Le mouvement anti-Netanyahu était pathétique, marginal et sans lendemain

Juillet 2020 - La police israélienne arrête quelques manifestants anti-Netanyahu. Ceux-ci ont ainsi pu expérimenter - certes de très loin - les traitements brutaux et souvent meurtriers infligés aux Palestiniens par ces mêmes policiers chaque jour - Photo : via Memo

Par Gideon Levy

Un “espoir” ? Le mouvement de protestation anti-Netanyahu ne s’est jamais soucié du jour d’après.

Au début, je pensais que c’était une plaisanterie… Un énorme panneau a été mis en place sur la place Rabin : “Nous sommes l’espoir.” A son pied se trouvait une “exposition de protestation”, dont le titre était aussi modeste que le reste de l’affichage : “Un peuple libre sur sa propre terre.” Des piliers dorés, comme aux Oscars, mènent à une exposition de photos et de panneaux qui retracent les protestations de la rue Balfour. La statue d’une personne arborant un drapeau israélien se tenaient au centre.

Pas un seul cliché ne manquait, y compris des citations du Mahatma Gandhi, de l’auteur-compositeur Shalom Hanoch, du poète Natan Yonatan et d’Yitzhak Rabin. On pourrait croire qu’il s’agit d’une exposition sur la liberté tant attendue du peuple tibétain après une lutte sanglante.

Et les slogans !… “Nous sommes venus pour purifier” ; “Vous avez ruiné et nous réparerons” ; “Vous êtes le désespoir et nous sommes l’espoir” ; “Pas de pardon” ; “Notre heure de gloire”. La maquette d’un sous-marin portait les mots “le sous-marin de la corruption”, et sur une autre figuraient les mots “Israël Navy Vessel Liberty”, avec un euphémisme typique.

Les T-shirts de protestation étaient bien en vue, comme des souvenirs du débarquement en Normandie ou de la chute du mur de Berlin.

C’est une bonne chose que ceux qui ont lancé la protestation aient mis en place cette exposition : elle reflète à juste titre l’esprit des manifestations de la rue Balfour. Maintenant que l’objectif a été atteint dans son intégralité et que Benjamin Netanyahu est le chef de l’opposition et ne vit même plus dans la résidence Balfour – certainement grâce à leurs manifestations qui n’ont cessé que lorsqu’ils l’ont vu partir – ils peuvent trouver le temps de faire d’une exposition sur leur “victoire”.

Les albums de photos de la victoire après la guerre des Six Jours comportaient moins d’autosatisfaction que cette exposition ridicule.

Sachez ceci : l’autosatisfaction est le cœur battant de la gauche sioniste. Rien n’est comparable à sa complaisance. Après tout, elle est si éclairée, pacifique et juste, si pleine de bonnes intentions… Après tout, un ministre de gauche a téléphoné à Mahmoud Abbas et lui a souhaité le meilleur à l’occasion des fêtes musulmanes – sûrement la base de la paix et le sommet de l’illumination.

Rien ne pourrait mieux expliquer pourquoi la manifestation de la rue Balfour était tellement rebutante. Elle était exagérée et irréaliste, ses limites se réduisaient à des beaux quartiers, et elle était axée sur un seul objectif, bien moins crucial qu’il n’était présenté.

Les manifestants n’ont eu de cesse de se complaire en eux-mêmes et d’exagérer leur importance. Ce n’est pas la manifestation de la rue Balfour qui a fait tomber Netanyahu ; Netanyahu est tombé parce que Naftali Bennett et Gideon Sa’ar ont décidé, pour leurs raisons personnelles, de s’allier à Yair Lapid.

La manifestation n’a eu qu’un effet marginal, voire aucun. Il faut peut-être féliciter ces gens, qui ont gâché leurs samedis pendant de nombreux mois pour un objectif qu’ils considéraient comme incomparablement important. Certains d’entre eux ont même payé un certain prix en passant la nuit dans une cellule ou en se faisant bousculer. Mais il n’y avait aucun lien entre leur pathos et la réalité. Ils protestaient en toute neutralité, sans s’engager sur rien.

Netanyahu n’était pas ce qu’ils ont dit qu’il était ; le résultat ne valait certainement pas un tel tapage. Tout a déjà été écrit sur le fait qu’ils se concentraient uniquement sur la chute de Netanyahu. Mais qu’en était-il du jour suivant ? Nous le vivons, et ce mouvement de protestation, qui s’est retiré sur des vagues de “victoire”, n’a maintenant rien à dire.

Vous avez promis l’espoir, vous avez fait venir Avigdor Lieberman comme ministre des finances… Vous étiez venus pour déraciner la corruption, vous avez apporté une corruption encore plus grande… Vous aviez promis une colombe, vous avez fait venir Bennett et Sa’ar… Vous aviez promis la paix, vous avez amené un gouvernement qui organise sa reddition à l’avant-poste illégal d’Evyatar, qui maltraite une prisonnière palestinienne qui a perdu sa fille, et qui continue à s’en prendre à des adolescents palestiniens comme vendredi à Nabi Saleh.

Vous aviez promis le changement et vous n’avez apporté aucun changement.

Alors d’où vient toute cette complaisance ? Comment nos vies ont-elles changé pour le mieux depuis qu’ils se sont débarrassés du “tyran” ? Le grand danger pour la démocratie a-t-il été écarté, dans un pays où un tiers de la population vit sous une tyrannie permanente ? “Sommes-nous l’espoir” ?

24 juillet 2021 – Haaretz – Traduction : Chronique de Palestine