Le camp de réfugiés de Jénine est une « petite Gaza » où la Résistance lutte pour sa survie

Combattant de la Résistance palestinienne à Tubas, en Cisjordanie - Photo : Wahaj Bani Moufleh/ Activestills

Par Shatha Hanaysha

Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne mène un assaut féroce contre les bastions de la résistance armée en Cisjordanie. Sa récente campagne contre le camp de réfugiés de Jénine montre que la guerre israélienne à Gaza est une guerre contre la résistance et contre la population.

Dès que le soir tombe sur le camp de réfugiés de Jénine, Zuhour al-Sa’di attrape ses trois enfants, leurs sacs et leurs manuels scolaires, et quitte le camp. Comme beaucoup d’autres résidents elle tente d’échapper aux raids nocturnes de l’armée israélienne à Jénine.

Ces derniers temps, plus personne ne peut dormir en paix dans la ville et son camp de réfugiés. Les incursions des forces spéciales israéliennes dans cette ville du nord de la Cisjordanie ont considérablement augmenté depuis le 7 octobre, avec des raids qui durent parfois plusieurs jours.

Au cours de ces opérations, les maisons du camp sont détruites, de même que les rues et les infrastructures civiles, ainsi que les routes menant au camp. En outre, l’alimentation électrique, les conduites d’eau et le système d’égouts sont endommagés et les eaux usées inondent les rues du camp.

Chaque fois que les résidents du camp tentent de comprendre ce qui se passe autour d’eux et de réparer les dégâts causés aux installations par les raids, les forces israéliennes reviennent et les détruisent à nouveau.

Ces destructions gratuites incessantes sont une forme de punition collective que l’armée fait subir aux habitants du camp. Zuhour explique que les habitants quittent leurs maisons poussés par la peur que les tirs aveugles des soldats israéliens ne tuent leurs enfants, même lorsqu’ils sont à l’intérieur.

Du fait de la destruction des rues, les enfants ont du mal à se rendre à l’école lorsque le raid a pris fin.

Après l’école, Zuhour et ses enfants rentrent chez eux dans l’angoisse, prêts à fuir dès que les résidents du camp sonnent l’alarme pour avertir d’un raid imminent de l’armée.

La guerre contre Jénine depuis le 7 octobre

Israël a profité des combats à Gaza pour lancer une guerre totale contre la résistance armée en Cisjordanie, qu’il n’a pas réussi à éradiquer au cours des deux dernières années d’opérations limitées de contre-insurrection à Naplouse, Jénine, Tulkarem et Jéricho. Le gros des opérations militaires israéliennes se déroule actuellement dans le camp de réfugiés de Jénine. Ces opérations durent plusieurs heures et parfois plusieurs jours.

Dans tous les cas, l’objectif est clair : « éliminer » la résistance implantée dans le camp, en particulier la Brigade de Jénine, une formation qui regroupe plusieurs groupes de résistance armés. Tous ces raids sont accompagnés de bulldozers militaires qui détruisent les infrastructures, les maisons et les rues.

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Cependant, la nature des raids sur Jénine a changé, et ils sont maintenant souvent soutenus par des frappes aériennes avec des avions de reconnaissance (appelés “drones suicides” par les habitants du camp) qui ciblent les rassemblements de jeunes.

Depuis le 7 octobre, 21 Palestiniens ont été tués dans le camp de réfugiés de Jénine par des frappes aériennes et des raids de l’armée. Au total, 35 Palestiniens de Cisjordanie ont été tués au cours de cette période par des frappes aériennes israéliennes.

Combattants de la brigade de Jénine posant devant l’entrée du camp de réfugiés de Jénine en août 2023 – Photo : Shatha Hanaysha

Il faut noter que la première utilisation d’hélicoptères Apache et d’avions de reconnaissance pour des frappes aériennes a eu lieu en Cisjordanie depuis la bataille de Jénine en 2002 a également eu lieu dans le camp de réfugiés de Jénine, en juin 2023. Elle a été suivie d’une autre frappe aérienne lors de l’opération militaire menée par l’armée israélienne dans le camp en juillet de la même année.

Il y a des raids depuis le mois d’octobre, mais leur rythme s’est accéléré au cours du mois dernier. Le 29 novembre, les forces israéliennes ont assassiné deux éminents fondateurs de la brigade de Jénine, Muhammad Zubeidi et Wissam Hanoun. La situation n’a fait qu’empirer depuis.

La réponse initiale aux assassinats de Zubeidi et Hanoun a pris la forme d’une fusillade au poste de contrôle de Dotan, à l’ouest de la ville de Jénine, le 8 décembre, au cours de laquelle un soldat israélien a été blessé, comme l’a annoncé l’armée israélienne.

L’opération a ensuite été revendiquée par la brigade de Jénine, qui a déclaré que plus d’un soldat avait été blessé. Cette opération a été considérée comme un coup dur pour Israël en Cisjordanie, d’autant plus qu’elle s’est déroulée à l’extérieur du camp et qu’elle a ciblé un poste de contrôle militaire pendant une période où les forces israéliennes étaient en état d’alerte renforcée.

Le matin du 5 décembre, alors que je me trouvais dans le camp de réfugiés de Jénine pour rédiger un rapport à la suite d’un raid nocturne mené la veille, j’ai parcouru le centre du camp avec d’autres journalistes afin de répertorier les dernières destructions.

Soudain, les sirènes d’alarme ont retenti – le moyen par lequel les « guetteurs » de la résistance et les résidents du camp alertent les habitants de la présence de forces spéciales israéliennes dans des voitures civiles et de l’imminence d’une incursion de l’armée.

La résistance avait découvert que des forces israéliennes étaient rentrées secrètement dans le camp dans un véhicule commercial. Ce type d’infiltration est souvent mené à des fins d’arrestation ou d’assassinat, et la détection précoce de l’infiltration permet de prévenir la cible et de la mettre à l’abri.

En d’autres termes, ce raid particulier a été un échec, puisqu’il n’a pas permis de capturer ou de tuer un membre de la résistance.

Le raid a duré plus de 11 heures, au cours desquelles l’armée a arrêté des dizaines de civils et de parents de martyrs, dont certains ont été libérés plus tard le même jour. Des affrontements armés ont éclaté entre la résistance et l’armée à l’intérieur du camp et à sa périphérie.

La résistance a tenté de repousser l’invasion en lançant des grenades artisanales sur les véhicules militaires israéliens déployés dans le camp et dans la ville de Jénine. Ce fut sans doute la bataille la plus intense depuis que l’armée a déclaré avoir éliminé Zubeidi et Hanoun.

Le raid le plus récent sur le camp a eu lieu le 12 décembre et a duré trois jours, entraînant la mort de 13 Palestiniens et en blessant 33 autres dans la ville de Jénine et dans le camp. Pendant cette période, les forces israéliennes ont assiégé le camp, limitant les entrées et les sorties, et ont mené des raids de maison en maison, arrêtant des centaines de personnes, une opération similaire aux arrestations de civils à Gaza.

L’armée israélienne arrête et fouille des ambulances lors d’un raid dans le camp de réfugiés de Jénine – Photo : Shatha Hanaysha

Cet assaut a constitué la plus grande opération militaire de l’armée israélienne dans le camp depuis la « bataille de Jénine » de 2002. L’armée israélienne considère qu’il s’agit d’une extension de la guerre contre Gaza et d’un effort pour éliminer le Hamas et les factions de la résistance palestinienne.

L’opération de trois jours a donné lieu à des affrontements intenses dans plusieurs zones à l’intérieur et autour du camp et de la ville. Sept soldats israéliens ont été blessés, comme l’ont annoncé les forces israéliennes.

Cependant, la brigade de Jénine a déclaré dans un communiqué après le raid que ses combattants avaient réussi à mener plusieurs opérations et frappes de précision sur différents axes et zones où se trouvaient des soldats et des véhicules de l’armée israélienne.

Une source anonyme de la brigade de Jénine a parlé de l’invasion à Mondoweiss :

« Nous avons visé une force d’infanterie de soldats d’occupation stationnés sur la place du camp de Jénine avec un engin explosif, et nous avons fait des blessés », a déclaré la source. « Après avoir observé les soldats à l’extérieur des véhicules sur la route entre la ville et le camp, les combattants de la résistance ont réussi à abattre au moins deux soldats, comme l’ont montré les médias ».

« Un autre groupe de combattants, quelques minutes après l’embuscade des snipers, a pris pour cible une unité de soldats positionnée devant la mosquée dans la zone du nouveau camp », a-t-il poursuivi. « Les combattants ont également franchi la barrière de sécurité et, malgré la présence d’avions de reconnaissance et d’équipes de tireurs d’élite, ont pris pour cible des soldats d’occupation dans le quartier de Khallet Al-Sawha, dans la ville de Jénine ».

La source de la Brigade de Jénine a affirmé que l’opération de l’armée israélienne du 12 décembre était un échec, car elle n’a pas abouti à l’arrestation de résistants recherchés de la Brigade de Jénine, et la plupart des arrestations concernaient des civils qui ont été relâchés par la suite. La source a confirmé que les résistants sont restés dans le camp et dans la ville, et que les affrontements ont persisté pendant toute la durée de l’incursion.

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La source a également insisté sur le fait qu’Israël tentait de donner une image de victoire en vandalisant les lieux, en écrivant des slogans sionistes sur les murs, en arrachant les photos des martyrs, en saccageant et en faisant exploser les maisons, en profanant les mosquées, en diffusant des prières juives dans ses haut-parleurs, et en détenant des civils sans motif.

La résistance vaincue ?

Anas Abu Arqoub, expert en affaires israéliennes, a déclaré à Mondoweiss que les déclarations des responsables militaires et politiques israéliens affirmant avoir mis fin à la résistance à Jénine sont démenties par la réalité sur le terrain.

Selon lui, les responsables israéliens savent que leurs déclarations sont fausses et ils mentent pour remonter le moral de l’opinion publique israélienne après que la force de dissuasion de l’armée israélienne a été anéantie le 7 octobre.

Dans une interview exclusive réalisée par Mondoweiss, nous avons interrogé un combattant de la Brigade de Jénine sur la véracité des affirmations des médias israéliens selon lesquelles le rapport de force a changé dans le camp après l’assassinat de Zubeidi et Hanoun.

« Les affirmations de l’occupation sont sans fondement », a-t-il répondu. « En 2002, nous avons perdu Mahmoud Tawalbeh [un dirigeant de l’aile militaire du Jihad islamique, les Brigades Al-Quds] et de nombreux autres dirigeants de premier plan. Cependant, une nouvelle génération a émergé, reprenant le flambeau. Lors de la bataille de l’épée de Jérusalem [lancée par le Hamas à Gaza en 2021 en réponse aux provocations des colons israéliens à Al-Aqsa], nous avons perdu Jameel Al-Amouri [un des premiers fondateurs des brigades de Jénine], et tout le monde a souffert, mais les jeunes ont relevé le flambeau. Ce sera une nouvelle phase et un nouveau départ ; l’assassinat de Muhammad Zubeidi et de Wissam Hanoun nous rendra plus forts ».

« Les opérations répétées de l’armée d’occupation ont deux facettes », poursuit le combattant. « D’une part, les jeunes sont fatigués voire épuisés, mais d’autre part, ces incursions nous rapprochent de notre Dieu. Plus l’occupation se rapproche de nous, plus nous nous rapprochons de Dieu. Nous devenons plus forts chaque fois que nous surmontons la peur de ce que nous avons vécu auparavant. Dans le passé, par exemple, nous avions peur des missiles [israéliens], mais maintenant nous avons surmonté cette peur, et nous traitons les missiles comme quelque chose de normal. Ensuite, nous avons eu peur des drones [d’attaque israéliens], mais maintenant nous nous déplaçons en surmontant la peur ».

« Chaque fois que l’occupation tente une nouvelle approche contre nous, nous ressentons d’abord de la peur, mais nous nous y habituons par la suite », a-t-il poursuivi. « Il y a un dicton qui dit : ‘Les coups qui ne nous tuent pas nous rendent plus forts’. Avec ces raids, nous acquérons plus d’expérience et de connaissance. Ce qui fait que l’occupation ne peut pas gagner. Ils ont utilisé tout ce qui était à leur disposition pour menacer les jeunes. Dans le passé, ils nous menaçaient avec des missiles et des drones sans les utiliser, mais désormais ils les ont utilisés. Ils ont utilisé des hélicoptères Apache, des avions de reconnaissance et des lance-missiles portatifs, et ils n’ont plus rien pour nous effrayer ».

Un dirigeant de la brigade de Jénine

Un autre membre de la résistance, chef de la brigade de Jénine, a déclaré à Mondoweiss que « les idées et la mentalité révolutionnaires étaient initialement portées par des individus, avant de s’incarner dans une institution de sécurité ou un système de lutte djihadiste. L’accent n’est pas mis sur une personne en particulier. Bien que certains individus aient un impact significatif, l’essentiel, c’est l’idéologie et la conscience qui animent la communauté. Les jeunes s’efforcent désormais de devenir des leaders au sein d’une brigade en particulier et de la résistance en général pour remplacer ceux qui disparaissent ».

« Le départ de Muhammad Zubeidi et de Wissam Hanoun a sans aucun doute un impact significatif, mais ce ne sera pas l’impact souhaité par l’occupation israélienne dans le sens d’une division ou d’un arrêt des opérations de la brigade », a-t-il poursuivi.

« La brigade de Jénine est devenue une institution ; une personne peut en remplacer une autre, indépendamment de son nom et de son influence publique. Nous continuerons, si Dieu le veut, jusqu’à notre dernier souffle ».

Il nous a rappelé que, dans leur lutte, « il y a un grand déséquilibre des forces [entre Israël et la résistance], et cela et cela a un impact considérable ».

« Cependant, ce déséquilibre de pouvoir entre nous et l’occupation existe depuis le début de la lutte », a-t-il poursuivi. « Nous avons combattu l’armée israélienne avec toutes ses armes et tous ses équipements. Au début, nous ne comptions pas plus de 50 combattants, mais notre pensée, notre conscience et notre conviction – la ferme croyance en la victoire et en la légitimité de nos revendications – sont ce qui nous permet d’être présents sur le champ de bataille. Même s’il y a une différence dans l’équilibre des forces, je continue parce que je suis un être humain qui veut vivre dans la dignité. Si la vie est digne, elle vaut la peine d’être vécue ».

L’analyste politique Ayman Youssef affirme que Jénine a historiquement joué un rôle exceptionnel dans la lutte et la résistance contre l’occupation, et que cela continue aujourd’hui. Il souligne la spécificité de l’expérience de Jénine, où toutes les factions de la résistance se coordonnent et incarnent l’unité nationale en Cisjordanie. Bien qu’Israël ait réussi à atteindre certains individus et résistants recherchés, il ne peut rien contre l’idée de résistance parce qu’il s’agit d’un concept idéologique inébranlable qui transcende les générations.

« Jénine, avec son caractère social et résistant, avec son camp et des zones rurales, est un cas très particulier », a déclaré Youssef à Mondoweiss.

Selon lui, la résistance à Jénine continuera à se renouveler et à se réinventer au fil du temps. Plus important encore, il souligne que la résistance à Jénine n’est pas monopolisée par une seule faction ou un seul groupe politique – c’est le camp tout entier qui résiste à travers les différentes factions. La brigade de Jénine est l’expression actuelle de cette résistance, et cette tradition ne disparaîtra pas.

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Au contraire, selon Youssef, le modèle de Jénine s’est répandu au cours des deux dernières années et s’est reproduit dans les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, y compris les camps de réfugiés de Nour Shams à Tulkarem, Balata à Naplouse, Aqbat Jaber à Jéricho, et al-Far’a à Tubas.

Les réfugiés de ces camps, privés de justice sociale et politique, continuent d’alimenter, de galvaniser et de faire progresser les mouvements nationaux. Bien que ces mouvements puissent voir des hauts et des bas, Youssef est certain qu’ils se renouvelleront sans cesse.

La guerre contre le peuple, de Gaza à Jénine

Au début de chaque opération militaire israélienne dans la région de Jénine, des convois militaires sont envoyés aux entrées de l’hôpital gouvernemental de Jénine et de l’hôpital Ibn Sina, les deux plus grands hôpitaux de la ville, ainsi que de trois autres hôpitaux. L’armée impose un blocus à tous ces établissements médicaux, empêchant quiconque d’y entrer ou d’en sortir, ce qui entrave l’arrivée des patients et des blessés dans les hôpitaux.

Taghreed Abu Shehab, une artiste de Jénine, peint sur un mur d’un jardin d’enfants dans la ville de Jénine en Cisjordanie, le 20 février 2022 – Photo : Ayman Nobani

L’armée procède même à des fouilles et à des inspections d’ambulances, gênant et retardant les ambulanciers, qui ne sont pas autorisés à entrer dans le camp sans autorisation de la sécurité.

Pour chaque blessé transporté par une ambulance, les forces israéliennes arrêtent le véhicule, le fouille, et vérifient l’identité du blessé.

Si son nom ne figure pas sur la liste des personnes recherchées, ils les laissent passer après un long délai. Lors du dernier raid, le 12 décembre, au moins trois blessés sont morts en route vers l’hôpital en raison des retards délibérés dans les procédures de fouille de l’armée. Un enfant nommé Ahmad Samara, 13 ans, est mort après que les forces israéliennes ont empêché son admission à l’hôpital parce qu’il était transporté dans un véhicule civil.

Son père a été contraint de le porter à pied, et lorsqu’il a atteint l’hôpital, il était trop tard.

Le directeur de l’hôpital gouvernemental de Jénine, Wisam Bakr, a expliqué à Mondoweiss que des balles réelles et des grenades lacrymogènes sont souvent tirées en direction de l’hôpital. Un jour, un jeune homme qui se trouvait dans la cour de l’hôpital a été tué à balles réelles par un tireur d’élite israélien.

Selon lui, « la situation dans les hôpitaux est très critique ; il est difficile pour les patients rénaux de se rendre à leurs séances de dialyse en raison des restrictions imposées à la circulation des personnes dans les rues, ce qui met leur vie en danger ».

Ayman Youssef estime que ce qui se passe aujourd’hui à Jénine est un microcosme de la récente guerre d’Israël à Gaza – des attaques contre les hôpitaux, les écoles et les infrastructures à l’assassinat de journalistes, d’intellectuels et de médecins. Ils assiégent des hôpitaux, éradiquent les symboles nationaux et détruisent les rues.

Ce que fait Israël à Gaza et à Jénine, affirme Youssef, est la mise en œuvre d’une stratégie de la terre brûlée. Ils détruisent tous les aspects de la vie, y compris les structures civiles et communautaires, afin d’aliéner le soutien populaire à la résistance.

Cette stratégie comporte parfois des objectifs tactiques, comme la découverte de pièges et d’engins explosifs improvisés, mais l’objectif général de l’ampleur de la destruction est clair : détruire la société du camp dans l’espoir de creuser un fossé entre la population et la résistance.

Youssef pense que de telles actions n’auront pas l’effet escompté ; pour lui, ces tactiques sont généralement utilisées lorsque l’armée israélienne a déjà échoué à atteindre ses objectifs contre la résistance ; c’est alors qu’elle se met à détruire l’infrastructure humaine.

Tout pour la résistance

La stratégie israélienne à Jénine consiste donc à cibler à la fois la résistance et les habitants du camp, en espérant que ces derniers ne toléreront plus la présence de la résistance après une telle punition collective.

Firas Al-Ghoul, un résident du camp dont la maison a été envahie par les forces israéliennes, affirme que les militaires israéliens entrent dans les maisons des civils dans le camp, détruisent leur contenu et les vandalisent, même lorsque les propriétaires ne sont pas affiliés à la résistance.

Les forces israéliennes ne s’arrêtent pas là : elles détruisent au bulldozer les terrains autour des maisons et les routes avoisinantes, pour faire des barrières de terre devant les magasins et les maisons et au travers des routes.

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« Rien n’est épargné, ni les arbres, ni les gens, ni les rues », a déclaré Al-Ghoul à Mondoweiss. « Il s’agit d’une politique systématique menée par l’occupation à notre encontre pour nous déloger de nos maisons et évacuer le camp. Cependant, quoi que fasse l’occupation, nous ne quitterons pas nos maisons, sauf pour retourner sur nos terres, d’où nous avons été expulsés en 1948 ».

Haniyya Hassan, une femme de 60 ans qui vit avec son mari de 70 ans dans le camp, explique qu’ils ne peuvent pas quitter leur maison en raison de leur âge bien que l’armée israélienne ait envahi et saccagé leur maison.

Les rues devant leur maison ont été retournées au bulldozer lors de la dernière incursion, et les véhicules ne peuvent plus accéder à leur maison. « Pourquoi l’armée israélienne envahit-elle et détruit-elle notre maison ? » dit Haniyya. « Une maison qui appartient à des personnes âgées vivant seules, sans aucun jeunes ni combattants de la résistance ? »

Les destructions incessantes ont pour but d’épuiser les habitants du camp, d’autant plus que l’hiver approche et que les pluies ont inondé des maisons. Les habitants tentent de réparer certaines routes et de reconstruire les infrastructures, mais l’armée israélienne revient et détruit tout à nouveau.

Pourtant, malgré cette politique israélienne calculée, lorsque vous vous promenez dans les rues du camp et que vous interrogez les gens, ils répondent d’une seule et même voix : « Nous nous sacrifions pour la résistance. L’important est que les jeunes [résistants] soient vivants ».

20 décembre 2023 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet