
29 avril 2025 - Nabil Za'rab, âgé de douze ans, va être inhumé alors que ses proches lui font leurs adieux à l'hôpital Nasser, ainsi qu'à deux autres enfants et à une mère qui ont été tués avec lui pendant la nuit lors d'une frappe israélienne sur un camp de tentes pour personnes déplacées dans la région d'Al-Mawasi, près de Khan Yunis. Les victimes de l'attaque sont les enfants Saba Khalil Al-Qadi, Nabil Za'rab, Misk Shalouf et la mère de ce dernier, Aziza Shalouf. Al-Mawasi a été désignée zone de sécurité pour les Palestiniens déplacés, mais Israël continue de la bombarder. Depuis le début de la guerre génocidaire menée par Israël contre Gaza en octobre 2023, à cette date au moins 52 243 Palestiniens ont été confirmés morts, dont plus de 18 000 enfants. Photo : Doaa Albaz / Activestills
« La pire chose qui me soit arrivée dans la vie, c’est de devoir marcher parmi les corps pour retrouver ma fille. Je me répétais sans cesse qu’elle portait un pull en laine blanche pour ne pas me laisser distraire par toutes les horreurs qui m’entouraient et reconnaître son corps parmi les centaines de martyrs pour l’inhumer à côté de sa mère et de son frère. Mais le massacre n’avait rien laissé de blanc, tout était taché de sang, tout avait la couleur de la mort et du feu. Je n’ai trouvé que peu d’objets intacts. La plupart des martyrs n’étaient plus que des restes. J’ai cherché sans relâche, mais je n’ai pas trouvé ma fille. J’ai toutefois pu identifier le corps de ma sœur — ma fille était avec elle. Imagine devoir aider à enterrer les martyrs sans savoir quelle partie des restes épars appartenait à ma petite fille. »
Voici un aperçu de ce qu’Ahmad Al-Masri a enduré lorsqu’il a perdu la dernière survivante de sa famille, sa fille Noor, lors de la fusillade survenue dans l’hôpital Al-Ahli Arab Baptist le 17 octobre 2023. Cette attaque aérienne a tué environ 500 personnes qui avaient trouvé refuge dans l’hôpital. Le missile utilisé était une bombe à fragmentation hautement explosive.
La violence atroce qui s’était abattue sur l’hôpital baptiste, dans les premiers jours de la guerre, n’était pas un acte isolé. Ce fut le début d’une série de massacres plus brutaux les uns que les autres et de violations qui ont montré le mépris jamais égalé des Israéliens pour les lois humanitaires internationales qui protègent des sites comme les hôpitaux.
Depuis lors, les attaques israéliennes ont visé tous les grands hôpitaux de la bande de Gaza, tuant des milliers de patients, de personnes déplacées et du personnel médical.
Le bilan du ciblage israélien des centres médicaux et de leur personnel s’élève à 1411 membres du personnel médical martyrs. En outre, 362 membres du personnel soignant ont été kidnappés et torturés, dont trois médecins ont été exécutés alors qu’ils étaient détenus par l’armée d’occupation.
Les forces israéliennes ont également détruit et incendié 38 hôpitaux, les rendant inutilisables. En outre, 81 grands centres de santé ont été détruits et mis hors service, ainsi que 164 autres structures médicales, telles que des cliniques, des dispensaires et des centres de diagnostic, qui ont également été anéantis.
Les forces israéliennes ont également pris pour cible 144 ambulances, ainsi que 54 véhicules utilisés pour éteindre les incendies, effectuer des missions de sauvetage, des interventions rapides ou des opérations de défense civile.
L’une des pires crimes a été le deuxième raid israélien sur le complexe médical Al-Shifa, perpétré le 18 mars 2024. Cette attaque a été marquée par des violations horribles, que des témoins ont rapportées dans des récits profondément bouleversants. Au cours de l’assaut, les forces israéliennes ont perpétré des exécutions sommaires, des actes de torture, des actes de provocation, la mutilation des corps des martyrs et l’exhumation de sépultures.

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L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme et de la paix a documenté une partie des crimes israéliens perpétrés lors de cette attaque, révélant que l’armée israélienne avait commis des massacres et des atrocités de grande ampleur dans et aux abords de l’hôpital Al-Shifa.
Parmi ces crimes, l’exécution de 13 enfants palestiniens dans l’enceinte de l’hôpital et ses environs à Gaza. Les enfants, âgés de 4 à 16 ans, ont été assassinés, certains alors qu’ils étaient pris au piège avec leurs familles dans leurs maisons assiégées, et d’autres alors qu’ils tentaient de fuir sur des routes désignées par l’armée israélienne.
Parmi les cas documentés, celui du fils d’Islam Ali Salouha, un résident de la région de l’hôpital Al-Shifa. Les forces israéliennes ont tué, au lance-flamme, son fils de 9 ans, Ali, ainsi que Saeed Mohammed Sheikha, âgé de 6 ans, devant leurs familles et des habitants du quartier, selon Euro-Mediterranean Monitor.
Après le retrait des forces israéliennes de l’hôpital Al-Shifa, des fosses communes ont été découvertes à l’intérieur de l’hôpital et dans ses environs — une méthode utilisée par l’occupant pour dissimuler ses crimes de guerre.
Le bureau de presse de Gaza a annoncé la découverte de trois nouveaux cimetières à l’intérieur de l’hôpital Al-Shifa, portant à sept le nombre total de cimetières similaires découverts dans des établissements de santé à travers la bande de Gaza. 529 martyrs ont été retrouvés dans ces tombes.
Les hôpitaux du nord de la bande de Gaza ont été les plus touchés par les crimes israéliens. Les forces d’occupation les ont attaquées à plusieurs reprises, ont pris d’assaut leurs installations, arrêté le personnel médical et exécuté des patients à l’intérieur. Dans le cadre de sa politique de déplacement forcé, Israël a systématiquement œuvré à la destruction complète de tous les centres médicaux de la gouvernorat de Gaza Nord.
L’armée israélienne a détruit les hôpitaux Kamal Adwan, Beit Hanoun, indonésien et Al-Awda, incendiant et endommagé tous les équipements médicaux à l’intérieur. Après le cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier 2025, des tentatives ont été faites pour remettre en service ces hôpitaux afin d’assurer des activités minimales. Cependant, avec la reprise de la guerre, le nouveau coup de force sur le terrain dans le nord de la bande de Gaza et le maintien du blocus, l’ensemble de ces établissements ont été rendus complètement inopérants.
Le 18 mai 2025, les forces israéliennes ont assiégé les hôpitaux indonésien et Al-Awda, les attaquant avec des tirs de drone et les forçant à cesser toute activité en bloquant l’accès des patients, du personnel soignant et des fournitures essentielles.
Les forces israéliennes ont aussi bombardé l’unité de soins intensifs de l’hôpital indonésien malgré la présence de très grands malades. À ce jour, le 27 mai, des dizaines de membres du personnel médical, de patients et de blessés se trouvent toujours piégés à l’intérieur de l’hôpital, sous le feu.
La situation dans le sud de la bande de Gaza, notamment au sein du complexe médical Nasser à Khan Yunis, était tout aussi horrible que dans l’enceinte d’Al-Shifa. Les forces israéliennes ont fait irruption dans l’hôpital et se sont livrées à des exécutions, des tortures et toutes sortes d’exactions sur les prisonniers, des arrestations de centaines de personnes, y compris des docteurs, des infirmières et même des malades dont la condition est critique.
Après le retrait israélien, les services de secours de Gaza ont annoncé avoir découvert des fosses communes à proximité de l’hôpital Nasser, contenant des corps qui avaient été torturés et ensevelis vivants, y compris des enfants.

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Les équipes de la Protection civile ont récupéré 392 corps dans trois tombes autour de l’hôpital. 58 % des restes n’ont pas été identifiés, certains présentant des signes de torture, comme des membres amputés ou des perfusions encore attachées aux corps, ce qui renforce les soupçons que certains victimes ont été enterrées vivantes.
Ismail Al-Thawabta, directeur du bureau de presse de Gaza, a pour sa part confirmé que l’armée israélienne avait exécuté des personnes déplacées, des blessés et des patients à l’intérieur de l’hôpital Nasser pendant le siège et la rafle.
Al-Thawabta a insisté sur le fait que l’armée israélienne ne pourrait pas éviter de répondre de ce crime, les preuves étant irréfutables. Il a noté qu’il avait été confirmé que certains des martyrs, retrouvés dans la fosse commune et identifiés, étaient vivants au moment où les forces israéliennes ont pris d’assaut l’hôpital le 24 mars 2024, à la suite d’un siège qui avait commencé le 22 janvier 2024.
Même après le retrait de l’armée du site, les frappes aériennes se sont poursuivies, visant directement les bâtiments clés. L’unité des soins intensifs a été bombardée : cinq Palestiniens ont été tués, d’autres blessés, et le bâtiment a pris feu.
Peu après, les forces israéliennes ont bombardé une tente de journalistes dans la cour de l’hôpital, brûlant vifs trois journalistes. Dans un autre raid, des avions de guerre israéliens ont assassiné le journaliste Hassan Asleeh en bombardant le service de chirurgie du même hôpital.
Plus récemment, les forces israéliennes ont bombardé les installations de stockage médical de l’hôpital, mettant en danger la vie de milliers de patients.
Les forces israéliennes ont également visé le complexe hospitalier avec 40 missiles et ont auparavant bombardé l’hôpital lors de leur invasion terrestre de Khan Yunis. L’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa a également été la cible d’attaques aériennes et de tirs de drones quadcoptères.
Les forces d’occupation ne se sont pas arrêtées à l’attaque les grands hôpitaux : elles ont également pris pour cible tous les établissements de santé fournissant des services médicaux et abritant des civils déplacés. Ces institutions, tout comme le centre médical Al-Aqsa Martyrs Hospital, ont été le théâtre d’atrocités perpétrées par l’armée israélienne.
Ramzi Musa’ed, un jeune homme déplacé par la guerre, a raconté qu’il avait fui vers l’hôpital Al-Khair, à l’ouest de Khan Yunis dans le sud de la bande de Gaza, après la prise de contrôle du camp d’Al-Maghazi. Il a ajouté qu’Israël avait attaqué la zone où il s’était réfugié sans faire évacuer la population, qu’il avait ensuite assiégé toutes les zones où les personnes déplacées s’étaient regroupées, et qu’ensuite il les avait attaquées et bombardées.
Il nous a confié : « C’était terrifiant — en janvier 2024, l’occupation a lancé une attaque de grande envergure, indiscriminée et foudroyante, par air et artillerie. Ils ont ciblé des habitations, des écoles, des bâtiments gouvernementaux et des champs. Des douzaines de personnes sont tombées en martyrs au début des frappes. Lorsque les tanks sont arrivés à l’hôpital Al-Khair, les soldats se sont mis à tirer directement sur les fenêtres pour empêcher les gens de s’enfuir. Des obus d’artillerie ont frappé la partie supérieure du bâtiment, causant la mort de nombreuses personnes. Je n’ai pas de mots pour décrire ce que j’ai vu : le hurlement, les pleurs d’enfants. Nous ne savions pas où aller. »
Ramzi expliqua que, avant le début de l’assaut, des soldats israéliens avaient envoyé un drone quadricoptère équipé d’un haut-parleur qui ordonnait, en arabe, aux hommes de retirer leurs vêtements et de se rendre dans une salle précise, tandis que les femmes et les enfants devaient aller dans une autre pièce et se mettre face contre terre, les mains derrière le dos. À ce moment-là, il a été séparé de sa famille et de ses enfants.
Il poursuivit :
« Avant d’entrer dans une pièce, ils lançaient des grenades explosives, puis ouvraient le feu avec des armes lourdes. Ils ont également tiré sur tout le matériel médical. Nous pouvions entendre les voix de femmes et d’enfants qui criaient pour demander de l’aide, lorsque les soldats sont arrivés dans la salle où ils étaient. Pour les hommes, c’était un moment d’humiliation absolue. Ils se sont jetés sur nous pour nous battre à coups de crosse de fusil, en proférant des insultes grossières et en tirant sur certains d’entre nous. La séance de torture et d’humiliation a duré plus de 24 heures, ils y prenaient manifestement plaisir. Puis ils ont apporté un dispositif de reconnaissance faciale. Après, on m’a emmené dans une autre pièce où j’ai subi une seconde séance d’humiliation et de torture de quatre heures. »
Après ces deux séances de torture et d’humiliation, certains des réfugiés ont été autorisées à partir, dont Ramzi. Il est parti torse nu, sans aucun de ses effets personnels. Les soldats avaient confisqué les possessions personnelles des personnes déplacées, y compris l’argent et les téléphones, et avaient dépouillé les femmes de leurs bijoux. Musa’ed décrit le chemin du retour : « Ils ont indiqué à l’ensemble du groupe une route précise menant à Rafah, avertissant quiconque s’en écarterait serait exécuté. »
Musa’ed a décrit le chemin du retour :
« Il y avait des corps fraîchement exécutés partout. J’ai également vu des civils, des femmes et des enfants utilisés comme des boucliers humains devant des tanks positionnés le long de la route côtière à Khan Yunis. En partant, je pensais à mon propre sort, mais aussi à celui de ma famille. J’ai été séparé d’eux pendant un mois entier, sans savoir où ils se trouvaient et sans pouvoir les contacter après que les soldats ont confisqué nos téléphones. Nous avons fini par nous retrouver, grâce à l’aide de nos proches. »
Auteur : Mohammad al-Naami
* Mohammad al-Naami est un journaliste originaire de Gaza.
27 mai 2025 – The Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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