
21 août 2025 - Les familles pleurent leurs proches après l'arrivée d'un grand nombre de victimes à l'hôpital Al-Shifa - la plupart d'entre elles ayant été tuées alors qu'elles attendaient les secours - dans le cadre des attaques incessantes contre les civils et les personnes déplacées à Gaza. La guerre génocidaire menée par Israël contre Gaza a coûté la vie à au moins 62 192 personnes, mais beaucoup d'autres sont toujours portées disparues - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills
Par Shoug Mukhaimar
Les efforts sadiques d’Israël pour tuer l’espoir des Gazaouis en jouant avec les cessez-le-feu sont parfois plus douloureux que la famine elle-même.
Un matin de juillet, j’ai trouvé, à mon réveil, une avalanche de messages sur mon téléphone. Toutes les chaînes d’information, tous les réseaux sociaux, toutes les conversations débordaient d’un optimisme de bon aloi. « Les négociations progressent bien », titraient les journaux. « Une trêve imminente », « Un convoi humanitaire massif s’apprête à entrer ».
À ce moment-là, la famine était intense ; certains jours, nous ne mangions rien du tout. Vous pouvez imaginer la joie prudente qui a envahi nos cœurs, l’espoir qui s’est propagé de message en message. Des amis m’ont écrit, leurs mots tremblant d’un soulagement craintif. « Est-ce vraiment la fin ? », m’a demandé l’un d’eux. « Est-ce que nous nous rappelons encore ce que c’est que la sécurité ? Y aura-t-il enfin du pain ? »
Nous avons osé rêver. Nous avons imaginé le silence du cessez-le-feu, le goût du pain chaud, le réconfort d’un repas copieux. Certains magasins ont rouvert timidement. Les prix ont légèrement baissé. Pour la première fois depuis des mois, le pain semblait presque à portée de main. Pendant un bref instant, la vie semblait revenir dans les rues.
À Gaza, même la respiration des communautés les plus meurtries change lorsque l’espoir revient, ne serait-ce que pour quelques heures.
Ma voisine, une veuve de guerre qui élève seule sept enfants, dont un nourrisson qui pleure sans cesse parce qu’il a faim – m’a dit que ses enfants pleurent parce qu’ils ont le ventre vide, tandis qu’elle pleure parce qu’elle se sent impuissante.
Lorsque les rumeurs de trêve se sont répandues, elle a rêvé de pouvoir les nourrir correctement, de mettre fin à leurs souffrances. Comme nous tous, elle a vu cet espoir s’effondrer.
Le lendemain matin, tout s’est écroulé. Un nouveau titre, froid et définitif, scellait notre sort : « Échec des négociations. Pas de trêve. »
Les magasins qui venaient à peine de rouvrir ont refermé. La farine a de nouveau disparu. Les prix ont grimpé en flèche, devenant inaccessibles. En dehors de Gaza, les médias parlaient encore de convois d’aide « en route », mais ici, il n’y avait rien. Des mots vides. Des camions vides. Des mains vides.
Vous pouvez imaginer à quel point les cœurs se sont brisés ce jour-là. À quel point l’esprit d’un peuple qui rêvait simplement de pain a été anéanti. Ce qu’ont ressenti les mères qui cherchaient désespérément de la nourriture pour leurs enfants.
Le fragile espoir qui avait illuminé nos yeux s’est évanoui, ne laissant que la faim, la peur et le silence.
Ce n’était pas la première fois que cela arrivait. Cela s’était déjà produit à maintes reprises auparavant. Et cela s’est reproduit par la suite.
La semaine dernière encore, nous nous sommes retrouvés dans l’attente, cette fois d’un simple mot du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu après que le Hamas avait accepté une proposition de cessez-le-feu. L’incertitude était intolérable.
Après plusieurs jours de silence, le gouvernement israélien a formulé des exigences impossibles à satisfaire, mettant ainsi fin à la dernière tentative de négociation. La nouvelle nous a replongés dans un nouveau cycle de désespoir, alors que la faim, les déplacements forcés, la mort et le chagrin font des ravages.
Je pense que les accès réguliers de gros titres autour du cessez-le-feu ne sont pas fortuits : ils constituent une forme supplémentaire de punition pour la population de Gaza. Une autre forme de torture. Nous sommes bombardés, affamés, déplacés, et les médias nous achèvent.
On nous fait miroiter l’espoir, pour mieux nous l’ôter, nous affaiblissant à chaque fois davantage.
Il s’agit d’une politique délibérée et systématique visant à épuiser une population sans défense. Elle est conçue pour briser notre moral, nous faire vivre dans une incertitude constante, nous priver du droit humain fondamental d’espérer en l’avenir. Ce cycle – l’espoir suscité puis anéanti – laisse des cicatrices encore plus profondes que la famine.
Pendant que nous attendons les nouvelles, la faim se fait de plus en plus fort sentir. Il suffit de sortir dans la rue pour la voir gravée sur les visages : des hommes essuyant leurs larmes, des femmes s’effondrant dans la rue d’épuisement, des enfants trop faibles pour jouer. La faim n’est pas seulement un état physique, c’est un poids insupportable qui écrase l’âme.
Les mères cessent de planifier les repas car elles ne peuvent pas promettre de mettre quelque chose sur la table. Les enfants apprennent très tôt que les bonnes nouvelles se transforment souvent en leur contraire le jour suivant. Les familles vendent leurs derniers biens à l’annonce de l’arrivée de l’aide, pour se retrouver sans rien lorsqu’elle n’arrive pas.
Ce calvaire sans issue n’engendre plus que méfiance envers les gouvernements et les médias ; il érode le concept même d’espoir. Beaucoup ici ne se demandent plus « Quand cela prendra-t-il fin ? », mais « À quel point la situation peut-elle encore empirer ? ».
Selon le Programme alimentaire mondial, 100 % de la population de Gaza souffre aujourd’hui d’insécurité alimentaire aiguë, tous les enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë. La famine a été officiellement déclarée.
Israël continue d’affirmer qu’il bloque l’entrée des vivres pour que le Hamas ne s’en empare pas, mais même le gouvernement américain – son plus grand allié – et les responsables israéliens eux-mêmes disent qu’il n’y a aucune preuve que les combattants de la résistance pillent l’aide humanitaire.
Amnesty International qualifie le siège israélien de Gaza de « punition collective » et de « crime de guerre ». Les Conventions de Genève interdisent explicitement les punitions collectives et la famine volontairement orchestrée.
Je ne peux pas m’empêcher de me demander où est la communauté internationale ? Comment une planète entière peut-elle regarder deux millions de personnes mourir de faim, se faire bombarder et dépouiller de leur dignité, sans rien faire ?
Ce silence est lourd ; il détruit l’esprit autant que la faim. Il nous dit que notre souffrance n’a pas d’importance, qu’on peut nous ôter la vie, nous faire disparaître impunément.
L’histoire condamnera ceux qui ont commis ces crimes, mais aussi ceux qui les ont vu se produire et sont restés les bras croisés.
Auteur : Shoug Mukhaimar
* Shoug Mukhaimar est étudiante en littérature anglaise à l'université Al-Aqsa.« J'écris pour donner une voix aux histoires inédites de mon peuple, des histoires de souffrance, de force et d'espoir inébranlable », explique-t-elle. « À travers mes mots, j'espère entrer en contact avec le monde, mettre en lumière la réalité de Gaza et préserver les souvenirs que les chiffres seuls ne peuvent pas rendre. »
24 août 2025 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
Soyez le premier à commenter