Pourquoi notre monde brûle

Photo: via Gulf News

Par Ramzy Baroud

Il existe une relation existentielle entre nos habitudes de consommation et les dommages causés à notre planète, écrit Ramzy Baroud.

Il fait une chaleur torride à Rome. Cette belle ville devient insupportable pour d’autres raisons également. Bien que chaque coin de la métropole rayonnante recèle un monument à la grandeur historique, du Colisée dans le Rione Monti à la basilique Saint-Jean-de-Latran à San Giovanni, elle se débat aujourd’hui sous le poids de ses propres contradictions.

Dans la Via Appia, les poubelles débordent d’ordures, se déversant souvent dans les rues. L’odeur, surtout pendant les étés de plus en plus étouffants en Italie, est suffocante.

Dans le même temps, de nombreuses régions du pays sont littéralement en feu. Depuis le 15 juin, les pompiers auraient répondu à 37 000 urgences liées à des incendies, dont 1500 rien que le 18 juillet. Une semaine plus tard, j’ai circulé entre la Campanie, dans le sud de l’Italie, et les Abruzzes, dans le centre.

Tout au long du trajet, j’ai été accompagné par le feu et la fumée. Ce jour-là, de nombreuses villes ont été évacuées et des milliers d’hectares de forêts ont été détruits. Il faudra des mois pour évaluer le coût de la destruction en cours, mais il se mesurera certainement en centaines de millions d’euros.

En outre, toute l’Europe du Sud est en feu, car la région connaît les pires vagues de chaleur depuis de nombreuses années. La Grèce, l’Espagne, la Turquie et les Balkans luttent contre des incendies qui continuent de faire rage.

Des vagues de chaleur sans précédent

De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis et le Canada tentent désespérément de lutter contre leurs propres incendies de forêt, conséquences directes des vagues de chaleur sans précédent qui ont frappé l’Amérique du Nord de Vancouver à la Californie, ainsi que toute la région du nord-ouest des États-Unis.

En juin, Vancouver, Portland et Seattle ont établi de nouveaux records de chaleur, respectivement à 47,8, 46,7 et 42,3 degrés Celsius.

S’il est vrai que tous les incendies ne sont pas directement liés au réchauffement de la planète – nombre d’entre eux, en Italie par exemple, sont d’origine humaine -, les hausses de température sans précédent, associées à des modifications des régimes climatiques, sont les principaux responsables de ces catastrophes innommables.

La publication du dernier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est une lecture sinistre. Il réaffirme que le changement climatique lié à l’activité humaine est réel, présent et durable.

L’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres à un degré sans précédent, et il est presque certain que les effets vont s’aggraver.

La solution est plus complexe que le simple fait de disposer des ressources et des équipements adéquats pour contenir ces incendies.

L’impact de ces crises continuera de se faire sentir pendant des années, même si les températures se stabilisent d’une manière ou d’une autre. En Californie, par exemple, qui se prépare à une nouvelle saison épouvantable, les ravages des années précédentes se font encore sentir.

“Après deux années de sécheresse, l’humidité du sol est épuisée, ce qui assèche la végétation et la rend plus sujette à la combustion”, rapportait le New York Times le 16 juillet. Le problème n’est donc pas temporaire et ne peut être résolu par des solutions aisées.

Qui est vraiment responsable ?

Alors que j’étais assis avec ma grande bouteille d’eau à l’extérieur du café Caffettiamo, luttant contre la chaleur, l’humidité et l’odeur âcre des ordures, je me suis interrogé sur qui est vraiment responsable de ce qui semble être notre nouvelle réalité irréversible.

Ici, en Italie, l’échange se résume souvent au même discours politique, prévisible et polarisé. Chaque parti pointe du doigt les autres, dans l’espoir de gagner un peu de capital avant les prochaines élections municipales d’octobre.

Là encore, l’Italie n’est pas une exception. La polarisation politique en Europe et aux États-Unis oriente constamment la discussion vers un tout autre sujet. Il est rare que le problème soit abordé à un niveau macroéconomique, indépendamment des calculs politiques.

L’impact du réchauffement climatique ne peut et ne doit pas être pris en otage par les ambitions des politiques.

Des millions de personnes souffrent, des moyens de subsistance sont détruits, le sort des générations futures est en danger. Dans le grand ordre des choses, que l’actuelle maire de Rome, Virginia Raggi, soit élue pour un nouveau mandat ou non, est totalement insignifiant.

Dans un article publié sur le site de la Columbia Climate School, Renee Cho souligne l’évidence, à savoir la relation entre notre appétit insatiable de consommation et le changement climatique. “Saviez-vous que les Américains produisent 25% de déchets en plus que d’habitude entre Thanksgiving et le jour de l’an, envoyant un million de tonnes supplémentaires par semaine dans les décharges ?”, questionne Renee Cho.

Cela nous amène à réfléchir à la relation existentielle entre nos habitudes insatiables de consommation et les dommages irréparables que nous avons infligés à la terre mère.

Ici, dans la Via Appia, les contradictions sont indéniables. C’est la saison des soldes d’été en Italie. Les panneaux indiquant “Saldi” [soldes] – sont partout. Pour de nombreux acheteurs, il est impossible de résister à la tentation. Ce consumérisme effréné – colonne vertébrale et ligne de faille du capitalisme – a un prix des plus élevés.

Les gens sont encouragés à consommer davantage, comme si cette consommation n’avait aucune répercussion sur l’environnement. En fait, la Via Appia est le parfait microcosme de cette schizophrénie mondiale : les gens se plaignent de la chaleur et des ordures qui s’entassent, tout en consommant au-delà de leurs besoins, créant ainsi encore plus de déchets et, finalement, aggravant le sort de l’environnement.

Les problèmes collectifs appellent des solutions collectives. Les incendies en Italie ne peuvent pas être imputés à quelques pyromanes et en Californie, ils ne sont pas simplement le résultat des actions d’un maire inefficace.

Le réchauffement climatique est, en grande partie, le résultat d’un schéma destructeur instigué et entretenu par le capitalisme. Ce dernier ne peut survivre que par la consommation sans entrave, l’inégalité, la cupidité et, lorsque cela est nécessaire, la guerre.

Si nous continuons à parler du réchauffement climatique sans nous confronter à la menace capitaliste débridée qui a généré en premier lieu une grande partie de la crise, la discussion restera vaine.

En dernière analyse, toutes les conférences, tous les engagements et toutes les manœuvres politiques n’éteindront pas un seul incendie.

10 août 2021 – Gulf News – Traduction: Chronique de Palestine – Lotfallah