Le cas du prisonnier Ahmad Manasra illustre le sadisme du système carcéral israélien

Ahmad Manasra, alors aĝé de 13 ans au moment de son emprisonnement - Photo : via réseaux sociaux

Par PGMHN

.Le mouvement mondial pour la libération immédiate d’Ahmad Manasra de sa prison israélienne, prend de l’ampleur grâce à une campagne internationale lancée par le Palestine-Global Mental Health Network [PGMHN]

L’appel mondial en faveur de la libération immédiate d’Ahmad Manasra, un jeune Palestinien de 20 ans, de la prison israélienne, a pris de l’ampleur grâce à une campagne internationale lancée par le réseau Palestine-Global Mental Health Network (PGMHN), en collaboration avec ses réseaux de solidarité internationale pour la santé mentale en Palestine — britannique, états-unien, français, irlandais et sud-africain.

La pétition publique en ligne demandant sa libération a recueilli plus de 410 000 signatures [au 30 juin 2022].

Emprisonnement d’un enfant

Ahmad Manasra, âgé de 13 ans, a été impliqué dans un épisode de violence significatif. Des vidéos prises sur place montrent l’enfant blessé, allongé sur le sol avec une blessure à la tête qui saigne, et documentent les mauvais traitements infligés ensuite par les autorités israéliennes.

Après une opération du cerveau pour un hématome sous-dural subi à cette occasion, Ahmad a été interrogé, menotté alors qu’il était allongé sur son lit d’hôpital.

Le procès aurait été reporté jusqu’à ce qu’Ahmad ait 14 ans pour permettre aux autorités de juger cet enfant en lui imposant la peine maximale.

Ahmad a finalement été condamné à 12 ans d’emprisonnement, peine qui a ensuite été réduite à 9 ans. De longues périodes d’isolement en solitaire ont suivi – à l’heure actuelle, Ahmad est en isolement depuis sept mois.

Ahmad souffre d’importants troubles mentaux depuis deux ans. Malgré plusieurs visites de psychiatres de prisons israéliennes et plusieurs séjours dans des hôpitaux pénitentiaires dont un aussi récent que le 15 juin 2022, l’état psychologique d’Ahmad continue de se détériorer.

Le rapport de l’équipe de défense juridique d’Ahmad du 17 juin de cette année indique que son état psychologique était si grave qu’il était incapable de communiquer avec eux.

Amnesty International a publié la semaine dernière un réquisitoire accablant sur le sort d’Ahmad.

Une protestation croissante

Le cas d’Ahmad Manasra a été porté à l’attention du PGMHN et des réseaux internationaux qui le soutiennent il y a quelques mois par la juriste et militante palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian, qui mène de longue date des campagnes contre les abus israéliens à l’égard d’enfants et de jeunes.

Les Réseaux ont alors lancé la pétition demandant la libération immédiate d’Ahmad et le retour dans sa famille.

Le 13 avril 2022, lors d’une nouvelle comparution d’Ahmad devant le tribunal, celui-ci a rendu un jugement favorable : le cas d’Ahmad, qui avait déjà purgé les deux tiers de sa peine pouvait être reconsidéré, ouvrant ainsi la voie à une éventuelle décision juridique pour procéder à sa libération.

Nous pensons que les échos de la protestation internationale déjà en plein essor a pu avoir un impact constructif sur la décision de la cour en avril.

Le Dr Kevorkian, en collaboration avec ses collègues en Palestine, l’équipe d’avocats qui défend Ahmad, et les parents du garçon, a alors proposé qu’une lettre rédigée par des experts médicaux demandant sa libération immédiate pourrait de manière persuasive alerter le tribunal de l’indignation mondiale grandissante et accroître cette indignation. La lettre fut écrite.

La lettre médicale

Le 15 juin 2022, le PGMHN a organisé un webinaire en ligne « Abolir l’incarcération des enfants palestiniens : Appel à la libération immédiate d’Ahmad Manasra » afin de lancer cette lettre médicale, signée par trois psychiatres des Réseaux spécialisés dans les traumatismes, le développement de l’enfant, les lésions cérébrales et les conséquences de l’isolement en solitaire.

Cette lettre devait être présentée par l’équipe juridique qui défend Ahmad lors de la prochaine audience en Israël prévue pour le 19 juin.

Pendant le webinaire, les parents d’Ahmad ont parlé directement et avec éloquence de l’état émotionnel désespéré de leur fils et de leurs craintes pour sa vie.

Parmi les participants au débat présidé par le Dr Heba Zaphiriou-Zarifi, psychanalyste au Royaume-Uni, figuraient trois signataires de la lettre médicale (Samah Jabr, médecin en Palestine, Brooke Maddux, médecin en France, et Elizabeth Berger, médecin à New York) ainsi que le Dr Gwyn Daniel au Royaume-Uni et le Dr Nadera Shalhoub-Kevorkian en Palestine).

La lettre médicale soutient qu’Ahmad Manasra n’a pas reçu les soins médicaux et psychiatriques nécessaires au cours de sa longue détention et que divers médicaments psychiatriques ont été utilisés sans la réévaluation régulière qui s’impose; que les visites des médecins ont eu lieu sans qu’Ahmad puisse communiquer dans sa langue maternelle, l’arabe, et sans prise en compte de son contexte culturel.

Les psychiatres des Réseaux ont également noté que le dossier médical de la prison qui comptait 215 pages, s’il fait état du trauma crânien initial, n’évoque nulle part le rôle que pouvait jouer une telle lésion cérébrale comme facteur étiologique dans les troubles mentaux d’Ahmad.

De plus, l’isolement en solitaire est bien connu pour induire de profondes perturbations psychologiques, nonobstant sa justification par le système pénitentiaire israélien comme prétendue mesure de protection du détenu lui-même.

La lettre médicale souligne par ailleurs la dramatique perte de soutien familial, communautaire et éducatif que l’emprisonnement a infligé à ce jeune prisonnier depuis l’âge de 13 ans, ainsi que les graves traumatismes physiques et psychologiques qu’il a endurés pendant toute cette période.

La lettre cite les conclusions d’une psychiatre israélienne qui avait évalué Ahmad en octobre 2021, déclarant avec vigueur dans son rapport qu’Ahmad doit être libéré et rendu immédiatement à sa famille afin d’éviter de nouveaux dommages psychologiques et de favoriser son rétablissement.

Entre-temps, les demandes répétées de médecins palestiniens et israéliens indépendants d’examiner Ahmad et d’évaluer son statut immédiat furent rejetées.

Son équipe juridique désormais munie de la lettre médicale, Ahmad est retourné au tribunal le 19 juin 2022, mais aucune décision finale n’a été prise. Le 22 juin, le tribunal israélien s’est prononcé défavorablement sur le cas d’Ahmad Manasra, le jugeant coupable de « terrorisme » et bloquant ainsi la possibilité de sa libération anticipée de prison.

Ahmad retourne dans les conditions infernales de l’isolement solitaire dans la prison israélienne, bien que son équipe de défense juridique prévoit de faire appel de cette dernière décision.

Le contexte de la terreur d’État

Malheureusement, Ahmad Manasra n’est pas seul à vivre ce qu’il vit. Il n’est que l’un des centaines de jeunes détenus par les autorités israéliennes chaque année – un processus au cours duquel des enfants et des adolescents sont tourmentés physiquement et psychologiquement dans des conditions inhumaines, sans représentation légale, et parfois détenus indéfiniment.

Ces enfants sont régulièrement maltraités – souvent sexuellement – et systématiquement privés des droits que leur reconnaît le droit international. De nombreuses organisations humanitaires ont attiré l’attention sur les atrocités que représente la détention d’enfants par Israël, notamment le rapport 2020 de Save the Children, méticuleusement argumenté et documenté.

Les enfants sont souvent enlevés de leur lit lors d’incursions nocturnes en réponse aux soupçons israéliens qu’un membre de la famille serait activiste, comme mode de représailles communautaires et d’intimidation.

Mais la cible fondamentale de la violence politique et militaire israélienne est l’enfance elle-même.

La limitation imposée des mouvements humains, la démolition des maisons, l’assassinat des leaders et des porte-paroles de la communauté, l’appauvrissement économique, le bombardement des écoles, des hôpitaux et des universités, ainsi que les humiliations, les menaces et les nuisances quotidiennes subies par tous les Palestiniens sous une forme ou une autre – toutes ces atrocités « ordinaires » ont pour but d’affaiblir la cohésion familiale et de diminuer la possibilité de la prochaine génération palestinienne à exprimer le potentiel humain dont elle a hérité.

Les mauvais traitements infligés aux enfants détenus ne sont qu’une partie d’une politique israélienne systématique plus large, visant à détruire la résistance palestinienne et à effacer la société, l’histoire, l’identité et les systèmes de signification palestiniens.

Nous vous demandons de signer la pétition afin de marquer votre résistance à cette atteinte à la dignité humaine.

Cet article a été rédigé en collaboration avec le UK Palestine Mental Health Network, le USA Palestine Mental Health Network et le France Palestine Mental Health Network.

25 juin 2022 – Mondoweiss – Traduction : Agence Media Palestine – Brooke Maddux