Pourquoi Israël continuera de bombarder Gaza

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Dans sa campagne de bombardements de l'été 2014, en plus de tuer et blesser des milliers de Palestiniens, Israël a rasé plus 20 000 lieux d'habitation - Photo : Archives

Par Ramzy Baroud

Le 4 mai, Israël a lancé une série de frappes aériennes meurtrières sur la bande de Gaza assiégée, provoquant la réaction de divers groupes de résistance.

Au moins 25 Palestiniens ont été tués et près de 200 personnes blessées lors des attaques israéliennes. Quatre Israéliens ont également été tués par des roquettes palestiniennes.

Les affrontements ont été provoqués par Israël. L’armée israélienne a assassiné quatre Palestiniens à Gaza le 3 mai. Deux d’entre eux ont été tués alors qu’ils manifestaient le long de la barrière séparant Gaza d’Israël. Ils participaient à la Grande Marche du Retour, une longue manifestation palestinienne non violente exigeant la fin du siège israélien. Les deux autres ont été tués dans une frappe aérienne israélienne visant un poste du Hamas dans le centre de la bande de Gaza.

Pourquoi Netanyahu a-t-il choisi un tel moment pour bombarder Gaza ? Il aurait été plus logique d’attaquer Gaza avant la tenue des élections générales [israéliennes]. Au cours des mois qui ont précédé les élections du 9 avril, Netanyahu a été accusé à plusieurs reprises d’être faible face au Hamas.

Netanyahu s’est abstenu de participer à une opération majeure contre Gaza en raison du risque inhérent à de telles attaques, comme le montre l’incursion israélienne bâclée à Khan Younis le 11 novembre dernier. S’il avait échoué, Netanyahu aurait pu perdre une élection très disputée.

Après sa victoire électorale, le Premier ministre israélien – qui sera bientôt celui resté en poste le plus longtemps – dispose du capital politique nécessaire pour déclencher des guerres à volonté.

La politique israélienne a largement été présente dans la dernière attaque à Gaza.

Netanyahu est sur le point de former une nouvelle coalition, un autre gouvernement d’extrême droite, de fanatiques religieux et de politiciens ultranationalistes aux vues aussi mentalement dérangées. Ce qui, admet-il, n’est pas chose facile.

“Ce n’est pas un travail facile et il y a différents aspects – distribuer des portefeuilles, contrôler le budget de l’État et de nombreux autres défis”, a déclaré Netanyahu lors d’une réunion du parti Likoud le 30 avril.

Si Netanyahu réussit, il formera son cinquième gouvernement, dont 4 à la suite les uns des autres. Cependant, son principal défi est de réconcilier les différents partenaires potentiels de la coalition.

Netanyahu souhaite inclure six partis dans son nouveau gouvernement : le Likoud, son propre parti, avec 35 sièges à la Knesset israélienne (parlement); les partis religieux fascisants du Shas (8 sièges), de United Torah Judaism (8), Yisrael Beiteinu du fasciste Avigdor Lieberman (5), l’Union des partis de droite nouvellement formée (5) et le prétendu centriste Kulanu avec 4 sièges.

“Netanyahu tient à inclure les six partis dans son gouvernement afin de créer un semblant de stabilité et d’empêcher une étroite majorité qui sera à la merci d’un seul parti mécontentant qui menacerait de démissionner”, a rapporté le quotidien israélien “Jerusalem Post”.

Mais comment Netanyahu peut-il maintenir la paix entre des alliés extrêmement différents et quel est le rapport avec les bombardements sur Gaza?

Netanyahu a bombardé Gaza parce que c’est la seule exigence qui unifie tous ses alliés. Il devait les assurer de son engagement à maintenir la pression sur la résistance palestinienne, à maintenir le siège sur Gaza et à assurer la protection des villes et des colonies du sud d’Israël.

À part cela, il y a peu de points communs entre ces groupes. Yisrael Beiteinu de Lieberman et les partis ultra-orthodoxes s’entendent à peine sur des questions fondamentales. Par exemple, Lieberman a réclamé un projet de loi exigeant la conscription ultra-orthodoxe dans l’armée israélienne, rejeté avec véhémence par les alliés religieux de Netanyahu.

Bien que la performance électorale du parti de Lieberman n’ait guère été impressionnante, son influence dépasse les chiffres. Lieberman avait démissionné de son poste de ministre de la Défense en novembre dernier en signe de protestation contre la prétendue “capitulation face au terrorisme” de Netanyahu, mais il a formé une alliance solide avec les villes du sud d’Israël bordant la bande de Gaza assiégée.

Depuis des années, Lieberman a exprimé sa solidarité avec eux et, en retour, il s’en est servi chaque fois qu’il souhaitait faire pression sur le Premier ministre ou le défier.

Lieberman a exploité la notion parmi les habitants et les colons du sud d’Israël et de la Cisjordanie occupée qu’ils sont traités injustement par rapport à leurs compatriotes ailleurs.

Pour exemple, à la suite d’une trêve entre les Israël et les organisations de la résistance à Gaza en novembre dernier, des centaines de colons ont protesté contre leur “statut de deuxième classe”, réclamant un soutien accru du gouvernement pour protéger leur “sécurité” contre Gaza. Il est intéressant de noter que ces villes proches de la clôtuure ont été au centre d’une croissance économique et démographique importante au cours des dernières années, qui a été stimulée par les investissements du gouvernement israélien dans la région.

Se considérant comme les héritiers des fondateurs sionistes d’Israël, les habitants de ces villes se considèrent comme les défenseurs de la vision sioniste.

En dépit de leurs plaintes incessantes, les communautés du sud d’Israël ont connu une croissance constante de leurs opportunités économiques, donc de leur population. Ce fait a placé ces régions au centre du radar des politiciens israéliens, tous essayant de gagner les faveurs de leurs responsables et d’obtenir le soutien de leurs secteurs économiques en pleine expansion.

Cette force électorale récente a fait des demandes et des attentes des dirigeants des communautés du sud israélien un point central de la politique israélienne traditionnelle.

Par conséquent, il n’est pas surprenant que l’une des conditions posées par Lieberman pour rejoindre la coalition de Netanyahu soit l’intensification du siège israélien à Gaza et la liquidation de la résistance de Gaza.

Bien que Benny Gantz, dirigeant du parti centriste bleu et blanc, ait perdu les élections, il souhaite continuer à compter dans la vie politique en rassurant les colons juifs et les habitants du sud d’Israël. Lors de l’attaque de Gaza par l’armée israélienne le 4 mai, Gantz s’est joint au chœur pour réclamer encore plus de sang palestinien.

“Nous devons frapper fort, de manière intransigeante, de la manière que l’armée recommandera, avec des moyens militaires et de renseignement”, a-t-il déclaré à la chaîne israélienne 13. “Nous devons rétablir la dissuasion, érodée de façon catastrophique depuis plus d’un an”.

À la suite de la mort de quatre Israéliens à la suite de tirs de roquettes sur Gaza, les politiciens israéliens se sont faits concurrence pour démontrer leur soutien aux habitants du sud du pays, exigeant encore plus de violence. L’euphorie du soutien a incité le maire de Sderot, Alon Davidi, à appeler à l’invasion de Gaza.

La dernière attaque sur Gaza devait servir les intérêts de tous les partenaires possibles de la coalition de Netanyahou. Hélas, bien qu’une trêve ait été déclarée, il faut s’attendre à plus de violence de la part de la coalition israélienne car, pour que Netanyahu puisse satisfaire ses partenaires, il lui faudra continuer à martyriser Gaza.

Ramzy Baroud * Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.

14 mai 2019 – Communiqué par l’auteur – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah