L’opposition à la législation anti-boycott aux États-Unis

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Malgré la multiplication des attaques au niveau des Etats, la campgane BDS n'a eu de cesse de progresser - Photo: Joe Catron

Par Tariq Kenney-Shawa

Les défenseurs du régime israélien aux Etats-Unis intensifient leurs efforts pour criminaliser le droit au boycott, qui est pourtant constitutionnel. Au-delà de la violation des droits des militants de la cause palestinienne, cela menace de saper les principes démocratiques. Le journaliste d’Al-Shabaka, spécialiste de la politique américaine, Tariq Kenney-Shawa, examine cette évolution et donne quelques pistes aux législateurs, aux organisations de la société civile et aux citoyens concernés, pour la combattre.

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Partout aux États-Unis, les législateurs et les lobbys redoublent d’efforts pour qu’Israël n’aie pas à rendre de comptes pour les crimes de guerre, l’occupation et l’apartheid. Dans ce but, ils s’attaquent aux droits des défenseurs de la cause palestinienne à la libre expression et au boycott politique, des droits pourtant garantis par le Premier Amendement.

En juin 2022, la Cour d’appel du huitième circuit a décidé de valider une loi de l’Arkansas interdisant aux entreprises employées par l’État de boycotter Israël. Depuis 2014, des dizaines d’États ont adopté des lois similaires visant à sanctionner les personnes et les entreprises qui refusent de faire des affaires avec ceux qui profitent de l’occupation israélienne.

Ces lois visent à contrecarrer les appels au boycott, au désinvestissement et aux sanctions qui visent à contraindre Israël à se conformer au droit international.

Le message adressé aux citoyens américains est clair : si vous essayez de forcer Israël à rendre compte de ses crimes, vous le paierez chez. Les implications sont considérables : non seulement les lois anti-boycott limitent les activités des défenseurs de la Palestine, mais elles sont la porte ouverte à un assaut plus large contre les protections constitutionnelles des droits des citoyens américains qui militent pour la justice.

Suite à la décision du huitième circuit en Arkansas, on s’attend en effet maintenant à ce que la question soit portée devant la Cour suprême, dont la décision aura des implications significatives et de long terme sur le droit de tous les citoyens américains de s’engager dans n’importe quel boycott politiquement motivé et de militer pour changer les choses.

Dans cet article, je me propose de montrer que l’évolution récente de la législation anti-boycott américaine fait partie d’efforts plus larges visant à saboter le mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) qui se révèle de plus en plus efficace.

J’explique aussi comment ces attaques contre le droit au boycott permettent aux forces réactionnaires d’éroder la capacité des citoyens américains à s’appuyer sur leurs droits constitutionnels ancestraux pour exiger la justice et le changement politique, tant dans leur pays qu’à l’étranger.

Leur droit au boycott étant menacé par un système judiciaire de plus en plus conservateur et partial, les citoyens américains doivent prendre les choses en main pour défendre leurs droits constitutionnels. Cet article de politique générale propose finalement quelques mesures à prendre.

En octobre 2022, des lois et des décrets visant à pénaliser les personnes participant à des boycotts d’Israël ont été introduits dans 34 États qui regroupent plus de 250 millions de citoyens américains. Ces lois sont aussi absurdes que scandaleuses.

En 2017, des fonctionnaires du Texas ont bloqué l’accès aux fonds d’aide aux victimes d’ouragans à ceux qui refusaient de renoncer à leur droit de s’engager dans le BDS ; c’est seulement sous la pression publique, qu’ils ont reconnu avoir outrepassé la loi.

En 2018, Bahia Amawi, une orthophoniste pour enfants au Texas, a poursuivi l’État après avoir perdu son emploi parce qu’elle avait refusé de s’engager à « ne pas boycotter Israël » ou les colonies israéliennes illégales.

La même année, The Arkansas Times, un journal local basé à Little Rock, a poursuivi l’État d’Arkansas après qu’un contrat publicitaire avec une université publique lui a été retiré pour avoir refusé de renoncer à son droit de boycotter Israël.

En appel, en juillet 2022, la Cour du huitième circuit, la plus haute juridiction qui a eu à examiner la question, a statué contre le journal, le privant de son droit de boycotter. Cette décision de justice, qui lie l’Arkansas, l’Iowa, le Minnesota, le Missouri, le Nebraska, le Dakota du Nord et le Dakota du Sud, est un très mauvais signe.

Les tribunaux fédéraux de district de l’Arizona, de la Géorgie, du Kansas et du Texas ont bloqué l’application des lois anti-boycott de leurs États, considérant qu’il s’agissait d’un discours inconstitutionnel et d’une violation du premier amendement. Cependant, au lieu d’être rejetées totalement au motif que le gouvernement ne peut pas interférer dans les choix politiques d’un individu ou d’un groupe, ces lois sont amendées et réintroduites.

Ainsi plusieurs États ont sorti les individus et les petits propriétaires du champ d’application de leurs lois anti-boycott mais les grandes entreprises qui réalisent plus de 100 000 dollars d’affaires avec l’État continuent d’y être soumises.

Image : Archives
Protestation à l’occasion du congrès de l’AIPAC à Washington en 2016 – Image : Archives

Les législateurs des États ont également imposé des sanctions financières aux entreprises accusées de boycotter Israël par le biais de listes noires et de désinvestissements de fonds de pension. Les efforts visant à maintenir l’impunité d’Israël pour ses violations des normes relatives aux droits de l’homme appliquées dans le monde entier s’étendent également aux investissements durables et à la gouvernance d’entreprise.

En septembre 2022, le trésorier de Caroline du Sud a rejoint une liste de plus en plus longue de responsables menaçant de couper les liens avec la société d’investissement multimilliardaire Morningstar au motif que la notation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) de son programme Sustainalytics serait biaisée contre Israël.

Les notations ESG, qui évaluent les pratiques éthiques des entreprises, allant des normes environnementales aux pratiques de travail, se sont avérées essentielles pour tenir les entreprises comptables de leurs actions, quel que soit le lieu où elles opèrent. Sustainalytics a documenté, comme il se doit, les violations israéliennes des droits de l’homme dans les évaluations qu’elle a fournies aux investisseurs.

Face à la pression croissante, Morningstar a engagé un audit indépendant pour mener une enquête exhaustive sur d’éventuels partis pris. L’enquête n’a révélé « aucune partialité endémique ou systémique à l’encontre d’Israël dans les produits et services de Sustainalytics », mais cela n’a pas mis fin aux calomnies contre le système de notation.

Le procureur général du Missouri, Eric Schmitt, a décrié les pratiques de Morningstar en les qualifiant d’ « enquête ESG (environnement, social, gouvernance) woke », et la trésorière de l’Arizona, Kimberly Yee, a suggéré que l’idée même d’évaluer les entreprises israéliennes selon les mêmes normes que celles auxquelles sont soumises toutes les autres entreprises était antisémite.

Et ce, bien que le directeur général de Morningstar, Kunal Kapoor, ait affirmé à plusieurs reprises que son entreprise ne soutenait pas le mouvement BDS et que l’évaluation de Sustainalytics constituait un avertissement pour les investisseurs, et non un appel au boycott.

Depuis lors, Morningstar a cédé à la pression du lobby pro-israélien, en adoptant une série de mesures anti-palestiniennes, notamment en s’abstenant de faire référence à la Cisjordanie comme étant « occupée » et en s’appuyant sur les rapports publiés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Il est clair que pour le lobby pro-israélien, les entreprises israéliennes ne devraient pas avoir à respecter les mêmes normes en matière de droits de l’homme, de travail et d’environnement que les autres entreprises.

Par conséquent, que ce soit en interdisant les contrats d’État aux entreprises qui soutiennent le BDS ou en menaçant de leurs couper les liens avec les agences d’investissement, les soutiens du régime israélien obligent les citoyens américains à choisir entre le respect de leurs droits au titre du Premier Amendement et leurs moyens de vivre.

Qui est derrière ces lois ?

La multiplication des projets de loi anti-boycott, récemment décrite par Human Rights Watch comme « faisant partie d’une campagne de plus en plus large » contre les défenseurs des droits de la Palestine, est l’œuvre du régime israélien lui-même.

Au cours des dernières années, Israël a réussi à contourner les lois américaines sur l’ingérence étrangère en créant des organisations non gouvernementales par le biais desquelles il achemine des millions de dollars à des groupes américains qui défendent ensuite la législation anti-BDS.

Mais le régime israélien n’est pas seul ; il est épaulé, dans sa guerre contre le boycott d’Israël, par les mêmes législateurs et lobbys réactionnaires qui s’emploient activement à saper les principes d’une démocratie saine.

Certains des partisans les plus véhéments des efforts anti-BDS aux États-Unis sont des lobbys conservateurs et des organisations chrétiennes évangéliques qui sont engagés dans une campagne nationale visant à faire reculer des libertés chèrement acquises.

Par exemple, l’American Legislative Exchange Council (ALEC), une entreprise ultraconservatrice soutenue par les frères Koch, rédige des lois pour les gouvernements des États et le gouvernement fédéral au nom des entreprises.

En plus de protéger inconditionnellement Israël de toute responsabilité et de rédiger des projets de loi anti-BDS pour les législateurs conservateurs, des groupes comme l’ALEC ont également ciblé l’éducation publique, l’activisme climatique et les droits LGBTQ+, tout en défendant les lois « Stand Your Ground (1) », l’interdiction de la Théorie critique de la race (2) et le renversement de Roe v. Wade (3) par la Cour suprême en juin 2022.

Pendant ce temps, des groupes comme Christians United for Israel (CUFI) dénigrent les militants BDS par le biais de campagnes de sensibilisation sur les campus universitaires, ainsi que dans les églises et sur les médias sociaux. Ces alliances prouvent qu’être pro-Israël aux États-Unis signifie également être complice des efforts des conservateurs pour soutenir la suprématie blanche, faire reculer les droits reproductifs et les droits LGBTQ+, et affaiblir la démocratie.

Qui plus est, les efforts pour faire reculer le droit au boycott sont bipartisans, c’est à dire tout autant démocrates que républicains. En 2016, l’ancien gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a signé un décret mettant sur liste noire les entreprises qui refusaient de faire des affaires avec Israël. Il l’a dit sans ambages : « si vous boycottez Israël, New York vous boycottera ».

Trois ans plus tard, le sénateur Joe Manchin (D – WV) a coécrit la loi sur la lutte contre le BDS avec le sénateur Marco Rubio (R – FL), qui visait à donner une couverture juridique aux diverses lois anti-BDS des États, avant d’être bloquée au Sénat.

En août 2022, Dan Rosenthal, membre de l’assemblée de l’État de New York, a rejoint 18 républicains dans leur campagne contre Morningstar qui avait eu le tort de mettre en garde les investisseurs contre le bilan d’Israël en matière de droits de l’homme. Alors que la tradition bipartisane de soutien inconditionnel à Israël s’estompe dans l’opinion publique, les tenants de l’establishment démocratique continuent de se ranger du côté des conservateurs contre les voix progressistes, tant dans l’électorat que dans les couloirs du Congrès.

Les droits protégés par la Constitution sont menacés

Les citoyens américains ont longtemps utilisé leur droit au boycott comme moyen de faire entendre leur voix. Du boycott des marchandises produites par les esclaves, avant la guerre civile, jusqu’au boycott des bus de Montgomery en 1955, qui demandait la fin de la ségrégation raciale, les boycotts ont permis de dénoncer les violations des droits de l’homme et de lutter pour le changement politique aux États-Unis.

Ce moyen de lutte a également été utilisé contre l’injustice à l’étranger ; en effet, les boycotts économiques, culturels et même universitaires ont contribué à mettre fin au régime d’apartheid en Afrique du Sud. Mais beaucoup font preuve d’un refus sélectif inquiétant du droit au boycott lorsqu’il s’agit de faire pression sur Israël.

Les boycotts politiques sont largement considérés comme une pierre angulaire du premier amendement, tant par le public américain que par la jurisprudence. Dans l’affaire NAACP v. Claiborne Hardware Co. (1982), le précédent le plus régulièrement cité sur la question, la Cour suprême a statué que le droit d’un État de réglementer l’activité économique « ne pouvait pas justifier une interdiction complète d’un boycott non violent et politiquement motivé. »

Cette affaire a débuté en 1966, lorsque la section locale de la NAACP dans le comté de Claiborne, au Mississippi, a organisé le boycott d’entreprises appartenant à des Blancs, pour attirer l’attention du gouvernement local et les chefs d’entreprise sur leurs exigences de justice raciale. Les propriétaires de commerces blancs touchés par le boycott ont poursuivi la NAACP et les organisateurs de l’action pour dommages économiques.

L’affaire a fait son chemin dans les tribunaux inférieurs, puis la Cour suprême a statué que le boycott de la NAACP était protégé par la Constitution parce qu’il était composé d’éléments protégés par le premier amendement, à savoir la prise de parole, le rassemblement et la pétition.

Le juge John Stevens a relevé l’objectif final du boycott dans l’arrêt, notant : « Le but de la campagne des pétitionnaires n’était pas de détruire la concurrence légitime », mais plutôt de « défendre les droits à l’égalité et à la liberté ».

Photo : via al-Jazeera
Une manifestante pro-palestinienne soutenant la campagne BDS contre Israël, participe à une manifestation au Cap, en Afrique du Sud – Photo : via al-Jazeera

La Cour a trouvé normal que le boycott soit utilisé pour exprimer une exigence de justice raciale concrétisée dans une liste de demandes.

Dans l’affaire NAACP contre Claiborne, la Cour suprême a estimé qu’à travers des discours, des rassemblements et des pétitions, autant d’actes protégés par la Constitution, « les pétitionnaires cherchaient à changer un ordre social dans lequel ils étaient constamment traités comme des citoyens de seconde zone ».

Selon cette logique, le droit de boycotter les produits israéliens fabriqués en Cisjordanie – un acte qui implique intrinsèquement les formes d’activité protégées par la Constitution susmentionnées – relève directement des droits protégés par la Constitution des citoyens américains. Les tribunaux de l’Arizona, de la Géorgie, du Kansas et du Texas ont confirmé cette logique, mais la décision de la Cour du huitième circuit de l’Arkansas montre la facilité avec laquelle les jugements précédents peuvent être renversés.

Comprendre la décision de la Cour du huitième circuit

En 2018, le journal The Arkansas Times a poursuivi l’État après que ce dernier a invité le journal à signer un engagement à ne pas boycotter Israël s’il voulait conserver le contrat publicitaire qu’il avait avec l’Université de l’Arkansas.

La demande de jugement a d’abord été rejetée mais le journal a fait appel et un panel de trois juges du huitième circuit a alors estimé que « les conditions imposées aux entreprises qui travaillent pour le gouvernement doivent respecter les droits de ces dernières au titre du Premier Amendement. »

L’État a alors demandé que le huitième circuit au complet – connu pour être composé des Cours plus conservatrices du pays – réexamine l’affaire, ce qui a donné lieu à la décision de juin 2022 contre le Arkansas Times.

Tout en affirmant que le fait d’exiger d’une personne qu’elle « renonce à un droit constitutionnel » afin de bénéficier d’un contrat gouvernemental « est inconstitutionnel », la Cour du huitième circuit a réinterprété le précédent Amendement telle qu’établies dans l’affaire NAACP v. Claiborne à partir des protections garanties par le Premier.

L’arrêt fait valoir que les protections constitutionnelles du premier amendement ne s’appliquent qu’aux « formes d’expressions » du boycott, c’est-à-dire que les discours, les pétitions et les rassemblements qui accompagnent le boycott sont protégés par le premier amendement, mais que l’acte lui-même de boycotter économiquement une entité ne l’est pas.

C’est en vertu de cette logique que le huitième circuit a décidé que l’acte de boycott économique n’était pas en lui-même une « forme d’expression » et donc n’était pas protégé par le Premier Amendement.

La décision du huitième circuit a suscité de nombreuses critiques et beaucoup s’indignent de la manière dont les juges ont entièrement “>déformé et manipulé le précédent juridique.

L’affaire NAACP v. Claiborne établit clairement que le droit de boycotter est protégé par le Premier Amendement, et lorsque les juges de la Cour suprême ont analysé chacun des éléments associés au boycott dans cette affaire, ils n’ont pas fait de différence entre le discours d’accompagnement et l’acte de boycott lui-même.

La juge Jane Kelly, qui a rédigé l’opinion dissidente du huitième circuit, a poussé la logique plus loin. Selon Kelly, en demandant à l’État de se baser sur les formes d’expressions antérieures (discours, manifestations) d’une entreprise ou d’un individu pour déterminer s’ils participent à un boycott d’Israël, la loi de l’Arkansas pourrait décourager les entreprises ou individus de s’engager dans ces formes d’expression (discours, manifestations) protégées par la Constitution même quand elles ne sont pas liées aux boycotts.

En d’autres termes, les entreprises et les particuliers pourraient avoir peur de participer aux actions (manifestations, pétitions) qui critiquent la politique israélienne par crainte qu’elles ne tombent sous le coup de la définition du boycott d’Israël donnée par l’État, « ce qui limiterait du coup ce qu’une entreprise peut dire ou faire ».

Des implications plus larges

Le pouvoir judiciaire peut parfois s’avérer utile pour contrer les tentatives de restreindre les droits constitutionnels, tels que le droit de participer au mouvement BDS, mais les citoyens américains ne peuvent clairement pas compter uniquement sur lui pour préserver les libertés civiles.

Certes, seulement 59 des 261 projets de loi anti-boycott ont été adoptés jusqu’à présent au niveau des États et des collectivités locales, mais le lobby pro-israélien continue de gagner du terrain. Tant que le BDS sera attaqué, le droit d’utiliser le boycott pour défendre toutes sortes d’autres causes le sera aussi.

En d’autres termes, la répression qui sévit actuellement contre le boycott d’Israël a des implications plus larges, même pour les citoyens américains qui ne soutiennent pas le mouvement BDS.

En fait, plusieurs États ont déjà pris la législation anti-BDS comme modèle pour criminaliser d’autres boycotts et d’autres formes de protestation, notamment contre l’industrie et le commerce des combustibles fossiles et des armes à feu.

Par exemple, la SB 205 du Kentucky interdit à l’État de conclure des contrats avec des entreprises qui refusent de certifier par écrit qu’elles ne s’engageront pas dans le boycott des entreprises énergétiques.

De même, le projet de loi HB 1409 de l’Indiana, s’il est adopté, interdira à l’État de conclure un contrat avec des entreprises qui ne certifieraient pas par écrit qu’elles ne feront pas de discrimination à l’encontre d’une entité ou d’une association qui produit des armes à feu ou en fait commerce.

Les efforts visant à interdire les boycotts ne sont qu’une des tactiques d’une stratégie globale conduite par des éléments réactionnaires aussi bien démocrates que républicains et visant à saper les valeurs démocratiques aux États-Unis.

Si elles réussissent dans le cas du BDS, ces forces s’attaqueront sans nul doute à d’autres formes de protestation et de d’expression utilisées dans les luttes pour la justice.

Depuis 2017, 38 États ont adopté des projets de loi anti-manifestation, principalement en réaction au mouvement Black Lives Matter (BLM) et aux manifestants écologistes. Les restrictions de vote accrues dans les États clés, les États susceptibles de changer de camp à chaque élection, empêchent les citoyens américains d’accomplir correctement leur devoir civique.

Ces lois frappent les militants noirs et d’autres communautés défavorisées de manière disproportionnée. La violation les droits des Palestiniens et de leurs défenseurs ouvre la voie à un assaut plus large contre la société civile et les principes fondamentaux d’une démocratie saine.

Passer à l’action

La décision du huitième circuit en Arkansas, qui est intervenue deux jours avant que la Cour suprême n’annule la garantie du droit à l’avortement de Roe v. Wade le 24 juin 2022, montre une fois de plus que les citoyens américains ne peuvent pas compter uniquement sur le système judiciaire pour défendre leurs libertés civiles. Il est donc essentiel de sensibiliser l’opinion publique, de mobiliser la base pour faire pression sur les législateurs et de renforcer les mécanismes de contrôle d’un système qui s’avère défectueux.
Voilà quelques pistes :

  • Les membres du Congrès doivent remplir leur devoir constitutionnel de défendre les droits des citoyens américains, y compris le droit du premier amendement de participer à des boycotts politiques. Cela signifie qu’ils doivent voter contre les législations fédérales anti-boycott en attente, comme celles introduites par le député Lee Zeldin (R) en mars 2022 et le sénateur Tom Cotton (R) en juillet 2022, qui visent toutes deux à étendre les législations anti-boycott des États au niveau national.
  • Les militants, les défenseurs des droits civils et les citoyens concernés doivent contacter leurs représentants pour exprimer leur opposition aux lois qui restreignent leur droit de boycott. Ils doivent souligner la nature intersectionnelle de cette attaque contre les formes d’expression sociale et politique, et s’associer à d’autres groupes affectés par la multiplication de ces lois copiées les unes sur les autres. De plus amples informations sur la manière de s’impliquer sont disponibles auprès de Palestine Legal, de la Campagne américaine pour les droits des Palestiniens (USCPR) et de l’Union américaine des libertés civiles (ACLU).
  • Alors que les travailleurs de tout le pays se syndiquent en plus grand nombre que jamais, les organisations de la société civile doivent former les dirigeants et les membres des syndicats à se mobiliser collectivement contre les tentatives des employeurs de révoquer des droits protégés par la Constitution. Les formations et les séances d’information devraient préparer les dirigeants syndicaux à intégrer explicitement le droit au boycott dans leurs revendications syndicales et à apporter leur soutien aux travailleurs palestiniens ou pro-palestiniens qui sont ciblés pour leur engagement dans les boycotts ou d’autres formes de protestation politique.
  • Les activistes, les universitaires et les ONG devraient coordonner leurs efforts pour produire des tracts et des supports d’information pour les campagnes visant à sensibiliser le public et à fournir aux citoyens américains des outils pour défendre leurs droits constitutionnels. Le récent film documentaire Boycott (2021) est un exemple de la manière de mobiliser les militants de la liberté d’expression, ainsi que le grand public, qui n’est peut-être pas encore conscient que les campagnes anti-BDS sont le prélude à la suppression de tous leurs droits constitutionnels.

Notes:

1. La loi Stand Your Ground est une loi qui permet aux citoyens de se protéger s’ils estiment que leur vie est en danger, indépendamment du fait qu’ils auraient pu sortir de la situation en toute sécurité. Par exemple, la loi Stand Your Ground stipule que personne ne doit se sentir obligé de quitter un lieu où il a le droit de se trouver.

2. Théorie critique de la race (TCR). Mouvement intellectuel et social et cadre d’analyse juridique vaguement organisé, fondé sur le principe que la race n’est pas une caractéristique naturelle, biologiquement fondée, de sous-groupes d’êtres humains physiquement distincts, mais une catégorie socialement construite (culturellement inventée) qui est utilisée pour opprimer et exploiter les personnes de couleur.

3. Roe v. Wade, 410 U.S. 113 est un arrêt historique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement. L’effet principal de l’arrêt est la protection de facto du « droit des femmes à avorter », bien qu’il n’évoque pas directement un tel droit. (…) En 2021, l’État du Mississippi, qui veut restreindre l’avortement dans sa juridiction (interdiction après 15 semaines de grossesse, sauf urgences médicales ou « anomalie fœtale grave »), a demandé à la Cour suprême de renverser l’arrêt Roe. La Cour rend son jugement le 24 juin 2022 et par 6 voix contre 3 donne raison à l’État du Mississippi et révoque Roe v. Wade. Les représentants du peuple dans les États sont désormais libres de définir la politique relative à l’avortement dans leur juridiction.

13 décembre 2022 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet