1,5 sur 5

Photo: via We Are Not Numbers

Par Asmaa Rafiq Kuheil

L’histoire d’une autre fille a été ma principale inspiration. Le cours était un cours de psycho-sociolinguistique, dans lequel nous avons appris à connaître le langage et son développement, que ce soit dans l’esprit des hommes ou dans les sociétés.

Je brûlais d’espoir et d’ambition. Lors de la première conférence, le Dr Hassan El-Nabih, réputé pour sa maîtrise de son sujet, a raconté comment une étudiante très douée nommé “Taqwa” avait obtenu 98 dans le cours. Le Dr Hassan avait fait de son livre un modèle d’excellence et de travail acharné.

En écoutant passionnément l’incroyable réussite de Taqwa, je me suis fixé un objectif : je dois atteindre le score de Taqwa et alors mon professeur pourra aussi aimer passionnément mes livres.

Pendant le cours, nous devions rédiger trois essais de réflexion sur la matière couverte et son lien avec notre vie quotidienne. J’ai livré la première de mes réflexions, que je pensais créative. Il s’est avéré cependant, que ce n’était pas du tout ce que mon professeur attendait…

Ma note pour cette réflexion a été très décevante : 1,5 sur 5 ! En la voyant, j’ai pleuré comme une enfant bouleversée, les yeux pleins de larmes. Je frissonne encore quand je me rappelle comment le Dr Hassan avait écrit 1,5 en rouge, commentant avec la mention “non pertinent” tout au long de ma réflexion.

Moi qui vole sur les ailes de l’ambition, étais-je condamnée à l’échec ?

Se remettre à l’ouvrage

À l’approche de l’examen de mi-session, ce satané 1,5 planait toujours dans ma tête. Pourtant, j’étais réconfortée par l’assurance du Dr Hassan que la note la plus basse des trois réflexions ne serait pas prise en compte dans la note finale.

J’ai travaillé si dur pour l’examen de mi-session, non pas pour la note elle-même, mais parce que c’était hors de ma volonté… Tout était une question de passion. Heureusement, cette passion m’a récompensée en me valant la première place sur le tableau des meilleures notes.

Cela m’a donné de l’espoir et a alimenté ma détermination à atteindre mon objectif de 98.

Avec cet espoir renouvelé, j’étais confrontée à la perspective terrifiante de la deuxième réflexion. L’espoir ne suffisait pas, il me fallait une stratégie.

Ayant suivi les conseils de mon professeur, j’ai demandé à lire les travaux d’étudiants précédents qui avaient obtenu la note maximale afin de comprendre où se situaient mes problèmes.

En lisant les réflexions des autres étudiants, j’ai été surprise par leur grande simplicité et j’ai compris ce que le Dr Hassan voulait exactement. Bien que mes deux réflexions suivantes aient été meilleures, avec des notes de 4,5 chacune, atteindre mon objectif de 98 serait toujours impossible, même sans tenir compte de la débâcle du 1,5.

Quelque chose s’est produit, cependant. Cela a étanché la soif de mon âme. C’était comme un cadeau de mon Seigneur. Lors d’un symposium tenu au département d’anglais de l’université, le Dr Hassan a annoncé une réflexion avec un bonus de trois points sur les sujets de notre cours.

Cela m’a rempli de la même joie que le café le matin : c’était une nouvelle chance ! J’attendais avec impatience tout ce qui avait trait à notre cours, mais pendant les quatre premières heures de ce symposium, il n’y a rien eu. Et juste comme ça, la dernière heure a livré sa marchandise. Je suis rentrée chez moi, j’ai réécouté la session enregistrée et j’ai écrit la réflexion en bonus.

Ma passion récompensée

Le jour où je devais connaître ma note définitive, j’étais en vacances pendant le Ramadan, et un des enfants a cassé mon téléphone portable sur le chemin de la mosquée. Mon téléphone était le seul lien que j’avais avec la nouvelle de ma note finale.

Étonnamment, je n’ai pas été émue du tout et, heureusement, l’écran brisé n’a pas affecté les messages. Je l’ai entendu bipper pour ce résultat si important. J’ai vu le chiffre 98 apparaître à travers mon écran fissuré, et mes yeux se sont remplis de larmes d’une joie absolue.

Alors que le chiffre 98 résonnait dans tout mon univers, j’ai complètement oublié la misère de mon portable cassé et la pénible attente.

Je suis si reconnaissante à Allah de m’avoir poussée à travailler dur et si reconnaissante au Dr Hassan sans qui je n’aurais pas eu une telle passion inégalée pour la linguistique.

Je suis également fière que mes livres siègent désormais avec ceux de Taqwa dans les échantillons d’excellence de notre professeur.

Si un jour j’ai la chance d’enseigner la psycho-sociolinguistique, j’espère être un aussi bon professeur que l’est le Dr Hassan. En fait, si on me demandait : “Quel est le cours que vous aimeriez refaire à l’université ?” Je répondrais honnêtement “Psycho-Sociolinguistique”.

J’ai réagi à ce cours comme une fleur qui s’ouvre à la chaleur du printemps.

11 novembre 2021 – We Are Not Numbers – Traduction : Chronique de Palestine

2 Commentaires

  1. Bonjour
    C’est une belle histoire… Mais quel rapport avec la cause palestinienne ?
    Michel Goasdoué

    • Asmaa Rafiq Kuheil est palestinienne et vit à Gaza. Ce fait suffit à lui seul pour justifier cette publication. Et ses précédentes contributions sont des témoignages de la vie quotidienne à Gaza qui nous font ressentir une réelle proximité 🙂

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