Des startups palestiniennes au service du développement de la communauté

Photo : Facebook/BuildPalestine
Besan Abu-Joudeh (2e en partant de la droite) en compagnie d’autres membres de l’équipe de BuildPalestine, à Ramallah (Cisjordanie), le 8 novembre 2016 - Photo: Facebook/BuildPalestine

Par Asmaa al-Ghoul

Il n’est pas facile pour les jeunes entrepreneurs palestiniens d’associer développement et technologie moderne dans leurs projets face aux défis sociétaux. C’est pourtant ce qu’a réussi un groupe de femmes palestiniennes ambitieuses et fortes.

Dans la foulée d’une conférence sur l’entrepreneuriat organisée en Jordanie, trois entrepreneuses palestiniennes ont lancé des startups qui visent à éduquer et à responsabiliser les jeunes Palestiniens.

Lamis Qdemat, Besan Abu-Joudeh et Dalia Akila ont raconté à Al-Monitor comment elles ont transformé leurs rêves en idées et les ont ensuite concrétisés sous la forme de projets sur le terrain.

Les trois jeunes Palestiniennes ont participé en novembre dernier à AMWAJ, (« ailes » en arabe), un forum international sur la durabilité et l’esprit d’entreprise axé sur le Moyen-Orient, organisé par PepsiCo à Amman, la capitale jordanienne.

Mustafa Shams Eddin, vice-président régional des ventes et du développement commercial de PepsiCo, a déclaré dans un communiqué de presse du 29 novembre : « Il est nécessaire d’aider les entrepreneurs sociaux à attirer des investissements. Les jeunes ont l’esprit d’initiative face aux défis, à une éducation de mauvaise qualité, au manque de compétences, au chômage, aux pénuries d’eau et au manque d’égalité des chances entre les sexes. »

Quatre jeunes Palestiniens sur dix étaient au chômage au premier trimestre 2016, selon un rapport du Bureau central palestinien des statistiques daté d’août 2016. Le taux de chômage chez les diplômés des universités dans cette même période était de 51 %.

Qdemat, âgée de 24 ans et originaire d’Hébron, a refusé d’en faire partie. Après avoir terminé un master en études de l’environnement et de l’eau, elle a commencé à transformer ses idées en projets innovants. Elle a représenté la Palestine en tant que déléguée au 5e Parlement Asie-Pacifique de la jeunesse pour l’eau.

Qdemat estime qu’il est important d’associer la sensibilisation à la consommation d’eau et la technologie ; il y a six mois, elle a ainsi créé Water Heroes, un jeu éducatif pour ordinateur destiné aux enfants de 6 à 12 ans.

« C’est un jeu amusant », a-t-elle indiqué à Al-Monitor. « Les élèves se voient poser des questions sur des sujets liés à l’eau et gagnent des points pour chaque bonne réponse. C’est un jeu éducatif interactif qui familiarise les élèves avec les questions liées à l’eau. »

Qdemat a reçu une formation avec Cewas Middle East, un organisme suisse à but non lucratif spécialisé dans l’amélioration des pratiques commerciales en matière d’eau et d’assainissement. « Cela m’a aidée à concevoir mon projet, comme j’ai pu bénéficier des services de consultation proposés », a-t-elle expliqué.

Un développeur web l’a aidée à concevoir et à commercialiser le jeu ; toutefois, pour que le projet de Qdemat aboutisse, celui-ci a besoin de financements. Elle pense que son projet peut offrir de nombreuses possibilités d’emploi à des jeunes Palestiniens dans le domaine de la conception, de la programmation et de l’enseignement.

Abu-Joudeh, une Palestino-américaine de 27 ans, a également réalisé son rêve. Ayant étudié l’économie aux États-Unis, où elle est née, elle a toujours rêvé que ses études puissent l’aider à susciter un changement dans sa patrie, la Palestine. « J’ai toujours aspiré à voir évoluer la Palestine », a-t-elle affirmé.

Abu-Joudeh est retournée vivre en Cisjordanie après avoir obtenu son diplôme en 2015. En avril 2016, elle a quitté son poste au sein d’une organisation internationale et a organisé une réunion avec des cofondateurs et des financeurs potentiels en juin. Elle a créé BuildPalestine, une plate-forme de crowdfunding pour des projets d’impact social.

« Pendant longtemps, j’ai réfléchi à la manière de réunir des millions de personnes intéressées à l’idée de soutenir la cause palestinienne pour agir en tant que partenaires et contribuer depuis l’étranger et de manière transparente au développement de la Palestine », a-t-elle indiqué.

« La plate-forme est principalement un moyen de communiquer avec les défenseurs de la cause palestinienne et les donateurs internationaux, a-t-elle précisé. C’est une plate-forme qui permet de recevoir et de partager des idées et des suggestions pour soutenir la cause palestinienne. Dans ce but, une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux en novembre 2016 dans le but de rechercher des donateurs et des approches novatrices pour résoudre le problème rencontré par la communauté palestinienne. Chaque projet ou question communautaire figurant sur BuildPalestine recevrait des dons pouvant atteindre 5 000 dollars en provenance des donateurs. »

Bien que BuildPalestine, dont les bureaux se situent à Ramallah, ait été créée il y a seulement trois mois, la plate-forme a pu entrer en contact avec des partisans du monde entier. BuildPalestine a contribué à créer un réseau d’universités et d’organisations communautaires locales et a organisé des formations et des ateliers de sensibilisation avec l’aide d’une équipe de huit jeunes hommes et femmes.

Abu-Joudeh s’est récemment rendue à Gaza, où elle a observé que le chômage pousse les jeunes à trouver des idées créatives pour surmonter leurs mauvaises conditions de vie.

« La détérioration du niveau de vie pousse les gens à chercher des façons de se développer, plus que dans tout autre endroit où j’ai pu me rendre au cours de notre campagne, qui comprenait la Cisjordanie, la diaspora, Jérusalem et les territoires de 1948 », a-t-elle indiqué.

BuildPalestine a été l’une des 10 startups finalistes du concours PepsiCo Social Impact lancé par AMWAJ.

Akila, 24 ans, fait partie des cinq jeunes cofondateurs d’une autre startup, Mindscape, basée en Jordanie, qui vise à aider les jeunes Palestiniens à exploiter pleinement leur potentiel et à réaliser leurs rêves.

« Notre projet se concentre sur les étudiants et vise à les aider à choisir leur matière principale universitaire en fonction de leur capacités et non pas en fonction de leur moyenne scolaire, des désirs de leurs parents ou des préférences d’une classe sociale spécifique, comme des spécialisations en médecine ou en ingénierie », a affirmé Akila à Al-Monitor.

Selon Akila, les jeunes talentueux manquent de confiance en leur potentiel et renoncent à leur rêve d’occuper une profession ou un métier spécifique, comme la peinture, la menuiserie, la cuisine ou le football, car ces professions sont souvent perçues comme inférieures par la société.

Mindscape cherche à résoudre cette crise en sensibilisant les étudiants et les jeunes à l’importance de ces professions. La startup prévoit de proposer des programmes de motivation et de formation pour chaque profession, permettant aux étudiants de découvrir leurs capacités et leur potentiel.

« Nous n’avons pas participé officiellement au forum AMWAJ, mais nous y avons assisté pour profiter des expériences des autres, a déclaré Akila. Nous avons examiné des modèles qui nous ont aidés à développer notre projet. Nous n’avons pas encore mis en œuvre notre projet, mais nous prévoyons de constituer une startup appelée Mindscape pour commencer à mettre nos idées à exécution. »

Qdemat, Abu-Joudeh et Akila ont fait face à des défis majeurs dans la réalisation de leurs objectifs, mais n’ont pas lâché leur rêve. Ces histoires pourraient réveiller l’espoir de voir les jeunes Palestiniens trouver des solutions créatives aux divers problèmes rencontrés par la communauté.

2 janvier 2017 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Valentin B.