Khaled El Qaisi sort de prison mais reste sous strict contrôle de l’occupant

Manifestation du comité de soutien à Khaled al-Qaisi, devant le ministère italien des affaires étrangères - Photo : via Il Manifesto

Par Michele Giorgio

L’italo-palestinien Khaled El Qaisi est sorti de prison, un mois après son arrestation le 31 août au point de passage Allenby entre la Cisjordanie et la Jordanie.

Ce matin, les juges israéliens ont également décidé que l’étudiant italo-palestinien vivant à Rome devra remettre son passeport, ne sera pas autorisé à quitter le pays et sera obligé de rester à Bethléem pendant au moins une semaine.

Après cela, on ne sait pas exactement ce qui se passera. Apparemment, l’enquête sur El Qaisi se poursuivra malgré le fait que, jusqu’à aujourd’hui, le bureau du procureur israélien n’a pas été en mesure de produire la moindre des preuves pour étayer les « crimes » prétendument commis par le jeune chercheur.

À 17 heures [1er octobre], heure italienne, El Qaisi n’était pas encore arrivé à Bethléem, où il sera accueilli par un parent qui a proposé de le prendre en charge. Il devrait être relâché à un poste de contrôle de l’armée israélienne à la périphérie de Ramallah.

Son épouse, Francesca Antinucci, a exprimé son soulagement, tout en soulignant qu’il n’y avait pour l’instant aucune certitude quant au retour imminent de Khaled en Italie. Mme Antinucci a précisé que « Khaled n’est pas assigné à résidence mais que, jusqu’au 8 octobre, il est frappé d’une interdiction de voyager et a l’obligation de rester à la disposition des autorités judiciaires [de l’occupant] ».

« Nous avons appris avec soulagement la nouvelle de la libération de notre étudiant Khaled El Qaisi. Nous faisons confiance à l’action constante du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale pour que Khaled puisse rentrer en Italie le plus rapidement possible », a déclaré Antonella Polimeni, rectrice de l’université La Sapienza de Rome, où Khaled El Qaisi est inscrit.

Ces derniers jours, la campagne pour la libération de l’étudiant, inscrit à l’université La Sapienza de Rome, s’est intensifiée et, hier, des rassemblements et des initiatives ont été organisés dans toute l’Italie, notamment pour inciter les médias nationaux à mettre en lumière la détention d’El Qaisi en Israël sans inculpation formelle.

Le 31 août, Khaled, avec sa femme et son fils Kamal, âgé de 4 ans, à la fin de vacances à Bethléem, traversait la frontière jordanienne en direction d’Amman, d’où toute la famille devait rentrer à Rome quelques jours plus tard. Au contrôle des bagages, Khaled a été soudainement menotté et emmené sans explication. On n’a jamais su les raisons de cette arrestation, qui restent obscures.

« Nous accueillons avec optimisme la décision de libérer Khaled, qui reste néanmoins sept jours de plus à Bethléem, à la disposition des autorités israéliennes [d’occupation] chargées de l’enquête. Nous espérons qu’au terme de ces sept jours, et après un mois passé en prison sans en connaître la moindre raison, cette histoire se terminera vite et bien. La mobilisation de ces dernières semaines a été importante pour attirer l’attention sur la situation de Khaled, mais nous devons maintenir la pression, car dans tous les cas, l’enquête se poursuivra. Nous espérons que Khaled pourra bientôt rentrer en Italie », écrit Riccardo Noury d’Amnesty International.

Quand le suspect est palestinien : les autres Khaled et le double système judiciaire

Il Manifesto, 30 septembre 2023 – Layan Kayed et Khaled El Qaisi ont beaucoup en commun.

Leur jeune âge, ils ont grandi en Cisjordanie, ils sont tous deux étudiants à l’université, ils ont tous deux été arrêtés sans inculpation par les forces ‘occupation israéliennes. Elle à Ramallah le 7 juin dernier. Lui, le 31 août, au point de passage d’Allenby, alors qu’il se rendait de Bethléem en Jordanie, pour rentrer en Italie, sa seconde patrie.

Beaucoup de personnes, la famille en tête, espèrent que demain Khaled pourra suivre le même chemin que Layan, libérée après 26 jours de détention et d’interrogatoires continus. Khaled est en « détention préventive » depuis un mois et le bureau du procureur israélien n’a encore apporté aucune preuve pour justifier la détention de l’étudiant italo-palestinien.

Pour le système juridique israélien, en particulier le système judiciaire militaire, Khaled, qui détient une carte d’identité de Cisjordanie, n’est qu’un Palestinien comme les autres. Le fait qu’il soit citoyen italien n’a aucun poids pour les juges et les militaires israéliens.

Il y a beaucoup de Khaled et de Layan qui sont arrêtés la nuit en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. À l’heure actuelle, il y a environ 5200 prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes, selon les données de l’ONG Addameer, dont 170 mineurs, 33 femmes, 200 de Gaza, 300 de Jérusalem, ainsi que quatre membres du Conseil législatif.

Layan Nizar Ahmad Kayed – Photo : via Addameer

Pour Israël, ils ont tous été arrêtés pour « activités terroristes », bien que 1264 d’entre eux soient des « détenus administratifs ». Il s’agit de détentions préventives qui peuvent durer des mois, voire des années, et que les juges militaires décident sur la base non pas de preuves, mais d’une suggestion des services israéliens du renseignement.

Quelqu’un dans les Territoires occupés – où l’affaire El Qaisi commence à être discutée plus largement – a exprimé la crainte que demain les juges israéliens ne transforment la « détention préventive » de Khaled en « détention administrative ». D’autres l’excluent. Parce que, expliquent-ils, le maintien en détention d’un citoyen italien sans preuve exposerait Israël à une intense campagne de protestations en Italie.

D’autres encore craignent qu’il soit jugé pour certains chefs d’accusation. C’est pourquoi l’audience [du 30 septembre] est considérée comme décisive.

En Italie, ces derniers jours, il a été fait référence aux protections que notre système juridique, malgré ses défauts indéniables, garantit aux personnes arrêtées et interrogées. Des protections que le système militaire israélien n’offre pas aux Palestiniens sous occupation.

De plus, les agents des services de sécurité jouissent d’une grande liberté dans la conduite des interrogatoires des Palestiniens, contrairement à ce qui se passe dans le système civil avec les citoyens israéliens, y compris les colons souvent installés à quelques centaines de mètres des colonies palestiniennes : une double justice sur le même territoire.

Un Palestinien peut être détenu et interrogé pendant 90 jours (un Israélien 64 jours) et pendant une partie de cette période sans l’assistance d’un avocat.

Les procès devant les tribunaux militaires doivent être menés à bien dans un délai de dix-huit mois, ceux devant les tribunaux civils israéliens dans un délai de neuf mois. Si la procédure militaire n’est pas achevée dans les dix-huit mois, un juge de la Cour d’appel militaire a le pouvoir de prolonger la détention d’un Palestinien de six mois supplémentaires.

En outre, pour un même délit, les peines imposées par les tribunaux militaires sont plus lourdes que celles imposées par les tribunaux civils et les prisonniers palestiniens bénéficient rarement d’une libération conditionnelle.

La discrimination s’exerce à l’égard des mineurs. La responsabilité pénale commence à l’âge de 12 ans pour les Palestiniens comme pour les Israéliens, mais devant les tribunaux militaires, les Palestiniens sont jugés comme des adultes à l’âge de 16 ans, alors que la justice civile fixe l’âge de la majorité à 18 ans.

La loi israélienne stipule que les enfants détenus en Israël ne doivent être interrogés que par des officiers de police spécialisés dans cette tâche, alors que les mineurs palestiniens, selon les organisations de défense des droits de l’homme, sont interrogés dans des situations intimidantes et sans réelle supervision.

La torture est supposée interdite en Israël depuis un arrêt rendu il y a plus de vingt ans par la Cour suprême. Toutefois, les juges considèrent comme acceptables des « pressions physiques modérées » sur ceux que les services israéliens appellent les « bombes à retardement x, c’est-à-dire les Palestiniens qui détiendraient des informations sur des attentats en préparation.

Un raccourci qui, dénoncent les défenseurs des droits de l’homme, permet des abus et l’usage de la torture lors des interrogatoires.

1er octobre 2023 – Il Manifesto – Traduction : Chronique de Palestine