Université de Bir Zeit : victoire électorale écrasante des étudiants affiliés au Hamas

Université de Bir Zeit - Rassemblement des supporters du bloc islamique à l'occasion des élections étudiantes de mai 2022 - La victoire écrasante remportée par le bloc islamique Wafa a surpris non seulement les étudiants, mais toute la rue palestinienne. Le bloc a remporté 28 sièges contre 18 sièges pour la Jeunesse étudiante, la branche liée au Mouvement de libération nationale palestinien (Fatah), tandis que le Pôle étudiant, la branche du Front Populaire Étudiant, a remporté 5 sièges, ce qui indique la progression du bloc aux dépens de la Jeunesse étudiante par une différence de 10 sièges - Photo : via www.tellerreport.com

Par Hadeel Al Gherbawi

Le Hamas a obtenu une large majorité aux élections étudiantes de l’université de Birzeit en Cisjordanie, ce qui témoigne de la popularité croissante du mouvement, aux dépens du Fatah désuni.

La branche étudiante du Hamas, le bloc islamique Wafa, a remporté une victoire écrasante lors des élections étudiantes qui se sont tenues le 18 mai à l’université de Birzeit, au nord de Ramallah, avec 5060 voix et 28 sièges. Le bloc Shabiba, affilié au Fatah, a obtenu 3379 voix, soit 18 sièges.

Cinq blocs étaient en lice pour les 51 sièges du conseil des étudiants. Un taux de participation de 78,1% a été enregistré.

Sur son site web, l’université de Birzeit a déclaré que ces élections, qui ont eu lieu après une interruption de deux ans due à la pandémie de coronavirus, sont tout à l’honneur de l’université car elles consolident la pratique démocratique ainsi que les valeurs et idéaux de l’université dans un processus électoral dont l’intégrité et la transparence sont reconnues.

L’université précise que les élections du Conseil étudiant se tiendront sur une base annuelle.

Le jour précédant les élections, l’université a organisé un débat étudiant dans le cadre de la campagne électorale. Au cours du débat, les blocs concurrents ont souligné les erreurs des blocs rivaux au lieu de se concentrer sur leurs propres forces et programmes. De fait, la campagne électorale a été salie par les rivalités politiques, les diffamations, les calomnies et les ragots.

Le bloc affilié au Fatah a décrié le financement et les actions du Hamas dans la région, tandis que le bloc affilié au Hamas a reprochait au Fatah de défendre la coordination répressive et le calme avec Israël.

Peu après la fin du débat, les forces israéliennes ont arrêté sept membres du bloc étudiant du Hamas.

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Amjad Mezyad, le chef adjoint du bloc islamique Wafa à Gaza, a déclaré à Al-Monitor : « Nous félicitons le Hamas pour cette grande victoire qui envoie le message clair que les étudiants palestiniens ont choisi la voie de la résistance et refusent de faire des compromis en ce qui concerne nos droits palestiniens. C’est clair comme de l’eau de roche. La Cisjordanie s’est exprimée et a élu le Hamas, c’est-à-dire la Résistance palestinienne ».

Il a ajouté : « L’exhibition des missiles de la Résistance à Gaza est la preuve évidente que le peuple a choisi la résistance. Les jours à venir prouveront que le Hamas a une [influence] stratégique en Cisjordanie, alors que les autres factions politiques l’ont perdue. »

« Les Cisjordaniens ont choisi le Hamas comme représentant, ce qui est révélateur de l’état d’esprit qui règne en Cisjordanie. Les slogans du bloc islamique ciblent toujours les étudiants, dans toutes les branches académiques et scientifiques, parce que le Hamas estime que le vote des étudiants est un indicateur politique de sa progression dans l’opinion publique, car il montre les tendances des générations futures. Malgré les arrestations et les restrictions imposées par l’Autorité palestinienne (AP) et l’Occupation à l’université de Birzeit, une grande victoire a été obtenue », a-t-il ajouté.

La défaite du Fatah aux élections a contrarié les cadres du mouvement. Le secrétaire général du comité central du Fatah, Jibril Rajoub, a déclaré dans un communiqué du 20 mai que le mouvement Fatah allait réévaluer ses relations avec l’AP afin d’en tirer les leçons.

Du coup, le secrétaire du Fatah à Ramallah et à Al-Bireh Muwaffaq Sahweil a présenté sa démission du comité de district de Ramallah et d’Al-Bireh, en qualifiant la défaite du Fatah aux élections d’ « échec fracassant ». Il a appelé à la formation d’une commission pour enquêter sur les résultats des élections.

Munir al-Jaghoub, chef du bureau des médias de la commission de mobilisation et d’organisation du Fatah, a déclaré à Al-Monitor : « La victoire du Hamas aux élections reflète la colère des étudiants de l’université de Birzeit provoquée par le comportement du Fatah au cours de la période récente. Il y a même des électeurs du Fatah qui ont voté pour le Hamas en pensant que cela améliorerait les conditions à l’université. »

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Il a ajouté : « Par contre, le Fatah a remporté les élections de l’Association du barreau palestinien de Gaza qui était satisfaite de sa prestation, car les gens jugent [les partis] sur leurs performances sur le terrain. »

« La défaite du Fatah [à l’université de Birzeit] n’a pas été une surprise, car il y a énormément de questions qui n’ont pas été correctement traitées par le gouvernement palestinien, comme l’assassinat du militant des droits de l’homme Nizar Banat, la domination du Fatah sur les conseils d’étudiants et la mauvaise gestion par l’AP de la récente grève des enseignants », a-t-il déclaré.

Selon Jaghoub: « Le Fatah n’a pas su tirer les leçons de sa défaite de 2006 [aux élections législatives] “. Il a ajouté : “Il y a plusieurs raisons à la victoire du Hamas, notamment la localisation de l’université de Birzeit, qui est considérée comme un bastion historique de la Palestine et qui est la plus ancienne institution universitaire palestinienne : sa fondation remonte à 1924. Elle est d’orientation libérale, et non islamique, et elle organise des élections équitables et transparentes. »

Talal Okal, analyste politique et écrivain pour le journal al-Ayyam basé en Cisjordanie, a déclaré à Al-Monitor : « La victoire du Hamas envoie de nombreux messages géopolitiques et reflète sa popularité croissante en Cisjordanie à la lumière de la situation actuelle dans les territoires palestiniens, notamment l’escalade israélienne dans la région. Les politiques et les programmes de résistance du Hamas bénéficient d’un soutien croissant [en Cisjordanie], et cela se traduit dans les résultats des élections. »

Il a ajouté : « Le fait que le programme électoral se soit centré sur la glorification des missiles de la résistance montre que la bataille de l’épée de Jérusalem (en référence à la guerre israélienne de mai 2021 contre Gaza) de l’année dernière a été largement approuvée par les habitants du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem. Depuis la bataille de l’épée, le soutien populaire palestinien s’est porté sur le Hamas et cela facilitera la mobilisation nationale à divers programmes politiques. »

Okal a expliqué les raisons de la défaite du Fatah : « La division et la désintégration interne qui frappent le mouvement Fatah est l’une des raisons les plus importantes qui ont conduit à sa défaite retentissante. Il y a un courant au sein du Fatah qui est mené par [le leader du Fatah destitué Mohammed] Dahlan, un autre par [le leader du Fatah destitué] Nasser al-Qudwa et un autre encore par [le leader emprisonné] Marwan al-Barghouti. »

Okal a également mentionné les récentes élections municipales où des candidats du Fatah n’ont pas pu se maintenir sur des listes importantes. « Le principal problème du Fatah, c’est le fonctionnement du mouvement lui-même. C’est pourquoi sa progression en ce moment est très faible. Il ne peut pas rivaliser avec un grand bloc qui a une dimension idéologique politique comme le Hamas. La rue palestinienne a aussi choisi le Hamas à cause de l’absence d’élections législatives et présidentielles. »

Il a ajouté : « Toutefois les divisions demeureront malgré la victoire du Hamas, car le Hamas ne s’oppose pas seulement à l’occupation [israélienne], mais aussi à l’AP. Il ne faut donc pas s’attendre à un changement à court terme, car Israël ne permettra pas au Hamas de diriger l'[arène] politique palestinienne. »

Les élections universitaires dans les territoires palestiniens offrent aux étudiants une rare occasion de s’exprimer dans les urnes. Les Palestiniens n’ont pas connu d’élections générales depuis 2006, date à laquelle le Hamas avait battu le Fatah.

Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, avait promis d’organiser des élections nationales palestiniennes l’année dernière, mais les a annulées plusieurs semaines avant la date prévue en raison du refus israélien de permettre aux habitants de Jérusalem de participer aux élections.

25 mai 2022 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet