La normalisation avec Israël initiée par Trump s’étend à l’Afrique

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Africains et Palestiniens sont des alliés naturels - Photo : Archives

Par Patrick Gathara

Les “accords de paix” et les efforts de “normalisation” de Trump affectent non seulement les Palestiniens, mais aussi tous ceux qui veulent instaurer un ordre international éthique.

On appelle accord, désormais, le fait que les États-Unis utilisent leur puissance économique pour contraindre les autres pays à fermer les yeux sur l’occupation israélienne illégale, le vol des terres palestiniennes et le nettoyage ethnique de la Palestine. Il ne s’agit pas de paix. Il s’agit pour Trump de se faire réélire. Il s’agit aussi de légitimer l’oppression, l’apartheid et le “droit du plus fort” dans les relations internationales.

Et il n’y a pas que les pays arabes qui se retrouvent sur la liste des cibles des États-Unis. On a appris récemment que Washington tente de faire de l’opposition au mouvement “Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) ” de solidarité avec la Palestine une des conditions de l’accord de libre-échange qu’il négocie avec le Kenya.

Il fait pression sur Nairobi pour qu’il “décourage les actions militantes visant à boycotter, désinvestir et sanctionner Israël” et qu’il promette “de supprimer les obstacles non tarifaires politiquement motivés sur les biens, services et marchandises imposés à Israël. Ils veulent aussi que Nairobi s’élève contre le boycott d’Israël par des états étrangers et qu’il cesse de respecter le boycott d’Israël par la Ligue arabe”.

Le Kenya, qui est le premier bénéficiaire de l’aide américaine en Afrique subsaharienne et qui reçoit également une aide au développement et une assistance à la sécurité importantes de la part d’Israël, est particulièrement vulnérable à ces pressions.

Il a également une histoire de coopération avec les régimes d’apartheid. Alors que le Kenya s’était prononcé en faveur des résolutions africaines qui interdisaient toute forme d’interaction avec l’Afrique du Sud de l’apartheid, sa position était en réalité beaucoup plus souple, voire même hypocrite.

La nécessité de rester dans les bonnes grâces de ses bienfaiteurs américains et britanniques, qui soutenaient l’État d’apartheid, ainsi que le fait que l’Afrique du Sud absorbait une bonne partie des exportations kenyanes, décourageaient Nairobi de mettre ses actions en conformité avec ses paroles. Le boycott commercial du régime d’apartheid mis en place par le Kenya en 1960 a été tellement inefficace que la valeur des marchandises sud-africaines importées a augmenté pendant les neuf mois du boycott.

On a peu de doutes sur la position de Nairobi. En 2017, le pays s’est abstenu de voter une Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies pour condamner la décision de Trump de déplacer l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Suite à quoi, le Kenya a été récompensé par une invitation à une fête de l'”amitié” américaine et, plus tôt cette année, président Uhuru Kenyatta a été invité à la Maison Blanche.

En 2016, le Kenya faisait partie des pays que Benjamin Netanyahu a visités lorsqu’il est devenu le premier Premier ministre israélien à se rendre sur le continent depuis des décennies. Quelques mois plus tard, il est allé de nouveau à Nairobi pour assister à l’intronisation controversée de Kenyatta (à laquelle il n’a finalement pas pu se rendre pour des raisons de sécurité) et pour rencontrer les dirigeants d’autres pays africains.

Kenyatta, quant à lui, s’est rendu à Jérusalem en 2016 et son administration a promis de faire pression pour qu’Israël retrouve le statut d’observateur à l’Union africaine, qu’il convoite depuis longtemps en pure perte.

Dans tout cela, les vrais perdants ne sont pas seulement les Palestiniens, dont la lutte contre l’oppression continue d’être sabotée, mais tous ceux qui espèrent mettre en place un ordre international éthique.

Pour les Africains, qui voient depuis longtemps l’occupation israélienne comme une forme de colonialisme et d’apartheid similaires à qu’ils ont vécu, la capitulation du Soudan et le double jeu du Kenya sont le signe que la scène internationale demeure un espace où l’égalité et la dignité des êtres humains peuvent être marchandées.

Comme l’a récemment souligné Michael Sfard, un avocat israélien spécialisé dans les droits de l’homme, “aucune paix n’est possible avec des racistes violents qui abusent de leur pouvoir avec le soutien de soldats armés”. On ne devrait pas non plus faire la paix avec un État qui se comporte de la même manière, en profitant du fait qu’il possède l’arsenal militaire et économique d’une superpuissance.

* Patrick Gathara est consultant en communication, écrivain et caricaturiste politique primé, basé à Nairobi. Son compte Twitter.



31 octobre 2020 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

1 Commentaire

  1. L’élection de Biden ni mettra pas un terme hélas, Biden sera peut-être juste plus coopératif avec l’AP et rétablira quelques crédit. Mais pour le peuple Palestinien cela ne changera rien. Triste tout ces peuples (Palestiniens, Tibétains, Ouïghour, les peuples Amérindiens, Rohingyas, etc…) qui sont laissés sur le bord de la route….

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