
Le sommet du Groupe de La Haye s’est tenu à Bogota, en Colombie, le 15 et 16 juillet 2025 - Photo : via X
Réunis à Bogotá, en Colombie, les représentants de la Bolivie, de Cuba, de l’Indonésie, de l’Irak, de la Libye, de la Malaisie, de la Namibie, du Nicaragua, d’Oman et de l’Afrique du Sud ont annoncé des sanctions contre Israël afin de mettre fin à l’acheminement d’armes facilitant le génocide et les crimes de guerre à Gaza.
Parler de la Palestine, c’est parler de la résistance au cœur de l’horreur. C’est ainsi que Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, a résumé la situation lors d’une conférence d’urgence à Bogotá, en Colombie.
Cette même Albanese qui fait actuellement l’objet de sanctions imposées par le gouvernement américain pour avoir, selon lui, tenu des propos antisémites, après avoir dénoncé à plusieurs reprises les terribles violences commises par Israël contre le peuple palestinien.
Malgré ces accusations, Francesca Albanese reste ferme dans ses dénonciations.
Elle a réitéré à plusieurs reprises que nous ne devons pas laisser ces actions nous détourner de ce qui importe vraiment : le génocide qui, depuis vingt mois, s’intensifie contre la population de Gaza, et les violations massives des droits humains qui ont lieu dans toute la Palestine, qui ont fait plus de 60 000 morts, dont la plupart sont des femmes et des enfants.
« La majorité mondiale [également connue sous le nom de Sud global] a été le moteur des actions contre le génocide israélien, l’Afrique du Sud et la Colombie jouant un rôle clé dans ce processus », a-t-elle déclaré à Mondoweiss lors d’une conférence de presse le premier jour de la Conférence d’urgence pour Gaza, convoquée par les gouvernements colombien et sud-africain.
« Ces actions ont conduit à la création d’espaces pour les sanctions et la résistance. Ce sur quoi nous insistons depuis le début, c’est que de plus en plus de pays doivent se joindre à ces efforts. »
Gustavo Petro : « Les gouvernements comme le mien ont le devoir de tenir tête à Israël ! »
Le Groupe de La Haye a coordonné cette conférence d’urgence, qui a réuni des représentants de plus de 30 États, dont la Chine, le Brésil, l’Espagne, le Mexique, la Turquie et le Qatar.
Initialement formé par la Colombie et l’Afrique du Sud, ce groupe cherche à établir des sanctions spécifiques contre Israël qui, selon le vice-ministre colombien des Affaires multilatérales, Mauricio Jaramillo Jassir, visent à passer du discours à l’action.
Les chefs d’État et leurs représentants ont souligné que ces sanctions ne constituent pas des mesures de rétorsion, mais sont pleinement conformes au droit international humanitaire.
Elles s’inscrivent dans l’engagement de la communauté internationale à mettre fin au génocide. L’un des principaux appels lancés a été celui d’inviter davantage de nations à se joindre à cette initiative et à respecter leur devoir de défendre les droits de l’homme.
Les 30 États participants ont unanimement convenu que « l’ère de l’impunité doit prendre fin et que le droit international doit être appliqué ».
Pour lancer cette initiative, 12 États à travers le monde (Bolivie, Colombie, Cuba, Indonésie, Irak, Libye, Malaisie, Namibie, Nicaragua, Oman, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Afrique du Sud) se sont engagés à mettre en œuvre six points clés :
- 1. Empêcher la fourniture ou le transfert d’armes, de munitions, de carburant militaire, d’équipements militaires connexes et de biens à double usage à Israël, afin de garantir que nos industries ne contribuent pas à fournir les outils permettant ou facilitant le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres violations du droit international.
- 2. Empêcher le transit, l’accostage et l’entretien des navires dans tout port relevant de notre juridiction territoriale, le cas échéant, tout en respectant pleinement le droit international applicable, y compris la CNUDM [Convention des Nations unies sur le droit de la mer], dans tous les cas où il existe un risque manifeste que le navire soit utilisé pour transporter des armes, des munitions, du carburant militaire, du matériel militaire connexe et des biens à double usage vers Israël, afin de garantir que nos eaux territoriales et nos ports ne servent pas de voies de passage pour des activités qui permettent ou facilitent le génocide, les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations du droit international.
- 3. Empêcher le transport d’armes, de munitions, de carburant militaire, d’équipements militaires connexes et de biens à double usage vers Israël à bord de navires battant notre pavillon, tout en respectant pleinement le droit international applicable, y compris la CNUDM, en garantissant la pleine responsabilité, y compris le retrait du pavillon, en cas de non-respect de cette interdiction, afin de ne pas apporter d’aide ou d’assistance au maintien de la situation créée par la présence illégale d’Israël dans le territoire palestinien occupé.
- 4. Entamer un examen urgent de tous les contrats publics afin d’empêcher les institutions publiques et les fonds publics, le cas échéant, de soutenir l’occupation illégale du territoire palestinien par Israël, qui pourrait renforcer sa présence illégale sur ce territoire, afin de garantir que nos ressortissants, les entreprises et entités relevant de notre juridiction, ainsi que nos autorités, n’agissent en aucune manière qui impliquerait la reconnaissance ou l’octroi d’une aide ou d’une assistance au maintien de la situation créée par la présence illégale d’Israël dans le territoire palestinien occupé.
- 5. Respecter nos obligations de garantir la responsabilité des crimes les plus graves au regard du droit international par des enquêtes et des poursuites rigoureuses, impartiales et indépendantes au niveau national ou international, conformément à notre obligation de garantir la justice pour toutes les victimes et la prévention de crimes futurs.
- 6. Soutenir les mandats de compétence universelle, dans la mesure où ils sont applicables dans nos cadres constitutionnels et judiciaires, afin de garantir la justice pour toutes les victimes et la prévention de crimes futurs dans le territoire palestinien occupé.
Jaramillo et Zane Dangor, directeur général du ministère sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, ont tous deux souligné que ces mesures ne devaient pas être considérées comme des représailles, mais plutôt comme s’inscrivant dans un effort international visant à briser le silence mondial qui a permis les atrocités commises en Palestine.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement de l’ordre renouvelé du président colombien Gustavo Petro de suspendre toutes les exportations de charbon de Colombie vers Israël : « Mon gouvernement a été trahi, et cette trahison, entre autres, a jeté le doute sur mon ordre de cesser d’exporter du charbon vers Israël. Nous sommes le cinquième exportateur mondial de charbon, ce qui signifie que notre pays contribue à tuer l’humanité. Le charbon colombien continue d’être expédié vers Israël. Nous l’avons interdit, et pourtant nous violons cette décision… Nous ne pouvons pas permettre que le charbon colombien soit transformé en bombes qui aident Israël à tuer des enfants. »
Dans son discours de clôture, Petro a réaffirmé que la Colombie romprait toutes ses relations commerciales avec Israël dans le domaine de l’armement et continuerait à soutenir le droit du peuple palestinien à résister.
La légitimité du Groupe de La Haye et de ces décisions a également été soutenue par plusieurs organisations multilatérales qui ont dénoncé le génocide.
Comme l’a déclaré Varsha Gandikota-Nellutla, secrétaire exécutive du Groupe de La Haye : « La Cour pénale internationale (CPI) a déjà clairement dénoncé le génocide. Les Nations unies ont déclaré que Gaza est l’endroit le plus affamé de la planète. Ce qui nous manque aujourd’hui, ce n’est pas la clarté, c’est le courage. Nous avons besoin de la bravoure nécessaire pour prendre les mesures qui s’imposent ».
Ces mots ont été repris par le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad Mansour, qui a souligné qu’avec le Groupe de Madrid (une coalition de plus de 20 pays européens et arabes également engagés dans des actions contre Israël et dirigée par l’Espagne), ils pourraient être la clé pour briser le siège de l’horreur imposé par Israël : « Il ne s’agira pas d’un exercice de politique théâtrale. Le moment est venu de prendre des mesures concrètes et efficaces pour mettre fin aux crimes et aux profits tirés du génocide. Nous vaincrons ces crimes contre l’humanité et offrirons aux enfants qui sont encore en vie en Palestine un avenir plein de promesses, d’indépendance et de dignité. Reconnaître la Palestine n’est pas un geste symbolique, c’est un acte concret de résistance contre l’expansion coloniale ».
Sa déclaration a été suivie par celle du médecin palestino-américain Thaer Ahmad, qui travaillait à l’hôpital Nasser de Gaza et a quitté le territoire il y a deux mois.
Dans son témoignage, il a déclaré être certain que les chiffres officiels des morts sont loin de refléter la réalité, que Gaza est actuellement un enfer sur terre et que chaque jour où le génocide se poursuit a des conséquences dévastatrices pour les enfants palestiniens : « Comment pouvons-nous nous regarder dans le miroir ? Quand cela prendra fin, si cela prend fin, que dirons-nous ? ‘Désolés, nous avons fait tout ce que nous pouvions’ ? Ils ne peuvent pas se permettre d’attendre des réponses vagues. Ils survivent chaque jour à un génocide. Alors maintenant, comment pouvons-nous garantir que les actions visant à effacer les Palestiniens de l’histoire ne réussiront pas ? »
Bien que les mesures convenues soient importantes, même les délégations présentes reconnaissent que leur volonté ne sera pas suffisante. Des mesures plus larges et plus énergiques sont nécessaires.
Pourtant, la veille, depuis la tribune du ministère colombien des Affaires étrangères, Francesca Albanese a réaffirmé l’importance historique de cet événement.
Elle a déclaré qu’il pourrait s’agir d’« un tournant historique qui mettra fin, par des mesures concrètes, à l’économie fondée sur le génocide qui a soutenu Israël. Je suis venue à cette réunion avec la conviction que le discours est en train de changer. L’espoir doit être une vertu que nous devons tous préserver ».
Auteur : María F. Fitzgerald
* María F. Fitzgerald est écrivaine, journaliste et rédactrice à Bogota, en Colombie. Elle est l'auteure du livre documentaire Los nombres que olvidamos, publié en 2023. Ses travaux ont été publiés dans The New York Times, Cambio, Los Danieles, La Liga Contra el Silencio, Cerosetenta, Mutante et Volcánicas.
17 juillet 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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