Ce n’est pas à la communauté internationale de formuler le récit palestinien

Photo: Abdallah Aljamal/Palestine Chronicle
Palestiniens participant à la Grande Marche du Retour - Photo: Abdallah Aljamal/Palestine Chronicle

Par Ramona Wadi

Il y a malheureusement beaucoup de vrai dans l’appréciation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de la diplomatie internationale. Sans avoir à faire de concessions sur l’expansion des colonies ou Jérusalem, Israël connaît un “épanouissement diplomatique”.

Cela invalide toute l’hyperbole sur l’isolement d’Israël, alléguée précédemment par des responsables israéliens et des prétendus partisans palestiniens. C’est aussi la preuve d’un effort collectif visant à exploiter la cause palestinienne et à marginaliser sa pertinence dans le domaine de la rhétorique des droits de l’homme.

La paix, selon Netanyahu, sera obtenue grâce à “la valeur d’Israël en tant que pépinière technologique, financière, de la défense et du renseignement”. Aucun de ces attributs n’est constitutif de la paix ; ils nous rappellent plutôt comment le pouvoir est capable de corrompre la terminologie pour créer des significations différentes. L’illusion d’une communauté internationale prétendument préoccupée par les droits de l’homme est une tentative délibérée de détourner l’attention de divers pays activement engagés dans la violation des droits de l’homme.

Des pays et des régions, tous récemment dans le monde arabe, parlent de normalisation des relations avec Israël. Très ouvertement, la normalisation est sortie du cadre des études universitaires. Ce n’est plus un concept théorique ; Israël l’applique minutieusement et d’autres pays suivent son exemple.

D’autre part, les Palestiniens se sont vu refuser la liberté d’énoncer leur histoire, leur mémoire et leurs revendications, à moins qu’elles ne s’inscrivent dans des paramètres prédéfinis qui n’entrent pas en conflit avec le cadre colonial et les intérêts internationaux, confinant la Palestine à un objet d’étude. La Palestine en tant que théorie, en tant qu’intérêt universitaire et en tant que préoccupation humanitaire, voilà des thèmes considérés comme valables, concordant avec les intérêts internationaux. La Palestine en tant que Palestine historique, qui est le fondement du récit palestinien, franchit une ligne rouge en révélant la connivence internationale avec la colonisation sioniste avant la tendance contemporaine à la normalisation d’Israël et à sa transformation d’une entité coloniale à un “État-nation juif”.

Il est clair que la sauvegarde des intérêts individuels et régionaux est l’un des principaux moteurs de la normalisation des relations avec Israël. Maintenant que le vernis est apparent, pourquoi ces mêmes pays qui font la promotion de la normalisation se voient octroyer une tribune pour parler des droits des Palestiniens alors que les Palestiniens eux-mêmes voient leur histoire anti-coloniale marginalisée, rejetée et oblitérée ? La communauté internationale n’a aucun droit de définir les récits palestiniens.

Ce penchant manifeste pour Israël entraînera des troubles supplémentaires pour le peuple palestinien, car l’Autorité palestinienne, en particulier, a consenti à ce que sa terre devienne une question internationale. Les courbettes constantes et futiles devant la communauté internationale, la régurgitation d’initiatives de paix antérieures et la vision bornée du compromis à deux États ont toutes contribué à l’impunité d’Israël.

Les différences des trajectoires empruntées par le pouvoir colonial et l’Autorité palestinienne sont évidentes. Israël a maintenu son pouvoir en se présentant comme un État, ce que la communauté internationale a accepté. En revanche, l’AP n’est rien d’autre que l’aboutissement de décennies de soumission forcée se faisant passer aujourd’hui pour une direction reconnue internationalement ; elle trahit sa propre absence d’autonomie politique en insistant sur le compromis obsolète des deux États.

Israël continue de violer le droit international à de nombreux égards, tandis que les Palestiniens cherchent à exercer leur droit à toutes les formes de résistance contre l’occupation colonialiste, comme le prévoit le droit international. La communauté internationale a normalisé le premier et criminalisé les seconds tout en attendant des Palestiniens qu’ils s’adaptent à ses préoccupations humanitaires et à la rhétorique des deux États.

S’il y a quelque chose à tirer de la fanfaronnade de M. Nétanyahu, c’est le fait que pèsent sur les Palestiniens tant d’idées fabriquées, imposées et non pertinentes, que le périmètre d’isolement en matière de diplomatie, attribué autrefois sans honte à Israël, est loin de décrire la mise à l’écart qui frappe la véritable cause palestinienne.

30 novembre 2018 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB