Cinq petits anges accueillis au paradis

Des enfants palestiniens du camp de réfugiés de Jabaliya entourent les tombes de leurs amis, tués par une frappe aérienne israélienne - Photo : via We Are Not Numbers

Par Hamza Salha

Le 6 août, Nour Diab a réveillé son enfant, Jameel, âgé de quatre ans, pour qu’il prenne son déjeuner. Il lui a demandé de lui préparer des nouilles. Elle lui en a fait, puis elle lui a donné son bain. Puis Jameel a mis des vêtements propres, du gel dans ses cheveux et s’est parfumé avec l’eau de Cologne de son père Najmuddin.

Puis, Jameel s’est rendu avec ses deux sœurs au magasin du marché pour acheter des chips et une barre de chocolat. Ensuite il a rejoint au cimetière deux adolescents de sa famille, Mohammad et Hamed pendant que ses sœurs rentraient à la maison.

Le camp de Jabaliya est l’une des zones les plus densément peuplées de la bande de Gaza sous blocus israélien. Comme il n’y a pas de parcs ni de jardins dans leur quartier, les enfants vont au cimetière pour jouer.

Jameel, Mohammed, Hamed, Jameel Ihab Nijim, 13 ans, et leur ami, Nazmi Abu Krash, 13 ans, étaient assis près de la tombe de leur grand-père, non loin de la maison. C’est à ce moment-là qu’Israël les a pris pour cible alors qu’il n’y avait aucun combattant à cet endroit, selon des témoins oculaires.

« Tout à coup, j’ai entendu une énorme explosion. Mes deux filles et moi nous sommes précipitées dans la partie de la maison la plus à l’abri », a déclaré Nour.

Des gens dehors ont commencé à crier que c’était le cimetière qui était bombardé. La belle-sœur de Nour hurlait : « Jameel a été tué, Jameel a été tué ! »

« Je ne l’ai pas crue car je ne savais pas qu’il était dans le cimetière », dira plus tard Nour en retenant ses larmes. « Quand j’ai appris que Jameel avait été assassiné, je me suis évanouie. Quand je sui revenue à moi, je n’ai pas été capable de recevoir les gens qui venaient présenter leurs condoléances ».

Le corps de Jameel était en pièces comme ceux de ses trois proches et Nour n’a même pas pu le serrer dans ses bras avant de l’enterrer.

Les raids, qui ont visé le cimetière de Jabaliya, ont tué cinq enfants ; quatre d’entre eux étaient des cousins et le cinquième était un voisin. « Je ne pense pas qu’Israël aura à rendre des comptes puisqu’il n’a jamais eu à le faire », a ajouté la mère avec désespoir.

Ismael Abu Mahdi, 36 ans, qui se trouvait à la porte occidentale du cimetière au moment du bombardement, témoigne :

« J’ai entendu une explosion massive dans le cimetière. Je ne savais pas si je devais entrer ou m’enfuir jusqu’à ce que j’entende un cri : ‘Mon fils, mon fils !’ ».

Il s’est alors précipité à l’intérieur et a vu des morceaux de corps d’enfants dispersés partout et leur sang répandu sur trois tombes, dont celle de leur grand-père.

« Le père d’un martyr a emporté les restes de son fils chez lui ; il ne voulait pas croire qu’il était mort. Un autre père a transporté les restes de son fils jusqu’à l’ambulance », a déclaré Ismael, qui travaillait dans un magasin situé en face du cimetière, dont la vitre a été brisée par des éclats d’obus.

Israël a lancé le 5 août une attaque militaire de trois jours sur Gaza, au cours de laquelle il a tué 49 Palestiniens, dont 17 enfants et trois femmes, et fait 360 blessés, dont 151 enfants et 59 femmes.

« Mon fils était complètement défiguré, je l’ai reconnu à son T-shirt », a déclaré Ihab Nejim, 42 ans, les larmes aux yeux et la voix altérée.

Son fils Jameel, 13 ans, avait l’habitude de jouer avec son cousin de 4 ans, Jameel Najmuddeen, qui l’aimait beaucoup et l’a suivi sur la tombe de son grand-père. « Comme mes autres enfants, Jameel avait très peur des bombardements israéliens », a déclaré Ihab.

Jameel aimait jouer au football, excellait à l’école, et son rêve était de devenir médecin.

« Je n’ai jamais permis à Jameel d’aller chez un ami qui habite à côté de chez nous à cause des bombardements israéliens. Pendant le bombardement, mon fils était assis sur la tombe de son grand-père, et je n’ai jamais pensé qu’ils pouvaient bombarder le cimetière », a déclaré Ihab Nejim, sous le choc.

Le jour du massacre, trois heures avant d’être lui-même assassiné, Mohamed Nejim, 16 ans, avait participé aux funérailles de sept Palestiniens, dont quatre enfants, assassinés le 6 août devant la mosquée Imad Aqel à Jabaliya.

Khalid Yaghi, 16 ans, venu se recueillir sur la tombe de son ami Mohammed Nijim, a déclaré, en larmes :

« Je le connaissais depuis huit ans. Nous avons étudié ensemble en troisième année. Nous avions l’habitude d’aller à l’école ensemble tous les jours, et d’aller à la plage de Gaza trois fois par semaine. »

Khalid se rend presque quotidiennement sur la tombe de son ami.

« Mohammed et Hamid Nijim, qui ont tous les deux été assassinés, étaient mes amis. Nous avions l’habitude de nous voir tous les jours. » dit Khaled.

Mohamed était un jeune complètement innocent et qui excellait dans ses études ; son rêve était de devenir ingénieur.

Le cousin de Mohamed, Hamid Nejim, était aussi un ami ; il était dans la même école et la même classe ; c’était un excellent élève, et son rêve était de devenir médecin.

Nour Diab est toujours sous le choc et n’arrive pas à faire face au meurtre de son enfant. « Je meurs à chaque seconde quand je vois les photos de mon fils partout. Aujourd’hui, j’ai vu le bus qui l’amenait au jardin d’enfants, un bus dans lequel il ne montera plus jamais », a-t-elle dit. « Les sœurs de Jameel sont rentrées à la maison, mais lui ne reviendra plus jamais. »

29 août 2022 – Chronique Palestine – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet