La prestation de Netanyahu prouve seulement pourquoi l’accord nucléaire iranien doit rester en place

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Province de Khorasan Razavi - Le président iranien Rouhani à l'occasion d'une visite officielle - Photo : site officile présidence iranienne

Par Patrick Cockburn

La mine de documents iraniens sur le programme nucléaire de l’Iran présentés par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu comme preuve de la duplicité de Téhéran ne contiennent rien de substantiel qui n’ait été connu auparavant.

Bien que la divulgation ait été faite pour justifier le torpillage de l’accord sur le nucléaire iranien par le président Donald Trump le 12 mai prochain, M. Netanyahu n’a pu trouver aucune preuve que l’Iran ait violé l’accord signé en 2015.

La vaste réserve de fichiers présentés par M. Netanyahou est en grande partie historique et se rapporte à la période antérieure à 2003. Le but de M. Netanyahu était de stigmatiser l’Iran pour avoir menti au sujet d’un programme d’armes nucléaires d’il y a 15 ans et plus.

La Maison-Blanche a eu quelques difficultés à adapter son discours à la nature historique des révélations, en disant d’abord qu’elles étaient la preuve que “l’Iran a un programme d’armes nucléaires solide et clandestin”, mais plus tard en changeant “a” pour “avait”.

Ce qui est en cause, ce ne sont pas les informations contenues dans les archives, dans lesquelles des éléments présentés par M. Netanyahu comme révélateurs se révèlent avoir été publiés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans un rapport en 2011.

Plus important est l’effet politique de leur publication. La prestation de M. Netanyahu semble destinée à fournir une justification à M. Trump pour qu’il mette fin au Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), titre officiel de l’accord sur le nucléaire iranien.

En soulignant les ambitions passées de l’Iran de bâtir un dispositif nucléaire. M. Netanyahu a involontairement démontré – comme l’ont commenté plusieurs architectes de l’accord de 2015 – la nécessité du JCPOA, qui a empêché l’Iran de fabriquer une arme nucléaire.

Tous les signataires de l’accord – États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie et Chine – s’accordent à dire qu’il fonctionne bien.

Ce qui n’est pas encore clair, c’est ce que les Etats-Unis et Israël feront après le 12 mai. La réimposition des sanctions américaines à l’Iran sera préjudiciable à son économie, mais ne va pas mener à un changement de régime à Téhéran.

Il est peu probable que les dirigeants iraniens acceptent un nouveau JCPOA qui leur serait plus défavorable que l’accord actuel. Une contre-offensive réussie contre l’influence iranienne dans la partie nord du Moyen-Orient – l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban – est peu probable simplement en raison de la solidité de la position de l’Iran dans cette région.

Les objectifs politiques de l’administration Trump à l’égard de l’Iran ne pourraient être atteints que par une guerre prolongée, mais l’administration pourrait ne pas s’en rendre compte.

Le nouveau secrétaire d’État, Mike Pompeo, et le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, semblent prendre au sérieux les conseils des groupes d’exilés iraniens, percevant le régime iranien comme plus fragile qu’il ne l’est.

Ce qui rend le retrait américain du JCPOA si dangereux, c’est qu’il s’accompagne d’une confrontation militaire croissante entre Israël et l’Iran en Syrie.

Cela risque de s’aggraver, poussant l’Iran et la Russie à riposter contre Israël. En fait, M. Trump s’engage dans le bourbier syrien exactement de la même manière que les administrations américaines précédentes l’ont fait en Irak et en Afghanistan.

Patrick Cockburn * Patrick Cockburn est un journaliste de The Independent spécialisé dans l’analyse de l’Irak, la Syrie et les guerres au Moyen-Orient. Il est l’auteur de Muqtada Al-Sadr, the Shia Revival, and the Struggle for Iraq et de Age of Jihad: Islamic State and the Great War for the Middle East.

02 mai 2018 – Counterpunch.org – Traduction: Chronique de Palestine – MJB