Palestine : écocide et apartheid

Décharge israélienne en Cisjordanie occupée - Photo : Ilana Shkolnik/Wikipedia

Par Hala Yacoub

Israël tente depuis longtemps de procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens en faisant de la Cisjordanie occupée une décharge de ses déchets toxiques. Selon Hala Yacoub, c’est la raison pour laquelle la libération de la Palestine est également une lutte pour la justice environnementale.

Le gouvernement israélien a récemment publié plus d’un million de documents provenant de ses archives nationales, révélant une partie des plans d’Israël visant à créer une nouvelle étape de l’entreprise coloniale israélienne.

Cette stratégie repose sur un lent nettoyage ethnique des Palestiniens afin de construire des colonies en Cisjordanie.

Ces documents contiennent des comptes rendus de réunions tenues par la division militaire israélienne de Judée et Samarie, qui décrivent les étapes du projet de colonisation en Cisjordanie.

Selon ces documents, la première étape consisterait à déposséder les Palestiniens de leurs terres en utilisant la couverture juridique des « zones de tir », et s’ils refusent de quitter leurs foyers, ils devront faire face à des punitions collectives, dont la destruction des récoltes.

Les documents décrivent également la colonisation israélienne d’Aqraba, un village du nord de la Cisjordanie, et la construction de la colonie de Gitit sur ces terres.

Ils détaillent les étapes de la création d’un environnement coercitif afin de déposséder de force les Palestiniens du village, les tactiques précédentes ayant échoué – dont la déclaration de la terre comme zone militaire fermée.

« Il est clair qu’Israël traite la Cisjordanie comme sa ‘zone sacrifiée’ privée parce qu’il est beaucoup moins coûteux de polluer la région que de traiter ou de réduire les déchets de manière responsable. Cependant, il serait naïf d’attendre une approche écologiquement responsable de la part d’un régime d’apartheid qui existe pour servir une entreprise coloniale plus vaste – surtout lorsque les violations continues contribuent à faire avancer ce projet. »

Pour atteindre leur objectif, les autorités israéliennes, y compris l’armée d’occupation, le département des colonies de l’Agence juive et le gardien des « biens des absents », ont admis avoir utilisé un « épandeur » pour déverser des produits chimiques toxiques qui sont « mortels pour les animaux et dangereux pour les humains ».

Ces produits ont également servi à empêcher de façon radicale la croissance des cultures sur les terres et cette tactique d’empoisonnement des terres est une nouvelle révélation apportée par les documents publiés.

Comme dans le cas d’Aqraba dans les années 1970, Masafer Yatta et la vallée du Jourdain sont aujourd’hui confrontés à des politiques visant à déplacer et à expulser les Palestiniens de leurs terres. Israël commence par créer des zones d’entraînement militaire qui servent de prétendue couverture juridique, puis développe un environnement coercitif en s’attaquant systématiquement à la présence palestinienne dans les zones ciblées.

Les Palestinins sacrifiés

Le crime d’épandage sur les cultures dure en fait depuis 1972. Les pratiques d’aujourd’hui et les politiques d’hier prouvent que lorsque tout le reste échoue, Israël n’hésite pas à attaquer l’écosystème palestinien en utilisant des produits toxiques afin de nourrir son entreprise coloniale et son régime d’apartheid.

La terre palestinienne est également utilisée comme une colossale « zone sacrifiée » par Israël qui place des décharges à ciel ouvert appartenant à ses colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés (TPO).

Aujourd’hui, il existe au moins 15 décharges israéliennes répertoriées et dûment documentées en Cisjordanie, situées à proximité de villages palestiniens, qui ont un impact négatif sur le bien-être, l’agriculture et la sécurité des communautés de proximité.

Certains sites servent à enfouir des déchets bruts, tandis que d’autres sont utilisés pour traiter des déchets recyclés – une action dangereuse.

Dans la vallée du Jourdain, le sol absorberait 60 % des boues toxiques résultant du traitement des eaux usées par Israël. En outre, la plus grande décharge israélienne créée pour le traitement des déchets médicaux est située dans la colonie illégale de Maale Ephraim, dans le nord de la Cisjordanie.

Pour aggraver les choses, plusieurs industries et décharges ont été rapprochées de la ligne verte ou à l’intérieur de la Cisjordanie, où les répercussions environnementales ne toucheraient que les Palestiniens.

Par exemple, les usines Geshuri et Sons, qui fabriquent toute une série de produits – principalement des pesticides – ont été déplacées de leur emplacement précédent, considéré comme trop nocif pour les Israéliens, vers la colonie industrielle de Nitzanei Shalom dans la ville de Tulkarem.

L’usine de pesticides de Kfar Saba a également été déplacée dans la région de Tulkarem, tout comme l’usine de gaz industriel de la société Dixon Gas, qui a besoin d’air libre pour brûler librement ses déchets solides. Ces deux usines produisent des polluants dangereux pour les habitants palestiniens vivant à proximité.

L’écocide au service de l’apartheid

Pour Israël, la Cisjordanie est peuplée de Palestiniens « non respectueux des droits de l’environnement » qui sont par conséquent contraints de souffrir de taux croissants de cancer et de maladies de la vision et des poumons.

C’est certainement le cas à Tulkarem où, selon les recherches du professeur Mazen Salman de la faculté d’agriculture de l’université de Khudouri, la plupart des maladies de la vision et des poumons dans la région sont identifiées dans les environs des usines israéliennes.

Sans parler des hectares de cultures palestiniennes qui ont été détruits, notamment des exploitations d’agrumes à Wadi Qana et des oliveraies à Qaryut (dans le gouvernorat de Salfit)…

Il est clair qu’Israël traite la Cisjordanie comme sa « zone sacrifiée » privée, car il est beaucoup moins coûteux de polluer la région avoisinante que de traiter ou de réduire les déchets de manière responsable.

Toutefois, il serait naïf d’attendre une approche écologiquement responsable de la part d’un régime d’apartheid dont la raison d’être est de servir une entreprise coloniale plus vaste – en particulier lorsque les violations continues contribuent à faire avancer ce projet.

En plaçant des décharges dangereuses dans le territoire palestinien occupé, Israël crée non seulement un environnement très contraignant afin d’obliger les Palestiniens au départ, mais aussi l’annexion de facto des terres qui accueillent les décharges, ce qui constitue une violation de la quatrième convention de Genève.

La relation entre les violations environnementales d’Israël et son régime d’apartheid, est incontestable. L’utilisation de décharges dans le TPO pour maintenir efficacement l’économie des colons juifs, l’annexion et le déplacement de Palestiniens pour renforcer le colonialisme israélien, l’imposition de conditions de vie impossibles aux Palestiniens, le sacrifice systématique d’une zone et de sa population au profit d’une autre, sont autant de pratiques d’apartheid.

Pourtant, la Convention sur l’apartheid (1973) souligne dans sa définition « l’imposition de conditions de vie calculées pour provoquer sa destruction physique ».

En effet, les violations commises par Israël ne sont pas simplement environnementales, ni dans leur intention, ni dans leurs effets. Les zones sacrifiées, en tant que phénomène mondial, servent les intérêts impérialistes.

Cela souligne non seulement que la lutte palestinienne est une lutte environnementale, mais aussi que la justice environnementale est incomplète sans la lutte pour la décolonisation de la Palestine.

13 juillet 2023 – The New Arab – Traduction : Chronique de Palestine