«Le péché engendre le péché» : la chute de Jeremy Corbyn sera ressentie partout dans le monde

Jeremy Corbyn s'exprimant contre le bombardement israélien de Gaza en 2009. On estime à 50 000 le nombre de personnes qui ont manifesté à Londres - Photo : Archives

Par Miko Peled

Il ne fait guère de doute que l’éviction de Jeremy Corbyn du Parti Travailliste britannique est le résultat d’une stratégie bien planifiée d’une coalition d’organisations sionistes, qui inclut le Ministère des Affaires Stratégiques de l’état d’Israël lui-même.

Et bien que Corbyn ne soit en aucune manière ni antisémite, ni raciste, il a commis une erreur stratégique colossale. Il n’a pas combattu la propagande sioniste orchestrée contre lui ni combattu les accusations scandaleuses d’antisémitisme portées à son encontre et à l’encontre de tant de bons et vaillants membres antiracistes de son parti.

L’IHRA

Israël est un état violent, raciste qui vend d’énormes quantités d’armes sophistiquées aux régimes les plus sombres sur terre. Il détient des milliers de prisonniers politiques, prive les gens d’eau, de soins médicaux, de nourriture, et même des libertés les plus élémentaires, pour la seule raison qu’ils sont Palestiniens.

Afin de de protéger le pays contre ceux qui voudraient dénoncer ce racisme et cette violence, l’International Holocaust Remembrance Alliance [l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste], ou IHRA, a élaboré ce qu’elle appelle une définition opérationnelle de l’antisémitisme.

C’est une nouvelle définition créée dans le but de protéger Israël de ses détracteurs.

La question qui vient immédiatement à l’esprit est qu’est-ce qui n’allait pas avec l’ « ancienne » définition de l’antisémitisme qui le définissait comme étant du racisme à l’égard des juifs. La réponse : elle n’était pas suffisamment large pour inclure Israël ou le sionisme.

Étant donné qu’Israël est un contrevenant majeur au droit international et aux droits de l’homme, et l’est depuis sa création, il lui fallait une sorte de protection générale qui lui servirait de bouclier et ferait passer ses crimes comme protection des juifs. Il lui fallait aussi un outil qui lui permettrait d’attaquer ses détracteurs en utilisant comme arme le terme antisémitisme.

Dans le but de faire l’amalgame entre antisémitisme (ou racisme) et critique et rejet du sionisme, qui est lui-même une idéologie raciste, l’IHRA a publié sa « définition opérationnelle de l’antisémitisme. »

Cette définition est un mécanisme plutôt sophistiqué qui procure une protection générale pour les crimes du gouvernement israélien. Si rejeter le sionisme est de l’antisémitisme, comme la nouvelle définition le prétend, alors tous les détracteurs d’Israël peuvent être qualifiés de racistes, et le soi-disant « état juif, » peut prétendre être victime de racisme.

Comment stopper tout débat

Les extraits ci-dessous de la nouvelle définition de l’IHRA portent sur l’état d’Israël lui-même. Ils sont rédigés de telle sorte que quiconque rejette ses postulats se trouve du mauvais côté de la question. Le problème n’est jamais l’objet du litige mais plutôt le fait de le pointer du doigt. Ci-après quelques exemples :

• Le reproche fait au peuple juif ou à l’État d’Israël d’avoir inventé ou d’exagérer l’Holocauste;

Cette définition ne traite pas réellement de la négation de l’Holocauste comme on pourrait le penser. La question en jeu ici c’est que les partisans d’Israël ont leur propre version de ce qui s’est déroulé pendant l’Holocauste et ne veulent pas qu’elle soit remise en cause.

Selon la version sioniste des évènements, la création de l’État d’Israël a été la réponse à l’Holocauste, même si la majorité des survivants de l’Holocauste ont initialement choisi de ne pas rejoindre le nouvel État et même si beaucoup rejetaient totalement l’idéologie sioniste. Les soutiens d’Israël veulent également établir un lien entre la résistance palestinienne et les nazis et faire l’amalgame entre le rejet des Palestiniens de son droit d’exister sur leur terre et le désir des nazis d’éliminer le peuple juif.

Les apologistes d’Israël veulent aussi réduire au silence toute discussion sur l’Holocauste avec laquelle ils ne sont pas à l’aise. Les tentatives de sauvetage entreprises suite à l’Holocauste par des organisations juives non sionistes furent finalement mises en échec par des groupes sionistes et les discussions sur le sujet génèrent souvent des accusations d’antisémitisme.

Chose intéressante, la plupart, sinon toutes les personnes juives avec lesquelles je me suis entretenu et dont les familles avaient péri dans l’Holocauste ne voient aucun problème à débattre de ces questions. Lors d’une discussion que j’ai eue avec le Rabin Dovid Feldman de Monsey, New York, le Rabin me demanda, « pourquoi ne voudrions-nous pas discuter de ces questions ? »

• Le reproche fait aux citoyens juifs de servir davantage Israël ou les priorités supposés des Juifs à l’échelle mondiale que les intérêts de leur propre pays;

Selon la stricte loi juive, les juifs doivent être des citoyens loyaux envers le pays, quel qu’il soit, dans lequel ils résident, et en raison de la nature raciste et violente de l’État d’Israël, le soutenir constitue une violation du droit international et dans certains pays, contrevient à la législation du pays. Procurer des armes et des fonds au gouvernement israélien contrevient même au droit états-unien en raison de leur utilisation contre des civils non armés,

Les organisations sionistes qui font pression sur leur gouvernement, leurs représentants élus, et organisations civiles pour qu’ils soutiennent Israël placent, de fait le gouvernement israélien au-dessus des intérêts – et pour sûr des lois – du pays dans lequel elles résident.

Des citoyens juifs de pays occidentaux se portent même volontaires pour servir dans l’armée israélienne, armée dont l’objectif est de facto l’oppression, la dépossession, et l’assassinat (ou en d’autres termes, du terrorisme à l’encontre) du peuple palestinien. Il ne s’agit donc pas des juifs en général, mais des sionistes en particulier.

• Le refus du droit à l’autodétermination des juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste;

Pour commencer, Israël n‘est pas une expression de l’autodétermination des juifs, c’est une expression de l’autodétermination sioniste et israélienne. Le peuple juif a historiquement rejeté le sionisme et il existe encore de grandes communautés et d’innombrables individus qui le font aujourd’hui. Les tentatives de l’IHRA d’assimiler sionisme et judaïsme sont manifestes.

Dire d’Israël que c’est une entreprise raciste, citons les faits : dès sa création, Israël a brutalement expulsé les Palestiniens de leur pays et les a remplacés par des migrants juifs du monde entier. Israël s’est approprié la terre, les maisons, les biens privés et collectifs, les champs cultivés, les récoltes, le matériel, le cheptel, et même les comptes bancaires des Palestiniens déplacés. Il a ensuite interdit leur retour.

Les Palestiniens sont devenus apatrides pratiquement du jour au lendemain tandis que le nouvel État remplissait ses coffres de biens, d’argent, de produits volés. Israël a ensuite défini la citoyenneté de l’État nouvellement créé comme presque exclusivement réservée aux juifs. Cette définition a pour objectif de protéger Israël en criminalisant ceux qui osent affirmer qu’il s’agit d’une entreprise raciste.

• Le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique;

Cette accusation n’est rien de plus qu’une tentative de faire taire les critiques d’Israël en demandant, « pourquoi ne critiquez-vous pas aussi l’Arabie Saoudite ? » L’idée de devoir dresser la liste de tous les pays qui violent les droits de l’homme lorsque l’on discute d’un régime particulier accusé de les violer est absurde. C’est une tentative de détourner la conversation de la question des crimes israéliens et du racisme sioniste.

Autrement dit, la nouvelle définition de l’antisémitisme de l’IHRA comprend presque tout ce dont les sionistes sont accusés de faire et définit même l’acte de dénoncer ce fait comme de l’antisémitisme.

“Le péché engendre le péché”

Une chose en entraîne une autre, ou comme le disent les juifs, « Le péché engendre le péché ». Le péché n’est pas ici l’antisémitisme, mais la capitulation des forces progressistes face à une campagne de diffamation manifeste de la part d’un État raciste et des institutions qui le représentent au Royaume Uni.

Le Board of Deputies of British Jews prétend représenter tous les juifs du Royaume Uni, en réalité, toutefois, il ne représente que les juifs sionistes. C’est une organisation sioniste qui place les intérêts d’Israël avant toute chose. Comment sinon expliquer son soutien à la campagne de diffamation contre Jeremy Corbyn et d’autres agents publics d’une part et son silence sur les crimes israéliens d’autre part ?

La chute de Jeremy Corbyn , œuvre d’organisations sionistes, n’est pas une question qui concerne exclusivement le Royaume Uni, et ses ramifications internationales sont considérables. Il ne fait aucun doute que le Ministère des Affaires Stratégiques israélien, l’ambassade israélienne à Londres, le Jewish Labour Movement, et d’autres groupes sionistes qui ont orchestré la campagne de diffamation de Corbyn ont sabré le champagne à l’annonce de sa suspension du Parti travailliste.

La capitulation du Parti travailliste était, en fait, un acte suicidaire. Sous la direction de Corbyn, le parti avait enregistré un nombre sans précédent d’adhérents et jouissait d’un énorme soutien.

L’élaboration de la nouvelle définition de l’antisémitisme par l’IHRA, suivie de l’exigence que le Parti travailliste l’adopte, et la diffamation de Jeremy Corbyn et de membres de l’échelon supérieur du parti (des personnes comme Ken Livingston et Chris Williamson), faisaient partie d’une stratégie bien planifiée pour punir ceux qui s’opposent aux crimes sionistes en Palestine.

02 novembre 2020 – Mintpress News – Traduction: Chronique de Palestine – MJB