Israël cherche son salut dans les ruines de Gaza

16 octobre 2025 - Des Palestiniens retournant dans le quartier de Sabra, après l'entrée en vigueur du supposé « accord de cessez-le-feu », marchent parmi les bâtiments détruits lors des attaques menées par l'armée israélienne sur la ville de Gaza - Photo : Khalil Ramzi Alkahlut / AA

Par Abdaljawad Omar

Tout au long de la guerre à Gaza, Israël a discuté du meilleur nom à lui donner. L’armée parle de « guerre du 7 octobre », tandis que Netanyahu préfère « guerre de rédemption ». Ce qui est clair, c’est qu’Israël estime que seule la violence génocidaire peut mettre fin au cycle de crises dans lequel il est enlisé.

Depuis le début de la guerre génocidaire menée par Israël, le discours politique israélien semble étrangement obsédé par le nom qu’il faut lui donner. Chaque campagne, semble-t-il, doit être baptisée d’un nom qui lui confère une cohérence narrative.

Le nom choisi au début, « Épées de fer », était imprégné du langage de la force et étincelait du métal symbolique de l’État et de la défense.

Il fait également référence à un passé à la fois mythique et idéologique : le « mur de fer » qui a longtemps sous-tendu la doctrine sioniste et le fantasme d’une sécurité inébranlable grâce à une domination permanente.

Pourtant, la prolifération du fer dans le discours est, paradoxalement, un signe de sa corrosion. Que révèle-t-elle d’un État qui, après 75 ans d’existence, continue d’affirmer qu’il se bat pour son indépendance ? Ou qui doit toujours et encore invoquer le fer qu’il importe des États-Unis et utilise contre les Palestiniens ?

Les mots ont du sens, et, en Israël, leur interprétation est devenue une source de conflit. Les tensions autour du nom à donner à cette guerre révèlent un désaccord plus profond sur son objectif.

Le Premier ministre Netanyahu a récemment proposé de la rebaptiser « guerre de la rédemption », un geste théologique désespéré qui cherche à transfigurer la brutalité politique en loi divine.

Ce qui attire Netanyahu dans le langage de la rédemption, c’est la conviction qu’Israël — et par extension, lui-même — est éternellement mis à l’épreuve.

La rédemption n’est pas une question de repentance ou de transcendance, mais d’endurance.

La chorégraphie familière crise-rétablissement-crise-rétablissement offre à Netanyahu une sorte d’alibi moral, lui permettant de convertir le désastre en destin.

Ici, le langage de la rédemption devient le miroir de sa mythologie politique : le leader à la fois sauveur et survivant, l’État à la fois victime et vainqueur. En écrivant son rôle dans l’histoire d’Israël, Netanyahu se présente comme celui qui a tout à la fois présidé au désastre et sauvé la nation.

L’armée israélienne préfère l’appeler la « guerre du 7 octobre », un choix qui a peut-être pour objet de rejeter la responsabilité sur le Hamas, mais qui vient plus probablement de l’habitude de se présenter perpétuellement comme une victime.

Ce nom associe la guerre à une date traumatisante, comme pour ancrer la position morale de la nation dans le moment précis où elle a souffert.

La permanence à travers les crises

Si un nom a pour fonction de nous projeter vers le dénouement –vers le moment du futur où l’histoire pourra être racontée au passé, alors la guerre actuelle d’Israël est, selon sa propre logique, impossible à gagner.

Elle ne peut pas se terminer car Israël ne tient pas un discours cohérent. Ses objectifs changent à chaque conférence de presse, ses justifications mutent à chaque image de destruction qui filtre à travers les décombres.

La « victoire » est déclarée et rétractée dans le même souffle, car que signifierait la victoire dans une guerre menée non pas pour un territoire, mais pour ce qu’elle signifie ? La violence ne peut prendre fin, car l’identité de l’État dépend de sa poursuite.

C’est le paradoxe de la permanence à travers la crise. Cesser de se battre reviendrait à découvrir que la guerre n’a jamais été un passage vers le salut, mais la condition de l’existence politique d’Israël.

La fin signifierait faire le bilan de ce que la guerre a détruit : non seulement Gaza, mais aussi la cohérence morale et historique même que l’État prétend défendre.

La fin d’un récit nécessite un horizon moral, un point où l’action peut être comprise comme justifiée, achevée ou rachetée. Or, la logique génocidaire de la campagne actuelle exclut une telle possibilité. Chaque bombe creuse davantage l’abîme moral qu’elle prétend combler.

Et ce spectacle se déroule devant un public qui n’est plus prisonnier de ses illusions. Le monde voit désormais Israël tel qu’il est. Le voile s’est levé, peut-être de manière irréparable. Les images diffusées en direct depuis Gaza ont rendu l’abstraction impossible.

Ceux qui trouvaient autrefois refuge dans les vieilles fictions de la sécurité et de la légitime défense hésitent désormais à les invoquer.

Même Donald Trump, un homme peu enclin à la réflexion morale, a admis que Netanyahu avait perdu le soutien du monde. La légitimité ne s’obtient pas en bombardant et nul ne peut pas gagner quand le monde entier est contre lui.

Pourtant, la politique de Netanyahu repose précisément sur cette illusion. Son pouvoir nécessite un ennemi suffisamment vaste pour entretenir son mythe : d’abord l’Iran, puis le Hamas, et maintenant, inévitablement, le monde lui-même.

Dans son imagination, Israël est seul parce que c’est ainsi que cela doit être : son isolement est la preuve de sa droiture, sa brutalité le prix de sa survie.

Mais comme la rhétorique de la rédemption s’est transformée en spectacle, ce qui reste n’est pas l’image d’une nation qui se défend, mais celle d’un État tellement fasciné par l’histoire de sa propre survie qu’il ne peut plus être capable de vivre parmi les autres.

La soi-disant « guerre de rédemption » ne peut pas racheter, car la rédemption implique une transformation — et la transformation nécessite la capacité d’imaginer un monde au-delà de la domination, au-delà de l’impasse permanente du conflit autour de la Palestine.

Ce génocide a transformé l’image d’Israël, mais n’a rien résolu. Il a révélé toute l’étendue de la capacité de destruction d’Israël — — soutenue par l’indulgence de ses alliés et amplifiée jusqu’à l’excès grotesque — mais a également clarifié ses limites.

Malgré toute sa portée destructrice, Israël reste condamné à composer avec le peuple qu’il cherche à effacer. En faisant étalage de sa puissance, Israël n’a fait que révéler sa dépendance — à l’égard de l’approbation occidentale, des subventions militaires et, surtout, de l’impasse du conflit elle-même.

27 octobre 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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