La judaïsation d’Al-Qods (Jérusalem) : mode d’emploi

Photo : Mission Falestine - 2012
L'Esplanade des mosquées à al-Qods [Jérusalem] - Photo : Mission Falestine - 2012

Par Rima Najjar

La judaïsation de Jérusalem. Cela se faisait autrefois en douce, du moins dans les médias grand public, mais aujourd’hui, c’est au grand jour avec la reconnaissance officielle par les États-Unis de la souveraineté israélienne à Jérusalem.

Israël met en œuvre sa judaïsation de Jérusalem en minant directement le caractère sacré des lieux saints musulmans (le Haram al-Charif) et chrétiens (la Via Dolorosa) à al-Qods et en continuant à établir un contrôle irréversible et exclusif sur la ville sainte en tant que ville juive israélienne.

Israël met en œuvre des stratégies qui assurent sa domination physique de la ville. Depuis qu’il a illégalement annexé Jérusalem-Est après la guerre de 1967, il a conçu de nombreuses mesures politiques pour créer une intégrité géographique et une supériorité démographique en faveur d’une Jérusalem juive.

Mais cette stratégie n’a pas commencé en 1967. Au lendemain de la guerre de 1948, le gouvernement israélien nouvellement formé a rapidement rejeté tous les appels à l’internationalisation de la ville et a déclaré que “l’agression arabe” invalidait l’obligation d’Israël de mettre en œuvre le plan de partition, et en particulier le corpus separatum de Jérusalem approuvé par l’ONU – la résolution 181 recommandait la création de deux États indépendants l’un juif et l’autre palestinien et un régime international particulier pour la ville de Jérusalem.

Aujourd’hui, la machine à hasbara [propagande] d’Israël déclare mensongèrement que le “terrorisme” palestinien a invalidé l’obligation d’Israël de mettre en œuvre les négociations sur le statut final pour un État palestinien indépendant dans le cadre du processus d’Oslo, alors qu’en fait, il s’est attaché à ne rien laisser à négocier.

Ironiquement, le 2 février 1949, Ben Gourion a magnanimement exprimé sa volonté d’établir un corpus separatum de la vieille ville, principalement pour délégitimer l’emprise de la Jordanie sur cette dernière tout en éliminant de l’équation les propres gains territoriaux d’Israël.

Aujourd’hui, il n’est pas surprenant d’apprendre que le contrôle exclusif d’Israël sur la vieille ville fait partie de l’Accord sur la “Nouvelle Palestine”. En même temps, le 1er juin 2019, l’Observatoire euro-méditerranéen pour les droits de l’homme (Euro-Med) a publié un rapport qui dénonce 130 violations des droits commises en avril par Israël contre des Palestiniens à Jérusalem-Est occupée.

C’est le gouvernement travailliste de Levi Eshkol qui, en 1967, a établi les précédents d’une souveraineté israélienne totale sur une Jérusalem “unie”, avec une vague de manœuvres législatives israéliennes qui faisait écho à la frénésie de 1949, accordant immédiatement à Jérusalem un statut différent de celui des autres territoires occupés.

Les efforts de colonisation juive devaient mettre l’accent sur la sécurité dans la vallée du Jourdain et dans le “Grand Jérusalem” ainsi que sur les hauteurs de la partie occidentale de la Cisjordanie. En d’autres termes, préserver la majorité démographique juive acquise à la suite du nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948 sur les terres palestiniennes déjà saisies.

L’obsession du Likoud, obsession qui a aujourd’hui le dessus politique, était/est de créer une majorité démographique juive dans les territoires palestiniens occupés dans le but d’acquérir plus de territoire palestinien pour l’Etat juif.

Les stratégies d’Israël concernant Jérusalem mises en œuvre au niveau municipal (avec le plein appui du gouvernement israélien) ont été les plus désastreuses pour les Palestiniens de Jérusalem. L’architecte du plan directeur israélien pour Jérusalem, comme beaucoup le savent, était l’ancien maire Teddy Kollek, qui a poursuivi son projet de couper le “Grand Jérusalem” du reste de la Cisjordanie et a facilité son annexion dans le but déclaré d’assurer la supériorité démographique juive ainsi que l’intégrité géographique.

Voici quelques-unes de ses paroles de 1984 concernant ce qu’il considérait comme l’implantation prématurée de la désormais vaste colonie juive de Ma’aleh Adumim qui entoure la ville :

“Je pense que c’est une erreur de l’implanter avant d’avoir rempli Jérusalem. Dans cinq ans, nous remplirons Jérusalem, puis nous irons là-bas [Ma’aleh Adumim]. A Jérusalem, nous nous sommes assignés, en tant que Juifs, une tâche urbaine très difficile, dans la mesure où nous avons reçu des quartiers éloignés, et nous avons dû les relier…”.

Notez que Jérusalem n’était pas vide et n’avait pas besoin d’être “remplie” !

La colonisation juive de Jérusalem contrevient directement à la résolution 465 du Conseil de sécurité de l’ONU du 1er mars 1980, concernant l’application de la quatrième Convention de Genève et l’interdiction d’établir des colonies dans les Territoires, y compris Jérusalem.

Israël a imposé de force une majorité juive dans toutes les parties de Jérusalem et, ce faisant, a brutalement étouffé les droits et aspirations légitimes des Palestiniens de Jérusalem qui, néanmoins, s’accrochent à leurs droits et à leur identité dans la ville sainte en tant que musulmans, en tant que chrétiens et que Palestiniens.

Depuis 1967, les gouvernements israéliens successifs ont systématiquement éliminé toute vision de la ville sainte de Jérusalem, autre que celle de Jérusalem “capitale éternelle et indivise de l’État juif”.

Indiscutablement Israël a toujours considéré que le statut final de Jérusalem était déjà réglé. Avec l’ “Accord du siècle” de Trump, Israël croit qu’il va enfin obtenir une légitimité incontestable pour son autorité exclusive sur la ville sainte.

Il revient à la communauté internationale d’y mettre fin. Dans son rapport mentionné ci-dessus, l’Observatoire euro-méditerranéen pour les droits de l’homme (Euro-Med) ” a exhorté les Nations unies et ses organes concernés ainsi que l’Union européenne à suivre de près la situation à Jérusalem, à condamner les actes cruels dont sont victimes les Palestiniens et à assumer leurs responsabilités envers les Palestiniens sous occupation.

03 juin 2019- The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB