Haram al-Sharif : comment Trump et Israël poussent les Palestiniens à bout

Oren Ziv/Activestills.org
Des Palestiniens d'A-Tur, à Jérusalem-Est transportent le corps de Muhammad Abu Ghanam, jeune manifestant palestinien assassiné par les forces israéliennes lors d'une manifestation contre le bouclage israélien du complexe d'Al-Aqsa, le 21 juillet 2017. - Oren Ziv/Activestills.org

Par Ramzy Baroud

Début octobre 2016, Misbah Abu Sbeih a quitté sa femme et ses cinq enfants et s’est ensuite rendu à un poste de police israélien dans Jérusalem-est sous occupation.

Ce jérusalémite, âgée de 39 ans, devait se rendre à la police pour purger une peine de prison de 4 mois pour avoir prétendument tenté de frapper un soldat israélien.

Misbah est familier avec les prisons israéliennes, ayant été emprisonné auparavant pour des raisons politiques, ainsi que pour une tentative de passer des barrages et d’aller prier à la mosquée Al-Aqsa.

La mosquée d’Al-Aqsa fait partie d’un grand complexe connu sous le nom de Haram al-Sharif, qui comprend, en plus d’Al-Aqsa elle-même, le célèbre Dôme du Rocher et d’autres sites palestiniens et musulmans, vénérés par les musulmans partout dans le monde.

Al-Aqsa est censé être la deuxième mosquée à avoir été construite, la première étant Masjid al-Haram à La Mecque. Le Saint Coran la mentionne comme le lieu d’où le Prophète Mohammed est monté au ciel, après avoir voyagé de La Mecque à Jérusalem.


Vendredi 21 juillet, l’occupant israélien a assassiné 3 jeunes Palestiniens et fait des centaines de blessés

Pour les Palestiniens, les musulmans comme les chrétiens, la Mosquée a pris une nouvelle signification suite à l’occupation israélienne de la ville palestinienne d’al-Quds (Jérusalem-Est) en 1967.

Les scènes de soldats israéliens élevant il y a cinquante ans le drapeau israélien sur des sanctuaires musulmans et chrétiens dans la ville, sont sont douloureusement imprimées dans la mémoire collective de plusieurs générations.

Il n’est donc pas surprenant de constater que le complexe de la mosquée d’Al-Aqsa a été le point focal d’affrontements réguliers entre les fidèles palestiniens et l’armée israélienne d’occupation.

Les visiteurs de chaque jour dans les sanctuaires musulmans à Jérusalem incluent des touristes non-musulmans. Ils sont souvent accueillis par l’administration Al-Waqf – l’organisation religieuse islamique qui gère les sanctuaires – et cette pratique remonte à cinq siècles.

Même après l’occupation israélienne de la ville arabe, Al-Waqf a continué à être le gardien du site musulman, tel que convenu entre le gouvernement jordanien et Israël.

Le projet israélien dans la ville occupée, cependant, dépasse de beaucoup la Mosquée elle-même. En avril dernier, le gouvernement israélien a annoncé l’intention de construire 15 000 nouveaux logements dans Jérusalem occupée, en complète violation du droit international.

La communauté internationale reconnaît Jérusalem-Est comme étant une ville palestinienne. Les États-Unis acceptent [formellement] également le consensus international sur Jérusalem, et les tentatives du Congrès des États-Unis de contester la position de Maison Blanche sur cette question étaient pour l’instant restés sans effets. C’est-à-dire jusqu’à ce que Donald Trump arrive au pouvoir

Avant son intronisation en janvier, Trump avait promis de déménager l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. L’annonce avait été accueillie favorablement par les politiciens d’extrême-droite israéliens. Beaucoup de partisans d’Israël aux États-Unis avaient vu cela comme un bon signe avant-coureur de ce qu’allait être la présidence de Trump.

Maintenant que l’ambassade des États-Unis devrait un jour ou l’autre officiellement déménager à Jérusalem, la nouvelle administration envoie un message indiquant qu’elle n’est plus liée, dans le cas des territoires occupés, par le droit international.

Non seulement les États-Unis abandonnent leur rôle en tant que “négociant de la paix” entre Israël et les dirigeants palestiniens, mais ils signalent clairement à Israël qu’il ne peut y avoir aucune pression sur l’État sioniste concernant le statut de Jérusalem.

En réponse, les Nations Unies et ses diverses institutions ont rapidement envoyé des signes encourageants aux Palestiniens.

L’agence culturelle de l’ONU, l’UNESCO, a été la plus active à cet égard. Malgré la pression israélo-américaine, plusieurs résolutions ont été adoptées par l’UNESCO et l’Assemblée générale des Nations Unies au cours des derniers mois, qui ont réaffirmé les droits des Palestiniens dans la ville.

Israël et les États-Unis ont décidé de punir les Palestiniens eux-mêmes pour les décisions de l’UNESCO.

Cela a commencé lorsque la Knesset israélienne s’est mise à élaborer des lois qui rendent la vie encore plus difficile aux habitants palestiniens, y compris une loi qui limite l’appel musulman à la prière. cette loi, qui a passé sa deuxième lecture en mars dernier, a été défendue par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

La police israélienne a encore élargi la liste sans cesse en augmentation des Palestiniens qui ne sont pas autorisés à atteindre leurs lieux de culte. La liste comprenait Misbah Abu Sbeih, qui a été arrêté à plusieurs reprises, tabassé et incarcéré par la police israélienne.

Le gouvernement israélien a ensuite ouvert les vannes de l’expansion coloniale dans la ville occupée, après avoir été partiellement refréné pendant la présidence de Barack Obama. C’était la réponse de Netanyahu à la Résolution 2334 de l’ONU, qui exigeait un arrêt immédiat de la construction de colonies israéliennes à Jérusalem et dans les Territoires occupés.

Parallèlement, le nouvel ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a assumé la tâche de faire taire toute critique internationale de l’occupation israélienne, qualifiant les tentatives internationales de mettre fin à l’occupation comme étant une forme d’intimidation.

Assuré du soutien inconditionnel des États-Unis, Netanyahu en est arrivé à de nouveaux extrêmes. Il a coupé les liens de son pays avec l’UNESCO et a appelé au démantèlement du siège de l’ONU dans la ville palestinienne occupée.

Jérusalem-Est était déjà illégalement annexée par Israël en 1981 mais, sans acceptation internationale, l’initiative israélienne semblait sans effet.

Maintenant, Israël estime que les temps ont changé car l’administration Trump offre à Israël une opportunité de normaliser son occupation et son annexion illégales de la ville.

Au cours des derniers mois, les Palestiniens ont répondu de multiples façons. Ils ont agi avec divers pays à travers le monde pour s’opposer aux plans israélo-américains.

La plupart des efforts palestiniens, bien qu’ils aient pu obtenir certains résultats, n’ont d’aucune manière influencé Israël.

Le bouleversement politique s’est traduit sur le terrain par plus de violence, alors que des milliers policiers et de soldats des forces israéliennes d’occupation ont été déployés dans la ville pour limiter la mobilité des palestiniens et empêcher des milliers de fidèles de se rendre à Al-Aqsa. Parmi ces derniers, des centaines ont été détenus dans le cadre d’une campagne répressive de grande ampleur.

En l’absence d’une direction politique forte, les Palestiniens sont de plus en plus désespérés et en colère. L’Autorité palestinienne est avant tout préoccupée de ses pitoyables luttes de pouvoir et ne semble pas avoir de temps pour les Palestiniens, qui restent sans horizon politique et sans une direction claire à suivre.

Alors que des milliers de Palestiniens continuent de résister par leur tentative permanente d’atteindre Al-Aqsa ou de manifester en signe de protestation, d’autres “atteignent le point de rupture”. L’un d’eux était Misbah Abu Sbeih.

Une fois arrivé au poste de police militaire israélien, Mishbah ne s’est pas livré. Au lieu de cela, il a ouvert le feu, tuant un fonctionnaire de l’armée israélienne de l’unité “Yassam” et un autre israélien. Il a été abattu instantanément.

D’autres attaques ont suivi. Le vendredi 14 juillet, le jour le plus saint de la semaine dans le calendrier musulman, trois Palestiniens ont attaqué des soldats et des policiers israéliens stationnés près d’une des portes de Haram al-Sharif.

Ils ont tué deux officiers israéliens puis ont été abattus peu de temps après par des soldats des forces d’occupation. C’est la première fois qu’une attaque de cette nature a été lieu dans le complexe Al-Aqsa. Depuis 1967, seuls les Israéliens ont utilisé des armes dans des affrontements violents avec des Palestiniens. Des centaines de Palestiniens ont été assassinés dans ou autour de ce saint sanctuaire tout au long des années.

Le mois dernier, à Jérusalem, parlant à une foule célébrant le 50e anniversaire de l’occupation militaire israélienne de la ville, le Premier ministre israélien Netanyahu a déclaré que le complexe de la mosquée Al-Aqsa “resterait toujours sous la souveraineté israélienne”.

Encouragé par l’administration Trump et confiant dans le rôle joué par Nikki Haley à l’ONU, Netanyahou estime que son rêve de définitivement subordonner Jérusalem-Est est en passe de se réaliser. Le prix du rêve de Netanyahou, cependant, est susceptible d’être coûteux.

Le jour de l’attaque, plusieurs Palestiniens ont été tués dans différentes parties de la Cisjordanie et un enfant de 3 ans, de Gaza, est mort alors qu’il attendait une autorisation pour quitter le territoire assiégé et se rendre en Cisjordanie pour un traitement médical. Aucune de ces informations n’est reprise dans les médias internationaux. Toutefois, l’attaque palestinienne armée contre les soldats israéliens a fait les manchettes de journaux dans le monde entier…

Une plus grande violence est susceptible de suivre. Les Palestiniens, qui sont en train de mourir sans beaucoup de couverture médiatique, sont désespérés et en colère alors que leur ville sainte s’écroule sous les lourdes bottes des soldats, au milieu d’un silence international et d’un soutien inconditionnel des États-Unis au gouvernement israélien.

19 juillet 2017 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah