Lorde, un exemple que tous les jeunes artistes doivent suivre

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La chanteuse néo-zélandaise Lorde - Photo : capture vidéo
Hind AwwadPortée par la vague grandissante de soutien au boycott culturel d’Israël, la star de la musique néo-zélandaise Lorde, a décidé d’annuler son concert de Tel-Aviv.

Lorde a annulé l’étape israélienne de sa tournée mondiale de 2018 quelques jours seulement après l’avoir annoncée. Avec une admirable modestie et une non moins admirable ouverture d’esprit aux questions morales de notre temps, elle s’est félicitée des appels lancés par ses fans qui combattent activement l’oppression israélienne des Palestiniens par le biais du Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).

Avec la maturité politique d’une véritable « jeune citoyenne bien informée », elle a réfléchi aux raisons pour lesquelles l’écrasante majorité des Palestiniens, dont des artistes, ont appelé les personnalités culturelles internationales à ne pas aller divertir le régime d’apartheid israélien, et elle s’est appuyée sur sa conscience pour prendre la bonne décision.

A 21 ans, Lorde est sans doute la première artiste de sa génération et de son calibre (elle a remporté deux Grammy Awards) à annuler une représentation en Israël. Selon le Jerusalem Post, elle était « de loin la star la plus connue aujourd’hui à annoncer qu’elle allait se produire en Israël en 2018. »

L’annulation de Lorde a touché un point sensible du régime d’oppression israélien, le ministère des Affaires étrangères est tout de suite passé en mode “limitation des dégâts”. Dans sa panique, l’ambassadeur israélien en Nouvelle-Zélande a envoyé un tweet désespéré invitant publiquement Lorde à le rencontrer.

L’implication de l’ambassadeur est un signal clair que le gouvernement israélien considère ces événements culturels comme faisant partie intégrante de son entreprise de relations publiques pour blanchir grâce à l’art son régime d’occupation, de colonisation et d’apartheid contre les Palestiniens en utilisant la culture comme un outil de propagande pour présenter un « plus beau visage » d’Israël, comme l’a reconnu un jour un haut fonctionnaire israélien.

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L’annulation de Lorde n’est pas la seule à inquiéter les responsables israéliens confrontés au boycott culturel. Rien qu’en 2017, de nombreux concerts programmés à Tel Aviv ont été annulés à la suite d’appels lancés par des militants palestiniens, israéliens et internationaux des droits de l’homme.

En avril, la rappeuse Princesse Nokia a annulé sa représentation au festival Kalamazoo de Tel Aviv dont elle était la tête d’affiche, suite à des appels de ses fans et/ou de militants. En août, huit artistes ont annulé leur participation au festival de musique Pop-Kultur à Berlin, et notamment le spectacle-vedette des Young Fathers, pour protester contre le partenariat du festival avec l’ambassade d’Israël.

Les Young Fathers, lauréats du Prix Mercury du Royaume-Uni, ont écrit qu’ils « soutenaient le principe d’une solution pacifique qui donne aux Palestiniens le droit de retourner dans une patrie sûre et qui permette aux Israéliens et aux Palestiniens de toutes confessions (ou d’aucune) de vivre ensemble en paix ».

Parmi les autres artistes qui se sont retirés de Pop-Kultur figurent le groupe de Métal finlandais Oranssi Pazuzu, le chanteur et compositeur tunisien Emel Mathlouthi et Mazzaj, le groupe de rap syrien. Thurston Moore, qui s’est produit au festival en 2016, a tweeté son soutien au boycott du festival 2017 par les artistes et a appelé les organisateurs à mettre fin au parrainage d’Israël.

Le producteur et compositeur chilien-américain-palestinien Nicolas Jaar s’est produit dans une salle palestinienne à Haïfa, conformément aux directives du BDS.

Le duo français Acid Arab, qui s’était déjà produit à Tel-Aviv, a annoncé en novembre qu’il tiendrait compte du boycott culturel d’Israël: « Nous étions assez naïfs pour penser que notre projet musical pourrait briser les barrières… Nous refusons d’être les prête-noms d’un régime d’occupation… Nous ne ferons jamais rien qui nuira à la lutte non-violente des Palestiniens pour la liberté, la justice, l’égalité et la paix. »

Toujours en novembre, Olof Dreijer du duo suédois The Knife a annoncé qu’il avait refusé une offre de DJ à Tel Aviv: « Les Palestiniens, vivant sous occupation militaire et sous apartheid, sont privés de leurs droits fondamentaux. Je suis allé moi-même en Palestine et j’ai vu les effets de l’occupation de mes propres yeux. Tant que ça durera, je ne jouerai pas en Israël. »

L’auteur-compositeur-interprète britannique Rag’ n’Bone Man a indiqué sur Twitter que son concert programmé à Tel-Aviv avait été annulé, suite à des appels du BDS, et de nombreux fans et défenseurs des droits humains l’ont remercié de sa décision.

Le duo hip-hop américain Macklemore & Ryan Lewis a également annulé son concert programmé à Tel Aviv en raison d’un « changement de programme inattendu », comme l’ont dit ses producteurs à l’époque. Bien qu’il n’ y ait aucune preuve que cette annulation ait été liée aux droits palestiniens ou au BDS, certains commentateurs israéliens ont déclaré qu’il s’agissait d’un boycott non avoué, lié à la « controverse » considérable qui éclate inévitablement chaque fois que des stars internationales franchissent la ligne de piquets du BDS palestinien en acceptant de se produire à Tel Aviv ou dans des événements parrainés par Israël.

Radiohead et Nick Cave, eux, ont franchi la pacifique ligne de piquets palestinienne et se sont produits à Tel Aviv au début de l’année. Mais le soutien enthousiaste aux deux groupes de la part du gouvernement israélien et de ses groupes de pression à travers le monde a prouvé ce que la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) n’a cessé de répéter : « Jouer à Tel Aviv n’est jamais simplement une question de musique », c’est « prendre la décision politique et morale de se tenir aux côtés de l’oppresseur contre les opprimés ».

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La décision de Lorde n’est pas surprenante compte tenu de sa position progressiste sur les droits des femmes, la justice raciale et la xénophobie. C’est une tendance croissante des vedettes que de prendre position en matière de droits de l’homme, y compris en ce qui concerne les brutalités policières, les droits des autochtones, l’environnement, et les agressions sexuelles.

Son annulation brise le mythe qu’Israël a créé, et qu’il propage depuis des années au moyen de tactiques diffamatoires, d’intimidation politique et d’une machine de propagande bien huilée, à savoir que défendre les droits des Palestiniens détruit la carrière d’une star internationale. Lorde, Lauryn Hill, Michael Bennet, Naomi Klein, Brian Eno, Ken Loach, Mira Nair, Roger Waters, Miriam Margolyes, Mark Ruffalo, Viggo Mortensen et bien d’autres personnalités culturelles qui ont une conscience mettent bravement et résolument ce mythe au rancart.

Le Jerusalem Post a déclaré qu’avec l’annulation de Lorde, Israël a « perdu une génération ». Il a en effet perdu le soutien de toute une génération, y compris des jeunes juifs américains qui se distancient du système d’injustice et d’oppression brutale d’Israël qui écrase le peuple palestinien depuis des décennies.

Lorde, avec sa prise de position moralement exemplaire, incarne une nouvelle génération, une génération qui a des principes et qui s’engage, une génération qui ne se laisse pas intimider, et qui ne craint pas de répondre aux appels des opprimés du Myanmar, du Yémen, de Ferguson, de la Palestine et de bien d’autres endroits.

* Hind Awwad est une militante palestinienne de défense des droits de l’homme et membre du comité de pilotage du PACBI.



30 décembre 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet