Royaume-Uni : criminaliser la solidarité avec la Palestine

"Ne touchez pas aux enfants palestiniens !" Manifestation à Londres en soutien aux Palestiniens, le 30 mars 2018 - Photo : Forum palestinien en Grande-Bretagne

Par Yara Hawari

Une nouvelle vague de politiques répressives du gouvernement britannique vise à réprimer toute protestation et expression politique, posant une menace directe aux activités de solidarité avec la Palestine. L’analyste politique d’Al-Shabaka, Yara Hawari, place cette dernière vague de répression dans le soutien de longue date de la Grande-Bretagne au sionisme, et démontre comment ce n’est que dans de larges alliances intersectionnelles que les militants de la justice sociale peuvent contester efficacement la politique répressive conduite par l’État.

Introduction

En janvier 2022, le secrétaire britannique à l’éducation Nadhim Zahawi a affirmé que l’expression populaire « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » est antisémite et a laissé entendre que la scander devrait être considérée comme une infraction pénale.

Les commentaires de Zahawi surgissent dans le contexte d’une répression croissante par le gouvernement britannique du militantisme pour la solidarité avec la Palestine, avec la volonté d’interdire aux organismes publics d’appliquer des mesures de boycott, de désinvestissement et de sanctions, ainsi que de tentatives de tirer un trait d’égalité entre antisionisme et antisémitisme.

Si la répression reflète la politique étrangère britannique de longue date envers le régime israélien, elle fait également partie d’une vague de lois visant à criminaliser un large éventail de mouvements de justice sociale et politiques, en se concentrant sur les manifestations et les actions politiques.

Le gouvernement britannique a pris pour des mouvements tels que Black Lives Matter (BLM) qui contestent la violence étatique, et ces groupes ont réagit en voulant contrecarrer cette répression. Cette vague répressive a également stimulé une nouveau mouvement de solidarité et d’interactions parmi les groupes ciblés, ce qui est de plus en plus apparent lors de manifestations et d’actions politiques à travers le Royaume-Uni.

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Dans ces espaces, les militants de la solidarité avec la Palestine, les militants du BLM, les militants défendant les migrants et les réfugiés comme ceux intervenant pour le climat – pour ne citer qu’eux – convergent tous dans une lutte commune.

Bien que cette répression ait une portée considérable, cette note politique se concentrera sur l’environnement de plus en plus répressif auquel sont confrontés ceux qui militent et s’organisent au sein des espaces de solidarité avec la Palestine au Royaume-Uni.

Cette note explique comment cette dernière itération fait partie d’une tentative répétée de réprimer la protestation et l’expression politique, et met en lumière les efforts réussis pour résister à cette répression de la dissidence. Elle se conclut par de recommandations de stratégies pour affronter cette répression et renforcer les liens entre ces mouvements. [1]

La politique étrangère du Royaume-Uni à l’égard du sionisme

Le soutien de la Grande-Bretagne au projet sioniste a été inébranlable depuis sa création coloniale, et la politique étrangère britannique l’a continuellement illustré. En effet, l’élite politique britannique était composée d’ardents sionistes chrétiens, dont le Premier ministre Lloyd George, qui dirigeait le gouvernement de coalition au moment de la déclaration Balfour de 1917.

Cet engagement envers le sionisme, qui impliquait obligatoirement le déni des aspirations nationales palestiniennes, était au cœur de la domination britannique tout au long de ses trente ans d’occupation de la Palestine, de 1917 à 1948.

Les autorités coloniales britanniques ont facilité l’immigration de dizaines de milliers de juifs européens en Palestine et ont soutenu l’installation d’institutions sionistes tout en supprimant à plusieurs reprises la résistance palestinienne, au profit de la domination britannique comme de la colonisation sioniste.

Après la création de l’État israélien en 1948 sur plus de 80 % de la Palestine historique, la Grande-Bretagne a continué à soutenir le projet sioniste.

Dans les années 1950 et 1960, elle a secrètement aidé le régime israélien à développer des armes nucléaires. Le Royaume-Uni a maintenu ses ventes d’armes au régime israélien au fil des décennies – atteignant un nouveau sommet en 2018 – malgré ses crimes de guerre et ses violations des droits des Palestiniens.

De nombreuses armes et technologies vendues sont ensuite utilisées dans les assauts meurtriers du régime israélien contre Gaza, assiégée militairement depuis plus de 15 ans.

Alors que le gouvernement travailliste britannique a condamné l’occupation par le régime israélien du reste de la Palestine historique en 1967, dont Jérusalem-Est, il a maintenu une relation étroite avec le Parti travailliste israélien, qui était au gouvernement à l’époque.

L’ancien Premier ministre britannique Harold Wilson était un défenseur « au-delà de toute raison » du sionisme et considérait le régime israélien comme une « merveilleuse expérience de politique socialiste ».

Ironiquement, c’est le Parti travailliste israélien qui allait diriger l’entreprise de colonisation illégale en Cisjordanie, à Gaza et dans le Golan syrien occupé.

Le gouvernement britannique a depuis maintenu la ligne officielle selon laquelle « les colonies sont illégales au regard du droit international » et le régime israélien devrait « cesser immédiatement » leur construction.

Pourtant, non seulement il refuse de tenir Israël responsable de ces crimes de guerre, mais il récompense le régime israélien en approfondissant ses relations commerciales et diplomatiques.

Aujourd’hui, il y a plus de 620 000 colons israéliens répartis dans plus de 200 colonies en Cisjordanie. Ces colonies et leurs infrastructures de soutien occupent la majorité des terres en Cisjordanie, empiétant sur tous les aspects de la vie palestinienne.

L’appui persistant de la Grande-Bretagne au projet sioniste figure également dans ses considérations actuelles de politique étrangère. Cela a été exprimé par l’ancien secrétaire britannique à la Défense, Gavin Williamson, qui a déclaré en 2018 que la relation entre le Royaume-Uni et Israël est la « pierre angulaire de tant de ce que nous faisons au Moyen-Orient ».

En d’autres termes, le régime israélien protège les intérêts du Royaume-Uni dans la région et, en retour, le Royaume-Uni protège le régime israélien.

Ainsi, alors que l’alignement idéologique historique de la Grande-Bretagne sur le sionisme aide à expliquer la vague actuelle de mesures répressives contre le militantisme palestinien au Royaume-Uni, il est également important de souligner qu’il relève des intérêts stratégiques du Royaume-Uni.

Manœuvres répressives du gouvernement britannique

Le gouvernement britannique a depuis longtemps pris des mesures pour réprimer les activités de solidarité avec la Palestine. Les manœuvres récentes, cependant, marquent une nouveau seuil dans la répression de l’État britannique et ont de graves répercussions sur le militantisme de solidarité avec la Palestine et les mouvements associés.

L’une des tactiques préférées du gouvernement consiste à associer à du terrorisme la lutte palestinienne pour la libération, une tentative délibérée de délégitimer les droits fondamentaux du peuple palestinien.

Photo : réseaux sociaux
Des manifestants à Bristol, en Angleterre, déboulonnent et mettent à l’eau la statue du marchand d’esclaves Edward Colston – Photo : réseaux sociaux

Cela s’est accéléré après le 11 septembre et la « guerre contre le terrorisme » des États-Unis, que le gouvernement britannique a soutenue et reprise à son compte. En 2003, dans le cadre de cette approche, le gouvernement britannique a introduit Prevent, une stratégie pour lutter contre « l’extrémisme » et emprisonner ceux qui pourraient devenir des « terroristes » ou soutenir le « terrorisme ».

En 2015, le gouvernement a adopté une loi qui a institutionnalisé un « devoir de prévention » dans les secteurs de l’éducation et de la santé, exigeant des professionnels qu’ils « tiennent dûment compte de la nécessité d’empêcher que des personnes ne soient entraînées dans le terrorisme ».

Selon divers experts et organisations de défense des droits de l’homme, cette stratégie a créé un risque sérieux de violations des droits de l’homme, en particulier dans son ciblage de la « pré-criminalité ».

En d’autres termes, il encourage les professionnels de ces secteurs à identifier les extrémistes potentiels qui n’ont pas encore commis de crime.

Les lignes directrices et la formation identifient un ensemble de signes qui pourraient suggérer une vulnérabilité à l’extrémisme, y compris « les griefs déclenchés par des aspects de la politique gouvernementale ».

Sans surprise, les musulmans ont été ciblés de manière disproportionnée et, dans de nombreux cas, sont simplement signalés pour avoir montré des signes d’appartenance à l’Islam.

Bien entendu, la plupart des saisines faites par les professionnels de ces secteurs sont infondées. Néanmoins, elles ont souvent des conséquences très néfastes pour les personnes référées, notamment des violations de la vie privée, des interrogatoires de police et la stigmatisation sociale.

Prevent identifie également les sympathies ou les intérêts pour la Palestine comme un autre signe possible d’extrémisme.

Le « soutien affiché à la Palestine » et « l’opposition aux colonies israéliennes » sont inclus dans une liste de griefs potentiels auxquels les professionnels doivent faire attention.

Ironiquement, cela va à l’encontre de la politique officielle du gouvernement britannique, qui prétend s’opposer aux colonies israéliennes. Dans la même logique, le Foreign, Commonwealth and Development Office britannique devrait lui-même être dénoncé pour extrémisme potentiel.

Les effets néfastes de la diabolisation par Prevent des activités de solidarité avec la Palestine sont parfaitement clairs.

En 2014, un écolier a été renvoyé à la police antiterroriste par ses professeurs pour avoir porté un badge « Free Palestine » et distribué des tracts contre le bombardement de Gaza par le régime israélien.

La police a interrogé le garçon chez lui et on lui aurait dit de ne plus parler de la Palestine à l’école. Il y a aussi de nombreux incidents d’étudiants sur les campus universitaires surveillés et harcelés pour avoir soutenu la Palestine.

En plus de l’association diffamatoire avec le terrorisme et l’extrémisme, le militantisme de solidarité avec la Palestine est souvent confondu avec l’antisémitisme.

Auparavant dirigé par le ministère israélien des Affaires stratégiques – un ministère créé en grande partie pour lutter contre le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et les mouvements de solidarité avec la Palestine, dont le travail a depuis été fusionné avec le ministère des Affaires étrangères – ce mélange des genres est devenu un phénomène mondial.

En 2018, le gouvernement britannique a adopté la définition de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Association (IHRA) de 2016, qui confond délibérément antisionisme et antisémitisme. Il déclare que « Refuser au peuple juif son droit à l’autodétermination, par exemple en affirmant que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste », est une forme d’antisémitisme.

La définition de l’IHRA a ainsi été invoquée de façon totalement abusive pour cibler les groupes de solidarité avec la Palestine qui critiquent bien naturellement le régime israélien, tandis que les groupes nationalistes blancs et européens fascisants ont généré peu d’attention.

Depuis 2020, les universités britanniques subissent des pressions pour adopter la définition de l’IHRA.

En octobre 2020, l’ancien secrétaire britannique à l’éducation Gavin Williamson a même menacé que les universités pourraient perdre des sources de financement si elles refusaient cette adoption. Dans de nombreux cas, les universités ont cédé à la pression, avec des conséquences inquiétantes.

À l’Université de Sheffield Hallam, par exemple, l’universitaire palestinienne Shahd Abusalama a été suspendue de son poste dans l’attente d’une enquête sur des plaintes d’organismes externes selon lesquelles elle aurait enfreint les règles de l’université sur l’IHRA.

L’enquête a été rapidement abandonnée à la suite d’une vaste campagne de soutien à Abusalama et après que l’université n’a pas pu donner de la crédibilité aux plaintes.

La définition de l’IHRA a également été l’épine dorsale de nombreuses attaques dirigées contre le mouvement BDS, et le gouvernement britannique a proposé une législation qui le cible directement.

En 2016, le gouvernement a introduit des « lignes directrices » qui dénonçaient les boycotts d’approvisionnement par les organismes publics comme « inappropriés ».

Plus tard dans son manifeste pour les élections générales de 2019, le Parti conservateur a promis d’inscrire cette ligne dans sa politique, s’engageant à « interdire aux organismes publics d’imposer leurs propres campagnes directes ou indirectes de boycott, de désinvestissement ou de sanctions contre des pays étrangers ».

Bien que le manifeste ne mentionne pas explicitement le mouvement BDS, divers politiciens du Parti conservateur ont clairement indiqué où se situent leurs raisons. Par exemple, le député Robert Jenrick a affirmé lors d’une conférence en ligne que « d’ici un an ou deux, nous devrions… avoir une interdiction absolue de BDS ici, ce qui serait un grand pas en avant ».

Pendant ce temps, le député conservateur et envoyé spécial nommé par le gouvernement pour les questions post-Holocauste, Eric Pickles, a insisté lors d’une conférence à Jérusalem, en 2019 sur le fait que le mouvement BDS serait antisémite et que la législation proposée ne permettrait pas aux organismes publics de se distancer ou de boycotter le régime israélien.

Il est maintenant clair qu’une législation anti-BDS sera présentée au Parlement. Dans son discours de mai 2022 à l’ouverture du Parlement, la reine a affirmé que le gouvernement britannique présentera « une législation [qui] empêchera les organismes publics de s’engager dans des boycotts qui sapent la cohésion communautaire ».

Au-delà de l’impact négatif sur l’investissement des militants de la solidarité avec la Palestine, cela affectera également ceux qui souhaitent appeler aux boycotts comme une forme de protestation contre d’autres puissances impliquées dans les violations des droits de l’homme.

Une déclaration d’un groupe d’ONG britanniques a noté que cela « étouffera un large éventail de campagnes concernant le commerce des armes, la justice climatique, les droits de l’homme, le droit international et la solidarité internationale avec les peuples opprimés qui luttent pour la justice ».

En plus de cette répression des boycotts, l’activisme de solidarité avec la Palestine fait face à la répression de manœuvres légales visant les mouvements de justice sociale et les communautés les plus exposées, dont les migrants et les réfugiés. Les critiques l’appellent un plongeon vers une réalité « d’État policier ».

Il s’agit notamment du projet de loi sur la nationalité et les frontières, qui tente de mettre un terme à l’immigration en provenance de certaines parties du monde en criminalisant les demandeurs d’asile et en introduisant des centres de traitement « offshore », et des initiatives pour réformer et restreindre la loi sur les droits de l’homme – permettant essentiellement au gouvernement de choisir qui pourrait en bénéficier.

Le projet de loi sur la police, la criminalité, les peines et les tribunaux (PCSC), qui étend et renforce les pouvoirs de la police et d’autres autorités institutionnelles, est peut-être le plus inquiétant pour les campagnes et les mouvements politiques. Les groupes de défense des droits de l’homme et les militants expliquent qu’il s’agit d’un débordement massif du pouvoir politique et d’une tentative de réprimer la protestation.

De plus, c’est « une attaque contre certains des droits les plus fondamentaux des citoyens, en particulier ceux des communautés marginalisées ».

Le projet de loi PCSC donne au ministère de l’Intérieur et aux responsables de la police un large pouvoir discrétionnaire pour juger les manifestations illégales et pour arrêter et inculper les participants et les organisateurs.

Une manifestation peut être considérée comme illégale si elle fait simplement trop de bruit, et n’importe qui peut être arrêté et inculpé pour avoir organisé ou partagé des informations sur les manifestations.

Le projet de loi criminalise également « l’intrusion », qui non seulement tente de limiter les espaces d’activité politique, mais cible également directement les communautés nomades tsiganes, roms et itinérantes.

En plus des arrestations, les sanctions prévues par le projet de loi PCSC comprennent de longues peines de prison et de lourdes amendes. Sans aucun doute, cela dissuadera de nombreuses personnes de participer à des manifestations et à des rassemblements politiques.

Le groupe de défense des droits de l’homme basé au Royaume-Uni, Liberty, a déclaré que les dispositions de ce projet de loi affecteront tout le monde et démantèleront « les droits durement acquis et profondément appréciés de se réunir librement et d’exprimer leur dissidence ».

Recul imposé et stratégies de défense

Ces manœuvres législatives constituent une tentative claire pour dissuader les militants de la solidarité avec la Palestine et les mouvements alliés de s’organiser. Pourtant, ces militants ont continué à repousser la politique répressive de l’État britannique – et dans de nombreux cas, avec succès. Voici quelques exemples et possibilités d’élaboration d’actions supplémentaires.

L’Union nationale des étudiants (NUS), avec le soutien du personnel académique, a historiquement riposté avec sa propre stratégie de « prévention de la prévention », encourageant les campus à lancer des campagnes sous le titre « Étudiants non suspects ».

Le NUS s’oppose officiellement à Prevent en tant que politique gouvernementale et soutient ceux qui en ont été la cible. Plus largement, des universitaires et d’autres professionnels ont publiquement dénoncé Prevent, avec une lettre publique critiquant une stratégie comme manquant de « preuves scientifiques ».

Photo : archives
Londres – Manifestation de soutien à la Palestine et à la campagne BDS – Photo : archives

Les institutions universitaires ont également été le théâtre d’une opposition farouche à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA.

Au début de 2021, des universitaires de l’University College de Londres ont publié un rapport indiquant que « la définition [] n’est pas adaptée à l’usage dans un cadre universitaire et n’a aucune base légale pour son application ».

À la suite de ce rapport, un conseil académique interne a exhorté l’université à rejeter l’utilisation de la définition de l’IHRA et a forcé l’université à revoir la décision de l’adopter.

À peu près à la même époque, la British Society for Middle East Studies (BRISMES) a publié une déclaration affirmant que la définition a été utilisée pour délégitimer ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens et qu’elle ne contribue pas de manière substantielle à la lutte contre le racisme.

D’autres déclarations et actions ont suivi, notamment une lettre d’un groupe de 135 universitaires israéliens rejetant la définition, et une lettre d’universitaires et d’intellectuels palestiniens et arabes publiée dans le Guardian.

Cette réaction face à l’IHRA a conduit de nombreuses universités à rester fermes face aux pressions gouvernementales pour adopter la définition.

La formation d’alliances entre les étudiants et le personnel académique est essentielle pour lutter contre les politiques universitaires oppressives, car les deux détiennent un pouvoir collectif important. Fondamentalement, le personnel académique peut et doit refuser en masse de participer à l’espionnage des étudiants tel que voulu par le gouvernement.

Les établissements d’enseignement ont longtemps été des sites de refus et de résistance à la politique répressive, dont la volonté de réduire au silence le militantisme de solidarité avec la Palestine, et doivent continuer à l’être.

La lutte contre la délégitimation du mouvement BDS a également été particulièrement efficace. Depuis 2017, la Palestine Solidarity Campaign (PSC), avec une coalition de mouvements alliés, a combattu devant les tribunaux les tentatives du gouvernement britannique de faire taire BDS.

En avril 2020, le PSC a battu le gouvernement britannique dans une affaire historique devant la Cour suprême. Le tribunal a statué contre les directives gouvernementales susmentionnées, qui restreignaient la capacité des régimes de retraite des gouvernements locaux à retirer les investissements des entreprises complices de la violation par le régime israélien des droits fondamentaux des Palestiniens.

Le succès du CPS coïncide avec d’autres interventions légales réussies à travers l’Europe dans le but de faire respecter le droit au boycott. En 2020, une Cour constitutionnelle régionale allemande s’est prononcée contre une motion anti-BDS, déclarant qu’elle empiétait sur les droits fondamentaux. Et en mai 2021, un tribunal correctionnel français de Lyon a reconnu la légitimité du caractère de l’appel BDS.

Au-delà du BDS, le Centre européen d’assistance juridique (ELSC), une organisation indépendante créée pour défendre et responsabiliser les défenseurs des droits des Palestiniens à travers l’Europe, s’emploie à renforcer le mouvement de solidarité avec la Palestine en combinant « la surveillance, les stratégies défensives, les litiges d’impact, les formations et les recours ».

Il travaille également à développer « des outils juridiques et à s’engager dans des litiges stratégiques pour soutenir les recours et les campagnes de la société civile ».

Ces interventions créent collectivement un ensemble de précédents juridiques qui peuvent être utilisés par les militants et les mouvements à travers le monde. En effet, PSC a mentionné ce fait important après sa victoire en justice :

Depuis quelques années, Israël et ses alliés sont engagés dans une bataille pour délégitimer le militantisme en faveur des droits des Palestiniens et, en particulier, pour tenter de criminaliser l’action en faveur de l’appel palestinien au boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Les tentatives du gouvernement britannique d’introduire ces réglementations doivent être comprises dans ce contexte. Le gouvernement a annoncé dans le discours de la reine son intention d’introduire une nouvelle législation anti-BDS. Notre victoire à la Cour suprême aujourd’hui devrait leur servir de coup de fouet.

Au-delà des droits des militants de la solidarité avec la Palestine, le CPS soutient que leur cas porte également sur des menaces plus larges à la liberté d’expression et sur les excès du gouvernement face à la démocratie locale.

En effet, le mouvement de solidarité avec la Palestine n’est pas la seule cible de la répression étatique britannique, comme le démontre le projet de loi PCSC. Comme le projet de loi cible un large éventail de militants et de mouvements, la mobilisation contre celui-ci a été menée par une très large coalition d’alliés, les groupes britanniques Black Lives Matter jouant un rôle de premier plan.

Depuis le début de 2021, des milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes du Royaume-Uni lors des manifestations « Kill the Bill ». La mobilisation de masse a contribué à pousser la Chambre des Lords à rejeter le projet de loi à deux reprises en raison de graves inquiétudes quant à sa nature répressive.

Cependant, dans une évolution inquiétante pour les militants politiques et les mouvements de justice sociale, le projet de loi PCSC a été adopté par le Parlement le 28 avril 2022.

Tant la campagne « Kill the Bill » que les interventions judiciaires en défense du mouvement BDS confirment la nécessité de combattre ces dernières manœuvres dans de larges collectifs intersectionnels. Ces collectifs sont non seulement capables d’exercer une plus grande pression sur le gouvernement, mais ils sont enracinés dans la conviction de la connexité des luttes, ainsi que dans une croyance partagée en la résistance à l’oppression.

La directrice adjointe du PSC, Ryvka Barnard, écrit que c’est ce pouvoir collectif « qui effraie notre gouvernement complice et les entreprises qui profitent de sa carte blanche pour tirer leurs profits de la mort et de la destruction ».

En effet, alors que le gouvernement britannique adopte des politiques d’État policier, cette stratégie collective est ce qui permettra la défense la plus efficace contre la répression gouvernementale en cours et jettera les bases des luttes futures.

Note :

[1] L’auteure tient à remercier Hussein Khalidi et Ryvka Barnard pour leur expertise et leurs connaissances inappréciables sur ce sujet.

9 juin 2022 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah