
12 mai 2025 - Des organisations caritatives distribuent des repas chauds aux Palestiniens dans le quartier d'Al-Mawasi à Khan Yunis, dans la bande de Gaza - Photo : Abed Rahim Khatib / Anadolu
Par Gustavo Petro
Sans une action décisive, nous risquons de priver l’ordre juridique mondial des protections qui restent aux nations les moins privilégiées.
Au cours des 600 derniers jours, le monde a vu Benjamin Netanyahu mener une campagne de destruction à Gaza, l’escalade du conflit régional et le mépris total du droit international.
Les gouvernements tels que le mien ne peuvent se permettre de rester passifs.
En septembre 2024, lorsque nous avons voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur les politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, nous avons pris des engagements concrets : enquêtes, poursuites, sanctions, gel des avoirs et cessation des importations et des armes.
Cette résolution fixait à Israël un délai de 12 mois pour « mettre fin sans délai à sa présence illégale ». Cent vingt-quatre États ont voté en faveur, dont la Colombie. Le compte à rebours a commencé.
Dans l’intervalle, cependant, trop d’États ont laissé leurs calculs stratégiques l’emporter sur leur devoir.
Si nous risquons des représailles lorsque nous défendons le droit international – comme l’a découvert l’Afrique du Sud lorsque les États-Unis ont riposté à sa plainte devant la Cour internationale de justice –, les conséquences d’un abandon de nos responsabilités seront désastreuses.
Si nous n’agissons pas maintenant, non seulement nous trahirons le peuple palestinien, mais nous nous rendrons complices des atrocités commises par le gouvernement Netanyahu.
Certains gouvernements ont déjà pris des mesures. Mon gouvernement a par exemple suspendu ses exportations de charbon vers Israël, reconnaissant que les relations économiques ne peuvent être dissociées des responsabilités morales.
L’Afrique du Sud, quant à elle, a traduit Israël devant la plus haute juridiction internationale. Et la Malaisie a interdit à tous les cargos battant pavillon israélien d’accoster dans ses ports.
Sans une action aussi décisive, nous risquons de transformer le système multilatéral en un simple forum de discussion, privant l’ordre juridique des dernières protections dont bénéficient les petites nations en développement et moins privilégiées, de l’Asie occidentale jusqu’ici, en Amérique latine.
Le prochain test pour la communauté internationale approche à grands pas.
Le 15 juillet, mon gouvernement, aux côtés de l’Afrique du Sud, coprésidente du Groupe de La Haye, convoquera une conférence d’urgence sur Gaza, appelant les ministres des États du monde entier à délibérer sur une défense multilatérale du droit international.
Notre objectif est simple : mettre en place des mesures juridiques, diplomatiques et économiques concrètes susceptibles de mettre un terme à la destruction menée par Israël et de faire respecter le principe fondamental selon lequel aucun État n’est au-dessus des lois.
L’invitation est ouverte et urgente. Le report sine die de la Conférence internationale pour le règlement pacifique de la question palestinienne proposée par l’ONU, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, a laissé un vide critique dans le leadership multilatéral, précisément au moment où celui-ci est le plus nécessaire.
L’ONU a déclaré Gaza « l’endroit le plus affamé de la planète » et sa mission d’acheminer l’aide à Gaza « l’une des plus entravées […] de l’histoire récente ».
Dans ce contexte humanitaire désastreux, la conférence d’urgence de Bogotá appelle les États à passer de la condamnation à l’action collective. En rompant nos liens de complicité – dans les tribunaux, les ports et les usines de nos États – nous pouvons contester la vision de Donald Trump et de Netanyahu d’un monde où « la loi du plus fort prévaut ».
Le choix qui s’offre à nous est clair et sans appel. Soit nous restons fermes dans la défense des principes juridiques qui visent à prévenir la guerre et les conflits, soit nous assistons impuissants à l’effondrement du système international sous le poids d’une politique de puissance incontrôlée.
Soyons ensemble des protagonistes, et non des suppliants.
Pour les milliards de personnes dans les pays du Sud qui dépendent du droit international pour leur protection, les enjeux ne pourraient être plus élevés. Le peuple palestinien mérite justice. Le moment exige du courage.
L’histoire nous jugera sévèrement si nous ne répondons pas à son appel.
Auteur : Gustavo Petro
* Gustavo Petro est le Président de la Colombie. Le site officiel.
8 juillet 2025 – The Guardian – Traduction : Chronique de Palestine
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