D’un père à son fils martyr

Yousef Al-Ghefari et son père, Mahmoud

Par Mahmoud Al-Ghefari, Saleh Al-Rantisi

Mahmoud Al-Ghefari se souvient de son fils, Yousef, tué dans le génocide en cors à Gaza. « Israël a tué Yousef, anéanti ses rêves et réduit au silence son esprit magnifique », écrit-il. « Pour aucun autre crime que celui d’être né à Gaza, selon le destin. »

Au milieu du génocide que mène Israël depuis plus de 700 jours contre des enfants, des femmes et des personnes âgées, les médias présentent souvent cette guerre de manière purement statistique et déshumanisante dans leurs bulletins d’information.

Le présentateur récite mécaniquement le nombre de martyrs : « Aujourd’hui, 105 Palestiniens ont été tués à Gaza et 500 autres ont été blessés. » Et puis, le journal se termine.

Mais qu’en est-il des histoires de ces martyrs ? Qu’en est-il de leurs rêves ? Qu’en est-il des ambitions qui ont été enterrées sous le poids du flot constant des dernières nouvelles ?

La sœur de Yousef, Amani, se souvient : « Je trouvais souvent un morceau de chocolat caché dans le tiroir de mon bureau. Pendant un certain temps, j’ai cru que c’était un sortilège. Plus tard, j’ai découvert que c’était Yousef qui le laissait là, sans jamais me le dire. »

Cela me fait mal de voir les médias saturés de reportages politiques, d’analyses stratégiques et de prédictions pour l’avenir, tout en ignorant les histoires humaines.

Traiter les victimes de Gaza comme de simples « choses », réduites à des chiffres humiliants et à des statistiques froides, les prive de leur présence émotionnelle et spirituelle.

Chaque martyr de Gaza est une histoire humaine, une tragédie unique en soi.
Chaque martyr a une famille qui le pleure, des amis qui le regrettent.
Chacun avait des rêves et des projets d’avenir qui ont été enterrés avec lui.

La mère de Yousef se souvient : « Pendant la guerre à Gaza, Yousef a ramené à la maison un petit chaton. Même si la nourriture était rare, il gardait une partie de son repas pour nourrir ce petit chat. »

Nous devons lire les actualités et observer ces événements à travers un prisme humain, et non pas simplement comme des données et des chiffres.

Combien d’esprits brillants ont été tués par la machine de guerre de l’occupation israélienne ? Combien d’enfants innocents ont été brûlés vifs par les frappes aériennes israéliennes ? Combien de jeunes hommes au caractère noble ont été enterrés vivants ? Combien d’entrepreneurs ambitieux ont vu leurs rêves brisés et anéantis par l’occupation israélienne ?

Basheer, un ami de Yousef, se souvient : « Il n’a jamais cherché à se mettre en avant. Mais chaque fois que Yousef était absent de nos conversations, nous avions tous l’impression qu’il manquait quelque chose, comme si nous avions perdu notre boussole. »

Yousef, un jeune homme ambitieux et créatif dont la vie et les rêves ont été assassinés par l’occupation.

Yousef Mahmoud Al-Ghefari, un jeune homme originaire de Gaza, est né en octobre 2001. Il était un exemple rare de cette époque : un jeune homme déterminé, éthique et passionné, vif d’esprit, assidu dans ses études et parmi les meilleurs de sa classe.

Basheer, un ami de Yousef, se souvient : « Chaque fois que nous discutions en groupe, Yousef était toujours le dernier à prendre la parole. Mais lorsqu’il le faisait, il s’exprimait avec calme et clarté, en utilisant la logique, des preuves et la sagesse. Et s’il ne connaissait pas la réponse, il disait simplement : ‘Je ne sais pas’. »

Ses manières irréprochables lui valaient l’admiration et le respect de tous ceux qui le connaissaient.

Il était sincère dans ses paroles, sensible, et choisissait ses mots avec soin pour ne jamais blesser les autres.

Son dévouement envers ses parents était exemplaire : il n’élevait jamais la voix, discutait toujours avec eux avec respect, ne refusait jamais leurs demandes et les servait sans relâche, cherchant à les satisfaire et reconnaissant toujours leur rôle dans sa vie.

Sur le plan professionnel et académique, Yousef était très en avance pour son âge. À 16 ans, il a commencé à travailler comme représentant commercial et, à 19 ans, il avait déjà organisé et dirigé plusieurs initiatives communautaires visant à encourager les jeunes à lire.

Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il a suivi deux cursus universitaires distincts : administration des affaires et multimédia. À 21 ans, il avait fondé sa propre société de marketing et, à 23 ans, il était en train de créer une entreprise destinée à desservir tout le Moyen-Orient.

La mère de Yousef se souvient : « Chaque fois que j’appelais Yousef, il répondait toujours d’une voix chaleureuse : ‘Oui, maman’. Mais parfois, il se contentait de dire ‘Bonjour’. Je lui ai demandé pourquoi, et il m’a répondu : ‘Quand je suis avec mes cousins (les enfants de ma tante décédée), je ne veux pas leur faire de la peine en disant maman’ ».

Yousef faisait partie des rêveurs et des visionnaires, plein d’espoir et déterminé à construire une réalité au-delà des difficultés de la vie à Gaza, au-delà des guerres, du blocus imposé depuis 2006 et des défis sans fin de l’occupation.

Rien de tout cela ne pouvait lui ôter son optimisme et son rêve d’avenir.

Un collègue de travail de Yousef se souvient : « Il ne courait pas après le profit, il aidait les autres à progresser. C’était Yousef. »

Comment ignorer le fait qu’avant d’avoir 21 ans, il avait déjà documenté et écrit deux livres : l’un sur les familles palestiniennes d’origine ottomane et l’autre sur sa propre famille, les Al-Ghefari ?

Si l’on ne parle que de son caractère, il était l’incarnation même de la gentillesse et de la dignité : respectueux envers ses aînés, tendre avec les plus jeunes, toujours honnête, ne mentant jamais, quelles que soient les conséquences. Il était autonome, travailleur et ne demandait jamais d’aide.

La sœur de Yousef, Amani, se souvient : « Chaque jour, quand je rentrais de l’école, Yousef m’attendait à la porte. Sa première question était toujours : ‘Est-ce que quelqu’un t’a embêtée aujourd’hui ?’ Yousef n’était pas seulement mon frère, il était mon bouclier. »

Yousef, qu’il repose en paix, était généreux d’esprit et d’action, donnant aux pauvres malgré ses propres besoins, incarnant l’altruisme. Il était discret mais influent, calme, réfléchi et toujours engagé dans une lecture intellectuelle attentive et réfléchie.

Il pardonnait facilement, ne gardait aucune rancune et évitait toujours les conflits et les disputes.
Le 7 mai 2025, l’occupation a tué Yousef en un instant, comme elle avait tué plus de soixante-dix mille âmes avant lui.

Un collègue de travail de Yousef se souvient : « Un jour, j’ai appelé Yousef pour lui dire que je lui avais trouvé un client privé en dehors de son travail habituel. Je pensais qu’il serait ravi de gagner un peu plus d’argent. Au lieu de cela, il m’a surpris par sa gentillesse et m’a dit : ‘Je vais t’apprendre à servir ce client toi-même, l’argent est pour toi. C’est toi qui as fait l’effort’. »

Israël a tué Yousef, anéanti ses rêves et réduit au silence son bel esprit. Il a laissé derrière lui un père qui pleure pour lui, une mère qui le pleure et des amis au cœur brisé.

Yousef a quitté ce monde en silence, sans que ceux qui auraient dû se soucier de lui ne le remarquent. Il a été tué pour aucun autre crime que celui d’être né à Gaza.

Yousef a été assassiné tandis que son meurtrier est toujours en liberté, parcourant le monde pour passer ses vacances sur les plages, visiter des sites touristiques et vivre sa vie comme si de rien n’était.

Qu’en est-il des 17 000 enfants tués, leurs corps déchiquetés et brûlés vifs ?
Qu’en est-il de leur histoire ? Quelqu’un la connaît-il ?
Quelqu’un entend-il les cris des mères de ces enfants assassinés ?
Quelqu’un sait-il quels étaient les rêves de ces enfants ?
Le monde sait-il comment ils ont vécu leurs derniers instants, alors qu’ils se vidaient de leur sang ?
Quelqu’un sait-il pourquoi ils ont été tués ?
Au moins 700 nourrissons ont été assassinés avant même d’avoir atteint l’âge d’un an.
Quelqu’un connaît-il leur nom ou la raison pour laquelle ils ont été tués ?

Ignorer les histoires des martyrs et refuser de parler de leurs ambitions, de leurs rêves, de leurs échecs et de leurs succès n’est rien d’autre qu’une forme de meurtre indirect.

Car le martyr est un être humain dont la présence est physique, spirituelle et morale. Si l’occupation israélienne tue les martyrs physiquement et corporellement, nous devons veiller à ne pas les tuer spirituellement et émotionnellement en les oubliant, sinon nous les aurons tués une seconde fois.


19 juillet 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

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