Tramway de l’Apartheid : Alstom jette l’éponge !

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Israël peine à trouver des entreprises internationales prêtes à développer le tramway de Jérusalem, qui relie ses colonies de peuplement illégales en Cisjordanie occupée à Jérusalem - Photo : OZinOH

Par Ali Abunimah

Alstom quitte le projet de ligne de chemin de fer pour les colons, selon ses partenaires israéliens.

Deux sociétés israéliennes ont envoyé dimanche au Premier ministre Benjamin Netanyahu une lettre demandant une prolongation urgente du délai de soumission des offres pour la construction de la prochaine phase du tramway de Jérusalem.

Les sociétés israéliennes, Dan et Electra, ont demandé ce délai après avoir appris que le constructeur de trains français Alstom avait l’intention de se retirer de leur consortium mis en place pour développer le tramway des colons, en raison de préoccupations liées aux droits de l’homme.

C’est le dernier signe des difficultés rencontrées par Israël pour étendre le tramway qui relie les colonies israéliennes de Cisjordanie occupées entre elles et à Jérusalem-Est occupée.

La construction par Israël de colonies de peuplement en Cisjordanie occupée est un crime de guerre.

Une atteinte aux droits de l’homme

“Vendredi, nous avons été surpris par la position officielle d’Alstom, ce qui empêche en fait Electra et Dan de pouvoir soumissionner dans le cadre de l’appel d’offres, car la date limite est demain”, indique la lettre.

“Cette position est entièrement basée sur le conflit israélo-palestinien, et l’argument présenté à Electra et à Dan est que l’appel d’offres et la mise en œuvre du projet sont apparemment préjudiciables ou susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme”, ajoute la lettre. “En outre, Alstom affirme que sa participation est contraire au droit français.”

La France, malgré sa politique fortement pro-israélienne, met en garde les entreprises contre le commerce dans les colonies de peuplement.

Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré que le commerce et les affaires “dans ou au profit des colonies impliquent des risques juridiques et économiques liés au fait que les colonies israéliennes, en vertu du droit international, sont construites sur des territoires occupés et ne sont pas reconnues comme faisant partie d’Israël”.

Avec l’apparente faillite de l’offre impliquant Alstom, une autre société européenne, l’opérateur de transit de Barcelone, Moventia, serait également obligée d’abandonner son implication dans le projet, car elle fait partie du même consortium.

Des abandons en série

ait révélé qu’un consortium concurrent dirigé par le géant canadien de l’ingénierie Bombardier avait également quitté l’appel d’offres.

Bombardier s’est retirée après que Macquarie, le fonds d’investissement australien, ait retiré son soutien au consortium.

Un autre consortium, comprenant l’Allemand Siemens, a également abandonné la compétition pour l’important contrat, en raison de risques liés à l’occupation israélienne.

Cela signifie que le nombre de consortiums susceptibles de participer est passé de initialement 8 à plus que 4, selon la publication économique israélienne Calcalist.

Mais l’optimisme est permis car les soumissionnaires restants sont confrontés à une foule de problèmes.

Un consortium réunissant l’entreprise israélienne Shafir et le constructeur de train espagnol CAF est gêné par le fait que le conseil officiel du personnel de l’entreprise espagnole a voté contre la participation au projet de règlement.

L’offre d’un consortium dirigé par la Grèce, comprenant le contractant GEK Terna et la société de transport d’État à Athènes STASY, suscite également des doutes à cause de problèmes de financement.

Calcalist indique également que les entreprises chinoises opérant en Iran figurent parmi les autres soumissionnaires, ce qui pourrait poser problème “dans le contexte des sanctions imposées par le gouvernement américain à l’Iran et des critiques américaines à l’encontre des entreprises chinoises opérant en Israël.

L’un des consortiums encore en lice est le constructeur de trains chinois CRRC, qui développe le réseau ferroviaire à grande vitesse iranien.

La firme chinoise s’est récemment voulue rassurante quant au fait que les sanctions américaines plus sévères à l’encontre de l’Iran pourraient affecter ses activités dans ce pays.

Les États-Unis exercent des pressions sur Israël pour limiter les investissements chinois dans le pays, apparemment par peur de problèmes de sécurité et de l’espionnage.

“Une Victoire majeure”

Actuellement, le tramway de Jérusalem exploite une seule ligne, la Ligne rouge.

Dans le cadre du nouveau projet, la Ligne rouge sera étendue pour pénétrer plus profondément en Cisjordanie occupée, reliant les colonies de Pisgat Zeev et de Neve Yaakov, qui font partie de l’anneau de colonies qu’Israël est en train de construire pour isoler les Palestiniens de Jérusalem des Palestiniens du reste de la Cisjordanie occupée.

La nouvelle Ligne verte devrait s’étendre du mont Scopus, situé à Jérusalem-Est occupée, à la colonie de Gilo, au sud-ouest de Jérusalem.

Jusqu’à présent, Alstom a volontairement été complice de ce projet, qui fait partie intégrante des initiatives déployées par Israël pour consolider et étendre sa colonisation des terres palestiniennes.

Alstom fabrique les wagons de la ligne existante et sa filiale à part entière, Citadis Israel, a un contrat de maintenance de 22 ans, indique le groupe de surveillance Who Profits.

En 2013, Alstom a vendu sa participation< de 20% dans CityPass - le consortium qui exploite actuellement le tramway - à un acheteur israélien. "Cependant, Alstom et le groupe Ashtrom conservent leur rôle principal dans l'ingénierie et la construction du projet", déclare Who Profits. En 2015, après une campagne de plusieurs années menée par des défenseurs des droits de l'homme, la société française Veolia a également vendu sa participation dans CityPass.

Les militants palestiniens en sont tout à fait persuadés.

“La sortie d’Alstom constituerait une victoire majeure pour les défenseurs des droits de l’homme en France, en Palestine et dans plusieurs autres pays où les campagnes BDS ont contesté les contrats juteux de la société, et ont porté atteinte à sa réputation”, a déclaré dimanche le Comité national palestinien de la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BNC).

“La pression sur Alstom doit continuer jusqu’à ce que [cette société] confirme son retrait du projet.”

“Les victimes palestiniennes du tramway de Jérusalem, comme dans tous les autres projets israéliens qui violent le droit international, ont droit à réparation pour les dommages causés à leurs moyens de subsistance et à leurs biens”, a ajouté le BNC.

“L’implication des entreprises dans les crimes du régime d’occupation et d’apartheid israéliens contre le peuple palestinien n’est pas seulement moralement répréhensible et contraire à la loi. Elle fait aussi du tort à aux affaires.”

Les porte-parole d’Alstom n’ont pas répondu aux demandes de commentaires envoyées par The Electronic Intifada.

Le fait qu’Alstom reconsidère maintenant toute implication future dans le tramway de Jérusalem, montre l’impact du consensus grandissant sur le plan juridique et des droits de l’homme, selon lequel le commerce avec les colonies israéliennes implique une complicité inévitable dans les graves violations des droits de l’homme, notamment les crimes de guerre, et que ce commerce devrait être interdit.

A4 * Ali Abunimah est un journaliste palestino-américain, auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka.

13 mai 2019 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine