Guerre du renseignement à Gaza

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Abu Obeida, porte-parole de la branche armée du Hamas, la brigade Ezzedine Al-Qassam, tient une conférence de presse à Gaza le 26 mars 2010 - Photo : Archives

Par Ahmad Abu Amer

Les répercussions de l’opération bâclée du renseignement israélien à l’est de Khan Yunis dans le sud de Gaza le 13 novembre 2018 continuent de se manifester.

GAZA City – Bande de Gaza – Les forces de sécurité affiliées au Hamas dans la bande de Gaza ont saisi le 16 février des puces de pistage électroniques dissimulées dans des bottes militaires qui entraient à Gaza par le point de passage commercial de Kerem Abu Salem.

Les forces de sécurité palestiniennes à Gaza esont persuadées qu’Israël est derrière la tentative de contrebande de “puces électroniques de suivi” dans la bande de Gaza, sur la base des aveux d’un suspect impliqué dans la fourniture d’un soutien logistique à Israël.

Le suspect, identifié uniquement par ses initiales, M. Sh. a été arrêté par les forces de sécurité du Hamas à la suite de l’opération ratée de Khan Yunis. Dans ses aveux rendus publics le 11 février, M. Sh. a déclaré que le 2 octobre 2018, un officier des services de renseignements israéliens lui avait demandé de se rendre au poste-frontière de Kerem Abu Salem et de recevoir deux systèmes GPS qui se trouvaient à l’intérieur de conteneurs de marchandises entrant par Israël dans la bande de Gaza.

Il a affirmé qu’un employé de l’Autorité palestinienne au passage facilitait l’entrée et la sortie sans effectuer d’inspections.

Abu Mohammad, porte-parole des médias pour les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, branche armée du Fatah à Gaza, a déclaré à Al-Monitor qu’un de ses combattants avait acheté des bottes militaires bon marché à un magasin à Gaza début février pour 50 shekels israéliens (14 dollars) au lieu du prix initial de 160 à 180 shekels (environ 44 à 50 $). Rendu méfiant, le combattant a inspecté les bottes et a trouvé dans une semelle une puce de suivi électronique.

À la suite de cet incident et des aveux des collaborateurs, les forces de sécurité palestiniennes ont imposé des mesures de sécurité le 12 février au point de passage de Kerem Abu Salem et alentours, et ont demandé à 70 employés de l’Autorité palestinienne de signer un questionnaire de sécurité après avoir pris leurs empreintes digitales, pour contribuer à l’enquête. Mais les employés ont refusé et ont quitté le passage.

Les forces de sécurité du Hamas ont ensuite pris le contrôle du terminal, qu’il avait remis à l’Autorité palestinienne à la suite de l’échec de l’accord de réconciliation de 2017. Ils ont fouillé tous les conteneurs de marchandises entrant dans la bande de Gaza en provenance d’Israël et ont saisi, avec l’aide de chiens policiers, des puces de suivi électroniques dans des bottes militaires dissimulées dans l’un des conteneurs du commerçant.

Iyad al-Bozm, porte-parole du ministère de l’Intérieur de Gaza, a déclaré à Al-Monitor que les mesures de sécurité imposées par le Hamas au terminal de Kerem Abu Salem visaient à assurer et à contrôler la situation dans la bande de Gaza, à la suite des incidents survenus les mois passés.

Bozm a noté que les employés du passage Kerem Abu Salem qui sont affiliés à l’Autorité palestinienne à Ramallah ont refusé de coopérer avec les forces de sécurité à Gaza et se sont retirés du passage. En conséquence, les forces de sécurité à Gaza ont repris en charge la sécurisation du passage et l’organisation de l’entrée de véhicules.

Bozm a refusé de divulguer toute information liée aux puces israéliennes de “suivi électronique” qui ont été saisies, en déclarant: “Nous nous abstenons actuellement de divulguer toute information à cet égard”.

Des responsables de l’Administration générale des points de passage et des frontières, affiliée à l’Autorité palestinienne [Ramallah], ont refusé de faire des déclarations à Al-Monitor.

Une source de sécurité palestinienne de Gaza a confié à Al-Monitor, sous couvert de l’anonymat, que les enquêtes en cours menées par les forces de sécurité du Hamas avaient établi que le point de passage de Kerem Abu Salem était la principale porte utilisée par les forces de sécurité israéliennes pour faire entrer des espions, des équipements logistiques ou des fonds destinés aux collaborateurs de la bande de Gaza.

Il a noté que la plupart des employés de l’Autorité palestinienne au passage n’étaient pas au courant de cet état de fait.

Au cours de l’enquête, des collaborateurs ont révélé aux forces de sécurité que du matériel d’espionnage était dissimulé dans des conteneurs de marchandises en provenance d’Israël. En conséquence, les forces de sécurité ont mis en place un plan de contrôle strict visant à fouiller toutes les marchandises entrant à Gaza.

Il a ajouté que les décisions prises dans le domaine de la sécurité après l’opération bâclée d’Israël à Khan Yunis ont eu pour effet de rendre plus difficile l’intervention des forces israéliennes du renseignement dans la bande de Gaza, nombre de leurs collaborateurs ayant été arrêtés.

Après l’échec militaire d’Israël lors de la guerre contre Gaza en 2014, Israël a admis que la raison principale en était la faiblesse des informations fournies par les services de renseignements sur les organisations de la résistance palestinienne et leur équipement militaire. Cela a poussé Israël à intensifier ses efforts de renseignement.

Ibrahim Habib, professeur d’études de sécurité à l’Académie de gestion et de politique de Gaza, a déclaré à Al-Monitor que les succès palestiniens dans la découverte de matériel de contrebande ne signifiaient pas nécessairement qu’Israël cesserait d’essayer de s’infiltrer dans les organisations armées palestiniennes de la bande de Gaza. “La guerre du renseignement entre les deux parties est longue et sans répit”, a-t-il noté.

22 février 2019 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine