifs à Gaza.
Enfin, depuis 2021, la proscription par la Grande-Bretagne de l’aile politique du Hamas signifie en fait que le Royaume-Uni a apporté son soutien au refus d’Israël de discuter avec le gouvernement de Gaza et au siège israélien de Gaza, vieux de près de deux décennies, qui a transformé la bande de Gaza en un camp de concentration accueillant 2,3 millions de Palestiniens, radicalisant encore davantage la population.
Les politiciens britanniques devraient comprendre à quel point une telle approche est vouée à l’échec. Après tout, ce n’est qu’en discutant avec le Sinn Fein, l’aile politique du groupe « terroriste » de l’IRA, que la Grande-Bretagne a pu négocier un accord de paix, l’accord du Vendredi saint, en Irlande du Nord en 1998.
Le Hamas a déclaré dans sa charte révisée de 2017 qu’il était prêt à faire des concessions territoriales à Israël, sur la base de la solution traditionnelle des deux États.
Et il le fait à nouveau dans sa demande au ministre de l’intérieur, en qualifiant la solution à deux États de « consensus national » parmi les Palestiniens.
La requête note qu’Israël a assassiné à plusieurs reprises des dirigeants du Hamas, notamment Ahmed Jabari et Ismail Haniyeh, alors qu’ils étaient sur le point de conclure des accords de cessez-le-feu, dans ce qui ressemble étrangement à des tentatives d’Israël de saper les voix plus modérées au sein de l’organisation.
Par cette proscription, la Grande-Bretagne a donné à Israël le droit éternel de refuser de tester la volonté de compromis du Hamas.
Attaque contre les avocats
Robert Jenrick, secrétaire d’État britannique à la justice, a demandé que Riverway Law et ses avocats fassent l’objet d’une enquête et soient radiés pour avoir représenté le Hamas – oubliant apparemment le principe fondamental du droit selon lequel toute personne, même les tueurs en série, a le droit d’être représentée par un avocat si l’on veut éviter que la loi ne devienne une mascarade vide de sens.
La loi sur le terrorisme prévoit la possibilité pour les organisations interdites de contester en appel leur inscription sur la liste. Comment peuvent-elles suivre la procédure légale pour faire appel de leur inscription sur la liste, si ce n’est par l’intermédiaire d’avocats ?
Il est honteux que les fonctionnaires de Starmer aient une fois de plus gardé le silence alors que les représentants légaux du Hamas au Royaume-Uni ont été la cible des calomnies de l’establishment. Le gouvernement est aussi complice de l’attaque menée à l’intérieur du pays contre les droits démocratiques fondamentaux, tels que la liberté d’expression et l’État de droit, qu’il l’a été au dehors, dans le cadre du génocide israélien à Gaza.
Comment le gouvernement Starmer aurait-il réagi si les deux avocats britanniques qui ont défendu Israël contre la plainte de l’Afrique du Sud pour génocide devant la CIJ l’année dernière avaient été publiquement calomniés pour avoir agi de la sorte ?
Aurait-il été acceptable d’imputer à ces avocats les crimes contre l’humanité commis par leur client ?
Fahad Ansari, directeur de Riverway Law, a écrit au gouvernement pour lui demander de défendre le droit de cette équipe d’avocats à contester l’interdiction du Hamas et pour l’avertir que les « commentaires de Jenrick ne sont pas seulement imprudents et diffamatoires, mais qu’ils constituent une incitation à l’encontre des membres de notre personnel ».
Il a rappelé à la ministre de la justice, Shabana Mahmood, que des avocats avaient déjà été assassinés pour avoir défié l’establishment britannique, notamment Pat Finucane, tué par des loyalistes de l’Ulster en collusion avec les services de sécurité britanniques, après avoir gagné plusieurs procès contre le gouvernement britannique dans le domaine des droits de l’homme.
La requête du Hamas démontre que Patel a fourni plusieurs motifs erronés pour justifier la proscription du Hamas dans son entièreté.
Le Hamas conteste la qualification d’organisation terroriste que Patel lui a attribuée. Il note que le droit international permet aux peuples illégalement occupés et opprimés de résister par des moyens militaires.
L’ancien chef du bureau politique du Hamas, Mousa Abu Marzouk, note dans sa déclaration de témoin en faveur du Hamas que l’opération du Hamas du 7 octobre 2023 visait uniquement à frapper des cibles militaires et que les atrocités commises par ses combattants ce jour-là contre des civils n’avaient pas été autorisées par les dirigeants et ne sont pas tolérées.
Il est impossible de savoir si cette affirmation est vraie.
Il est également extrêmement difficile d’attirer l’attention sur des facteurs qui pourraient étayer l’argument d’Abu Marzouk sans être également accusé d’avoir invité à soutenir le Hamas ou d’avoir exprimé une opinion ou une croyance favorable au Hamas – ce qui pourrait vous faire accuser d’infraction pénale au titre de l’article 12.
Outre les fausses histoires diffusées par Israël, telles que celles selon lesquelles le Hamas aurait « décapité des bébés » et procédé à des « viols collectifs », on sait que d’autres groupes, vraisemblablement moins disciplinés, ont quitté Gaza ce jour-là, en plus du Hamas. Apparemment, aucun effort n’a été fait pour déterminer quels groupes ont commis quelles atrocités.
Et puis il y a le fait qu’un nombre inconnu d’atrocités imputées au Hamas ont en réalité été causées par le feu vert donné par Israël à sa directive Hannibal, qui autorisait l’armée israélienne à tuer ses propres soldats et citoyens pour éviter qu’ils ne soient kidnappés.
Ils ont notamment tiré des missiles sur des maisons de kibboutz et sur des véhicules se dirigeant vers Gaza, ne laissant que les restes carbonisés de leurs occupants.
Du fait de l’interdiction du Hamas, il est désormais juridiquement dangereux d’attirer l’attention sur les actes répugnants du gouvernement israélien.
Il convient également de noter que le Hamas indique clairement dans sa requête que, contrairement à Israël, il est prêt à ce que ses actions ce jour-là fassent l’objet d’une enquête par des organismes internationaux et à ce que tous ses combattants qui ont commis des atrocités soient jugés.
« Nous restons, comme toujours, prêts à coopérer à toute enquête internationale sur l’opération, même si ‘Israël’ refuse de le faire », écrit Abu Marzouk.
Il appelle « le procureur de la CPI et son équipe à se rendre immédiatement et de toute urgence en Palestine occupée pour enquêter sur les crimes et les violations qui y sont commis, au lieu de se contenter d’observer la situation à distance ou de se soumettre aux diktats israéliens ».
La société civile est diabolisée
Abu Marzouk souligne que la Grande-Bretagne n’est pas un observateur impartial du génocide israélien qui se déroule à Gaza. En tant que puissance coloniale en Palestine pendant la majeure partie de la première moitié du siècle dernier, elle a permis aux juifs européens de coloniser la patrie du peuple palestinien, laissant de fait ce dernier sans État.
« Sans surprise, » écrit Abu Marzouk, « l’État britannique continue de se ranger du côté du colonisateur sioniste génocidaire, tout en proscrivant les organisations qui, comme la nôtre, s’efforcent d’affirmer la dignité palestinienne. »
Ce qui renvoie au deuxième objectif principal de la requête du Hamas.
L’État britannique a l’obligation légale d’empêcher les crimes contre l’humanité et le génocide perpétrés actuellement par Israël à Gaza. Et ceux qui sont en mesure de faire la lumière sur les atrocités commises par Israël – et donc d’accroître la pression sur le gouvernement britannique et les organismes internationaux pour qu’ils remplissent leurs obligations légales – ont également le devoir de le faire.
Cela signifie que les avocats, les journalistes, les groupes de défense des droits de l’homme, les universitaires et les chercheurs doivent être aussi libres que possible de fournir des informations et des analyses qui obligent Israël à rendre des comptes pour les crimes qu’il continue de commettre et l’État britannique pour toute collusion dans ces crimes.
Mais comme nous l’avons déjà souligné, la proscription du Hamas a précisément pour effet d’étouffer le discours des experts sur ce qui se passe à Gaza. Ceux qui tentent de s’exprimer, qu’il s’agisse de journalistes indépendants ou d’avocats, ont été vilipendés, intimidés ou menacés de poursuites par l’État britannique.
Cette répression s’étend de plus en plus au grand public.
La proscription a ouvert la voie à l’arrestation et à l’emprisonnement de groupes d’activistes pacifistes tels que Palestine Action, qui tentent d’empêcher le fabricant d’armes Elbit, basé au Royaume-Uni, de produire les quadcopters qu’Israël utilise pour achever les civils, y compris les enfants, blessés lors des frappes aériennes sur Gaza.
L’interdiction a ouvert la voie à la diabolisation des marches publiques de masse et des manifestations étudiantes sur les campus contre le génocide israélien, les qualifiant de manifestations pro-Hamas et de « manifestations de haine ».
La proscription a permis à la police d’imposer des restrictions de plus en plus strictes à ces manifestations, d’arrêter les organisateurs et d’enquêter sur des personnalités comme Jeremy Corbyn et John McDonnell qui y participent.
« Plutôt que d’autoriser la liberté d’expression, la police s’est lancée dans une campagne d’intimidation politique et de persécution de journalistes, d’universitaires, de militants pacifistes et d’étudiants en raison de leur soutien supposé au Hamas », soutient la requête.
Cependant, alors que les opposants au génocide sont dénoncés comme des partisans du terrorisme, les auteurs de crimes contre l’humanité – qu’il s’agisse de dirigeants israéliens ou de ressortissants britanniques participant en tant que soldats au génocide de Gaza – sont toujours accueillis à bras ouverts en Grande-Bretagne.
Le mois dernier, le ministre britannique des affaires étrangères, David Lammy, a rencontré son homologue israélien, Gideon Saar, à Londres pour une « réunion privée ». Le gouvernement britannique a apparemment accepté la visite de Saar, tout en sachant qu’elle déclencherait des demandes d’arrestation pour crimes de guerre de la part de groupes juridiques.
Des fonctionnaires britanniques ont également accueilli des personnalités militaires israéliennes de haut rang.
Entre-temps, un dossier juridique remis le mois dernier à la police métropolitaine contre dix Britanniques accusés d’avoir commis des crimes de guerre à Gaza, tels que le meurtre de civils et de travailleurs humanitaires, n’a suscité aucun commentaire.
Où est l’indignation des médias et des politiciens à l’égard des Britanniques qui ont choisi de se rendre à Gaza pour combattre aux côtés d’une armée qui a tué et mutilé des dizaines de milliers d’enfants palestiniens ?
Il y aurait beaucoup à dire, mais en dire plus, c’est prendre le risque d’être arrêté par la police antiterroriste britannique et d’être condamné à une peine d’emprisonnement.
C’est pourquoi il faut mettre fin à la proscription du Hamas le plus rapidement possible.
Et c’est pourquoi l’establishment britannique, des politiciens aux médias, est si déterminé à serrer les rangs pour faire échouer la requête.
Auteur : Jonathan Cook

1e mai 2025 – Substack.com – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
Soyez le premier à commenter