Monsieur le Président, mettez un keffieh et allez prier à al-Aqsa

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Une femme lit le Coran pendant la sainte nuit de Laylat al-Qadr, face au Dôme du Rocher - Photo: MEE/Elia Ghorbiah

Par Rima Najjar

Les Palestiniens sont dans un état de fureur permanent. Et la question qui se pose quotidiennement est la suivante : Sur qui concentrer cette fureur ?

Aujourd’hui, 19 mars 2018, notre fureur est partagée, comme le résume Kamel Hawwash sur Twitter :

« # Abbas lance une attaque cinglante contre le #Hamas le tenant pour responsable de l’explosion qui a pris pour cible le convoi du Premier Ministre Hamdallah quand il s’est rendu en visite à # Gaza mais qualifie aussi l’ambassadeur états-uniens Friedman de colon qui vit dans une colonie & de ‘fils de pute’ pour avoir dit que les colonies ne sont pas illégales. »

Hier, notre fureur ciblait la communauté internationale des donateurs, qui se permet d’agir selon les règles d’Israël, et finit tout simplement par remplir les coffres d’Israël.

Shir Hever, avec d’autres (Alaa Tartir directeur de programme d’Al-Shabaka, par exemple) écrit depuis longtemps sur la dépendance économique des Palestiniens qui a découlé de la signature avec Israël du Protocole de Paris en 1994.

Il propose que les organisations d’aide humanitaire au lieu de se rendre complices de cette corruption consistant à traiter avec Israël dénoncent l’intérêt économique qu’a Israël à maintenir Gaza en permanence au bord du gouffre et l’obligent à assumer la « responsabilité économique pour les Palestiniens » telle que définie par le droit international ou exigent de distribuer elles-mêmes l’aide aux Palestiniens.

Selon ce raisonnement, l’UNRWA, qui aujourd’hui fournit une aide humanitaire à 70% des résidents de Gaza, puisque la plupart sont des réfugiés, est aussi complice du fait que l’on épargne à Israël d’assumer la responsabilité pour des millions de réfugiés palestiniens – tout comme, bien-sûr, l’ONU, son organisation mère.

Non pas que je sois opposée à l’idée d’Hever. Mais le seul moyen de forcer Israël à « assumer la responsabilité pour les Palestiniens » c’est de rompre le statu quo, qui veut qu’actuellement Israël contrôle toute la Palestine historique, et de faire de cette dernière un seul État laïque et démocratique. Netanyahou a raison quand il dit,

« L’UNRWA est une organisation qui perpétue le problème des réfugiés palestiniens et le récit du droit au retour, pour ainsi dire, afin d’éliminer l’État d’Israël. »

Le seul problème, malheureusement, c’est que l’UNRWA ne peut pas faire grand-chose pour éliminer le régime d’apartheid de l’état juif.

Les organisations d’aide humanitaire internationales devraient exercer des pressions sur leur gouvernement respectif pour démanteler le sionisme en Palestine historique – pour démanteler le régime d’apartheid de l’État juif.

Aujourd’hui, notre fureur cible aussi un « état arabe voisin » du Yémen, qui a, d’après un gros titre du journal Al-Quds, contribué à un pont aérien transférant 400 juifs yéménites en Israël en février dernier, aidant ainsi Israël à faire face à « la menace démographique » de la natalité palestinienne. [Lire “Kill Palestinian mothers giving birth to ‘little snakes,’ says Israeli lawmaker”.]

L’article de Shir Hever demande, « A qui profite … ? » C’est souvent une question à choix multiple dont la réponse est, « tous ceux mentionnés ci-dessus ».

Toutes les questions liées à la Palestine, qu’il s’agisse de territoire, de souveraineté, d’accords économiques ou relations politiques avec d’autres nations ont toujours été réglées et continuent de l’être sur la base des intérêts matériels ou des avantages d’autres nations ou peuples (à commencer par les Britanniques et les colonisateurs juifs) pour protéger leur propre influence extérieure et leur domination.

A qui profite la Nakba palestinienne ? La réponse est : les colons juifs, les immigrants juifs, le mouvement sioniste.

Mais, pour une raison ou pour une autre, cette réponse n’a jamais été « suffisante » en soi.

Aujourd’hui, ceux qui sont impliqués dans l’État juif vont des évangéliques à l’industrie de l’armement, à l’industrie de la technologie, à l’industrie humanitaire, aux nationalistes blancs et aux intérêts impérialistes et néocoloniaux en général.

Ces éléments multiples sont souvent utilisés pour obscurcir le péché originel commis en Palestine historique :

sa partition violente et forcée et la formation de l’état juif contre la volonté de la population arabe palestinienne, l’écrasante majorité à l’époque, à un énorme, énorme coût humain pour eux. Le 15 mai 2018 marquera la 70ième année de cet outrage.

Qui est désavantagé ? Il n’y a pas ici de question à choix multiple. Il n’y a toujours, toujours qu’une seule réponse, dans une longue dissertation dont la première phrase énonce le postulat suivant : Nous ne sommes pas un peuple inventé ; nous existons ; nous sommes humains ; entendez notre appel.

Nous exigeons restitution, justice et égalité dans notre propre patrie. Nous ne voulons plus voir Trump porter à nouveau sa kippa et l’entendre reconnaître Jérusalem arabe comme appartenant aux juifs du monde entier.

Et voici un dernier outrage du jour pour les Palestiniens :

« Le député Uri Ariel, du parti de droite Habayit Hayehudi, a appelé à accroître les constructions de colonies lors des obsèques de Adiel Coleman [colon juif israélien illégal en Cisjordanie qui militait dans le mouvement de droite du Temple dont le but est de détruire al-Aqsa] déclarant “il n’y aura qu’un seul État souverain, l’État d’Israël, notre terre, celle que nous avons reçue de Dieu.” »

Il est temps que les présidents américains se mettent à se faire photographier en train de prier à la mosquée al-Aqsa et qu’ils cessent ces démonstrations éhontées de solidarité avec l’État juif d’apartheid. Pour l’amour du ciel, al-Aqsa se trouve juste à côté du Mur des lamentations qu’ils semblent tant aimer.

Ou bien attendent-ils qu’elle soit détruite par le Mouvement du Temple pour s’y rendre kippa sur la tête ?

23 Mars 2018- The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – MJB