Récits palestiniens de lutte et de résistance dans les prisons israéliennes.

Ouvrage original :

« These chains will be broken » sous la direction de Ramzy Baroud, paru aux éditions Clarity Press en 2020

Version française :

« Ces chaînes seront brisées »
Aux éditions Scribest, Série Ecrits et Cris de Palestine, Juin 2025
Responsable d’édition : Armand Caspar

Préface : Samah Jabr
Postface : Richard Falk
Illustrations : Dalia Alkayyali
Traduction : Claude Zurbach, responsable d’édition du site « Chronique de Palestine »

ISBN: 979-10-92758-28-3
PVP 18,50 euros





Extrait de la préface de Samah Jabr :

« Écrire sur les prisonniers politiques palestiniens n’est pas simplement évoquer le calvaire de personnes derrière des barreaux, c’est écrire l’histoire de la Palestine elle-même. C’est suivre les battements de cœur d’un peuple qui, même enchaîné, résiste à la machine d’une occupation impitoyable et violente. C’est écouter les voix qui s’élèvent des geôles et cellules d’isolement, des salles d’audience où la justice est bafouée, et d’une patrie déchirée par des murs, des miradors et la cruelle logique de la violence coloniale. »

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Ces récits issus de l’univers carcéral israélien, recueillis et rassemblés dans un ouvrage par Ramzy BAROUD, nous font approcher le coeur même du système de domination sur la Palestine : en plus de voler la terre, d’expulser, de martyriser par tous les biais imaginables… l’occupant s’acharne à priver les Palestiniens de tout sentiment de liberté en incarcérant, menaçant d’incarcérer, menaçant de ré-incarcérer… allant jusqu’à confisquer les dépouilles des martyrs pour priver de deuil leurs familles.

Si l’on s’interroge sur comment est-il possible de résister à une telle machinerie, de ne pas être broyé, ces récits apportent une part de réponse. Mais ils nous font aussi approcher la réalité individuelle, personnelle, intime de ce monde fait d’arbitraire et d’enfermement. Chaque prisonnier souffre, chaque famille de prisonnier souffre… parents, enfants, frères, sœurs… Qu’éprouve-t-on après avoir passé l’essentiel de son existence en prison, depuis son adolescence jusqu’à l’approche de la vieillesse, pour avoir usé d’un droit de résistance pourtant reconnu par le droit international, comme le rappelle en postface Richard FALK ? Comment ne pas céder à une profonde nostalgie à l’évocation de rares moment de bonheur au sein de sa famille réunie, avant que la violence de l’occupant ne disperse celle-ci à jamais ?

C’est dans toutes ces évocations que ces récits sont intimes, et nous font éprouver une douloureuse proximité avec ces hommes et ces femmes, avec leurs sentiments, leurs convictions, leur poignante et magnifique volonté de vivre.

Claude Zurbach
28 juillet 2025

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Ces chaînes seront brisées est un recueil qui regroupe une vingtaine de récits écrits par des prisonniers palestiniens arrêtés, sous des prétextes divers, dans le cadre de la brutale colonisation israélienne de la Palestine, dont la violence a atteint son apogée dans le génocide que cet Etat sans foi ni loi commet à Gaza.

Dès que j’ai commencé à lire les récits des prisonniers palestiniens, me sont revenus en mémoire tous les livres de rescapés de la Shoah que j’avais lus, et aussi des livres sur la création d’Israël, sur les Kibboutz, sur l’antisémitisme, etc. J’ai cru à la mythologie façonnée par la Hasbara et relayée par les médias occidentaux jusqu’à ce que je me rendre en Israël/Palestine et que je découvre la vérité, beaucoup moins glorieuse. Maintenant plus rien ne m’étonne de la part d’Israël, pas plus que ne m’étonnent le génocide des Amérindiens, les horreurs commises par les Français en Algérie, ni rien de ce que font ou ne font pas les dirigeants occidentaux.

Mais je n’ai pas perdu espoir. J’espère encore que la lutte courageuse du peuple palestinien pour sa terre, sa vie et sa liberté finira par payer. J’espère encore que les Palestiniens vont échapper à leurs tortionnaires. J’espère encore que le rapport de force s’inversera assez tôt pour que les Israéliens cessent de se comporter comme des colons assoiffés de terre et de sang et se comportent comme des hommes, avant qu’il ne reste plus un seul Palestinien en Palestine.

Si Israël parvenait à ses fins, nous en serions tous responsables, car les humains doivent s’entr’aider en se posant des limites les uns aux autres, comme l’explique très bien Saint Paul : « Ceux qui pèchent, reprends-les devant tous, afin que les autres aussi éprouvent de la crainte » Timothée 5:20.

Par rapport au génocide qui dévaste Gaza et bientôt, si ce n’est déjà, les territoires occupés, le sort des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes peut paraître enviable, mais c’est mal connaître la créativité dans le sadisme des geôliers israéliens qui s’ingénient à transformer chaque instant de la vie des Palestiniens, (hommes, femmes et enfant) en torture.

Dans l’avant-propos, Khalida Jarrar note à juste titre que « pour les Palestiniens la prison est un microcosme de la lutte beaucoup plus large d’un peuple qui refuse d’être asservi sur sa propre terre ».
Et Ramzy Baroud, qui a collecté les textes, ajoute dans la préface que « la ‘muqawama’ (résistance) est le dénominateur commun de tous les prisonniers, en fait de tous les Palestiniens. La prison dont il est question dans ce livre est une métaphore de l’expérience carcérale collective des Palestiniens ».

Une descente aux enfers

C’est un livre qu’on ne peut pas lire d’une traite. On a besoin de s’arrêter pour respirer, penser à quelque chose de beau, regarder la nature, sinon on étouffe. Ce que décrivent les prisonniers dans leurs très courts récits ont parfois l’air de petites choses, considérant l’enfer dans lequel ils sont plongés, et pourtant c’est insoutenable. Mais même si c’est insoutenable, nous n’avons pas le droit de nous détourner. Nous avons le devoir d’affronter la réalité, en regardant les vidéos, en écoutant et en lisant les Palestiniens, car c’est le seul moyen de la changer. En effet, c’est seulement l’horreur et l’indignation que nous inspire l’abject, l’inhumain, le criminel traitement qu’ils subissent sous la botte israélienne qui nous donnera la force de nous battre pour qu’ils soient délivrés de leurs bourreaux et que justice leur soit rendue.

A chaque page on est confondu par la grandeur, la largeur et la profondeur de la méchanceté humaine et, en miroir, la grandeur, la largeur et la profondeur de la souffrance qu’elle engendre. Chaque récit nous emmène plus loin au cœur de l’enfer du sadisme et de la cruauté. Qu’est-il arrivé à ces geôlières pour qu’elles soient capables d’écraser à coups de bottes, en ricanant, une portée de chatons et leur mère pour punir Wafa al Bis (arrêtée à 21 ans) d’avoir réussi à les cacher et à les nourrir quelque temps pendant les deux ans qu’elle a passés à l’isolement ? Et que dire des geôliers de Kifah Sobhi’ Afifi (arrêtée à 17 ans) qui profitent de ses règles pour multiplier les tortures et les vexations ?

Ces récits m’ont fendu le cœur. Mohamad Mohamad Abou Hasira (condamné à 337 ans de prison) m’a tiré les larmes en évoquant sa fille Islam qu’il n’a jamais vue car elle était à peine née lors de son arrestation mais dont la seule pensée l’a aidé à tenir.

Aux tortures physiques et psychiques (pressions, menaces et chantages de toutes sortes), s’ajoutent le manque de soins et de médicaments, la saleté, les parasites, la nourriture insuffisante et avariée, la liste est sans fin, tant l’imagination des tortionnaires est fertile. Les vingt récits de ces vingt prisonniers et prisonnières en donnent des aperçus, plus émouvants et révoltants les uns que les autres. Je vous laisse les découvrir.

Et je vais juste conclure ma propre descente aux enfers avec Iman’ Nafi (arrêtée à 17 ans) : « J’ai été détenue au centre d’Al Maskobieh à Jérusalem où j’ai subi un interrogatoire très sévère car j’étais accusée d’avoir planifié un attentat contre l’occupant dans la rue Yafa à Jérusalem. Je suis restée solide malgré les pressions jusqu’à ce que j’entende la voix de ma mère provenant d’une salle d’interrogatoire adjacente. J’ai essayé de me frayer un chemin à travers les soldats en criant : ‘Ma mère n’a rien à voir avec ça !’ »

Ils nous ont gardées toutes les deux dans une cellule infestée de rats et de cafards. Ma mère était très malade. Sa tension artérielle élevée nécessitait des soins constants auxquels elle n’a pas eu droit pendant toute la durée de son emprisonnement. Elle avait du mal à respirer et elle a fini par s’effondrer. J’ai commencé à crier comme une folle. Rien que de voir ma pauvre mère gisant sur le sol, inconsciente, m’a fait perdre la tête ».

Montreuil, le 29 juillet 2025

Dominique Muselet
Collaboratrice et contributrice du site Chronique de Palestine