Ahed et Nariman Tamimi condamnées par l’occupant à huit mois de prison

Photo : Haim Schwarczenberg
Ahed Tamimi, entre sa mère Nariman et son père Bassem, lors d'une des manifestations hebdomadaires à Nabi Saleh - Photo : Haim Schwarczenberg

Par Jaclynn Ashly

La jeune militante palestinienne avait été arrêtée après qu’une vidéo où on la voit gifler et frapper deux soldats israéliens soit devenue virale. Sa mère Nariman avait été également arrêtée.

Ahed Tamimi et sa mère Nariman ont accepté de plaider coupable devant les procureurs de l’armée israélienne et devront rester huit mois en prison.

L’adolescente de 17 ans a été arrêtée en décembre 2017 après qu’une vidéo où on la voit gifler et frapper deux soldats israéliens soit devenue virale.

La sentence, prononcée mercredi lors d’une audience à huis clos devant le tribunal militaire israélien d’Ofer près de Ramallah, a conclu un procès qui a attiré l’attention du monde entier.

Tamimi a accepté de plaider coupable pour quatre des 12 accusations initialement portées contre elle, selon Gaby Lasky, l’avocate de l’adolescente.

Les huit autres accusations portées contre Tamimi, y compris celles faisant état de jets de pierres et d ‘”incitation à la terreur et à l’agression”, ont été abandonnées par l’accusation, a déclaré M. Lasky à Al Jazeera.

“Il n’y a pas de justice sous l’occupation et cette cour est illégale”, a déclaré l’adolescente, s’adressant à la salle d’audience après que son plaidoyer ait été présenté au juge, a raconté son père Bassem Tamimi.

Ahed a plaidé coupable d’avoir “attaqué” deux soldats de l’armée israélienne et de “deux autres actes criminels” où elle “a bousculé” un soldat israélien et “incité à la haine”, selon un communiqué de l’armée israélienne.

Les trois mois que Tamimi a déjà passés en prison seront inclus dans sa peine, a déclaré Lasky. Elle sera également condamnée à une amende de 1500 dollars.

Le mois dernier, le juge a décidé que le procès de l’adolescente se déroulerait à huis clos. Lundi, la cour d’appel militaire israélienne a rejeté la demande de Tamimi d’être jugée devant un tribunal.

Suite à cette décision, “nous avons compris qu’Ahed n’allait pas bénéficier d’un procès équitable”, a déclaré Lasky. “Une négociation pour plaider coupable est la meilleure option pour les Palestiniens devant les tribunaux militaires.”

Acharnement contre Ahed et Nariman Tamimi

Tamimi a été arrêtée lors d’un raid de l’armée durant la nuit, après que la vidéo de sa confrontation avec les soldats israéliens ait été largement partagée sur les médias sociaux. Sa mère, Nariman, a été arrêtée peu après pour avoir prétendument diffusé l’incident sur Facebook.

Peu de temps avant le tournage de la vidéo, l’adolescente avait été informée que les forces israéliennes avaient tiré à bout portant sur son cousin de 15 ans, Mohammad, avec une balle en acier enrobée de caoutchouc.

En janvier, Ahed et Nariman ont toutes deux été inculpées pour diverses accusations, y compris des «voies de fait graves» et des «incitations» [à la résistance].

Lasky a déclaré que Nariman avait également accepté de plaider coupable. Comme sa fille, elle a également été condamnée à huit mois de prison, y compris le temps déjà servi. Selon la déclaration de l’armée, Nariman a été reconnue coupable d’avoir “provoqué l’incitation” et “perturbé et attaqué” les soldats israéliens.

Nariman sera condamné à une amende de 1700 dollars.

Nariman et sa fille Ahed devraient être libérées en juillet.

“C’est ainsi que l’occupation nous punit”, a déclaré Bassem Tamimi à la suite de l’audience. “Toutes les décisions de l’occupation sont illégales et injustifiées, car l’occupation elle-même est illégale.”

Pendant ce temps, Nour, la cousine d’Ahed âgée de 20 ans qui est également parue dans la vidéo controversée, a été reconnue coupable d’avoir “attaqué” un soldat israélien. Elle a été condamnée à une peine de 576 dollars, selon le communiqué de l’armée.

Impossibilité d’un procès équitable

Sahar Francis, directrice du groupe de défense des droits des prisonniers palestiniens Addameer, a déclaré à Al Jazeera que “la plupart des cas” dans les tribunaux militaires israéliens aboutissent à un accord de “plaider coupable”.

“Ils [les Palestiniens] ne font pas confiance au système, toutes les confessions sont arrachées sous les tortures, les mauvais traitements et la contrainte”, dit-elle.

Si un Palestinien doit faire face à un procès, il sera basé sur des «aveux» obtenus par les abus et la coercition au cours des interrogatoires initiaux, a déclaré Francis.

Les Palestiniens sont confrontés à un taux de condamnation de près de 100 pour cent dans les tribunaux militaires israéliens, laissant les Palestiniens avec peu d’espoir d’un procès équitable.

Selon Défense des Enfants International – Palestine (DCIP), sur les 297 cas qui ont été documentés par les avocats du groupe entre 2012 et 2015, 295 ont donné lieu à un accord pour plaider coupable.

“Ces tribunaux militaires sont incapables d’offrir un procès équitable dans le cadre d’une occupation [militaire] prolongée de 50 ans”, a déclaré Francis.

Première visite

Avant l’audition de Tamimi mercredi, 38 éminents juristes de divers pays, dont l’Afrique du Sud, le Canada, les Pays-Bas et les États-Unis, ont conjointement écrit à Nadav Padan, commandant de l’armée israélienne.

Les avocats ont noté que le cas de Ahed illustrait les violations systématiques par Israël des droits des enfants palestiniens et le «système de détention militaire séparé et inégal d’Israël».

Les Palestiniens sont jugés devant les tribunaux militaires israéliens et font face à des peines plus sévères que les Israéliens qui ont commis les mêmes crimes, mais sont jugés par des tribunaux civils.

Ce système juridique à deux niveaux “se différencie en fonction de l’origine ethnique et de la nationalité dans les territoires occupés”, indique le communiqué.

Entre temps, Bassem a pu rendre visite à sa fille et à sa femme à la prison HaSharon en Israël pour la première fois depuis leur arrestation, il y a trois mois.

«Je n’ai pas pu dormir pendant des jours avant la visite. Pendant des mois, j’ai constamment pensé à comment elles supportaient la situation et comment je pourrais leur parler», a déclaré Bassem, qui a également été arrêté à plusieurs reprises par les forces israéliennes d’occupation.

«C’était difficile pour moi quand je les voyais. Je ressentais une grande variété d’émotions, j’étais heureux et triste à la fois», a-t-il ajouté.

13 février 2018 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine