La crise de l’électricité à Gaza met en évidence l’écart entre les classes sociales

Electricité Gaza
Ville de Gaza, le 5 septembre 2014 - Hamde Atesh est assis près d'un feu dans sa maison à moitié détruite dans le quartier de Shujaiyeh. Sa famille a fui la maison le 12 juillet quand l'armée israélienne leur a ordonné l'évacuation avant de bombarder le bâtiment voisin - Photo : ActiveStills

Par Rasha Abu Jalal

Bien que les hôpitaux, les centres de soins de santé ainsi que d’autres secteurs dans la bande de Gaza reposent de plus en plus sur l’énergie solaire, son utilisation reste limitée aux ménages aisés.

GAZA (bande de Gaza) – L’énergie solaire est de plus en plus utilisée comme une source alternative de production d’électricité dans la bande de Gaza, qui continue de souffrir de la crise énergétique. Alors que de nombreux hôpitaux, centres de soins de santé, établissements scolaires et espaces extérieurs publics utilisent l’énergie solaire, seuls les ménages des quartiers aisés ont accès à cette alternative coûteuse.

Mohamed Thabet, directeur des relations publiques de Gaza Electricity Distribution Corporation, a expliqué à Al-Monitor qu’il existe trois sources d’alimentation électrique à Gaza : 10 lignes électriques à 120 mégawatts (MW) en provenance d’Israël, deux lignes électriques à 25 MW en provenance d’Égypte et la centrale électrique locale de Gaza (GPP) qui génère 60 MW.

« Ces sources, qui fournissent en tout 205 MW d’électricité, ne répondent pas aux besoins en électricité de la population qui s’élèvent au total à 450 MW, a-t-il indiqué. Ce qui donne lieu à un déficit électricité continu de 55 %. »

Recours à l’énergie solaire

Pour surmonter cette crise de l’énergie électrique, 40 lampes solaires ont été installées le 16 mars par la Palestinian Energy and National Resources Authority (PEMRA) dans un certain nombre de rues et d’intersections de Gaza. Trois jours plus tôt, l’hôpital koweïti de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, a été équipé de 13 cellules photovoltaïques. Ces installations sont survenues dans le cadre du dernier projet local de production énergétique et de la transition de l’énergie électrique.

« Ce projet est arrivé dans des circonstances très difficiles, à un moment où les coupures d’électricité à Rafah ont atteint une moyenne de 16 heures d’affilée, ce qui a freiné la fourniture de services médicaux à la population », a indiqué à Al-Monitor Abdel Rahman al-Dahoudi, directeur de l’hôpital koweïti.

Il a expliqué que les nouvelles cellules solaires fournissaient en électricité plusieurs divisions médicales clés telles que le laboratoire, la salle d’opération, la salle d’accouchement et la salle des urgences.

Ali Turkmani, propriétaire du centre Turkmani spécialisé dans l’électronique, dans le centre de Gaza, a indiqué à Al-Monitor que la demande intérieure de panneaux solaires a augmenté et que ce sont souvent des familles aisées qui achètent des panneaux.

« L’accès à l’énergie solaire nécessite l’achat de panneaux solaires à 300 dollars, d’une batterie rechargeable pour stocker l’énergie produite et d’un transformateur à 600 dollars, a précisé Turkmani. Cette acquisition permet de générer une puissance de 300 watts capable de fournir la lumière dans la maison et l’électricité pour le téléviseur pendant huit heures. Toutefois, les équipements électriques courants tels que les réfrigérateurs et les machines à laver nécessitent des cellules solaires d’une valeur de 7 000 dollars. »

Turkmani a expliqué qu’Israël impose des obstacles à l’importation de cellules solaires et empêche leur approvisionnement à Gaza sans l’autorisation de l’armée israélienne, via des revendeurs agréés. Selon Turkmani, c’est la raison pour laquelle ces produits sont à l’heure actuelle extrêmement rares sur le marché gazaoui.

À Rimal, un des quartiers les plus riches de Gaza, les nombreux panneaux solaires visibles depuis le point culminant, une haute tour, indiquent que ce type de production d’énergie est largement répandu. Cependant, dans les camps de réfugiés et les quartiers pauvres, on ne voit guère de panneaux solaires.

Une solution encore trop onéreuse

Al-Monitor a demandé à huit habitants d’al-Chati, également connu sous le nom de Beach camp, dans l’ouest de la ville de Gaza, s’ils utilisaient des panneaux solaires pour produire de l’électricité. Toutes ont répondu qu’elles ne le pouvaient pas à cause du coût élevé des panneaux.

« Les conditions de vie qui se détériorent et l’incapacité à répondre aux besoins fondamentaux des ménages font que l’acquisition de panneaux solaires ne représente pas une priorité », a indiqué à Al-Monitor Raed Maaswabi, un habitant du camp.

Il a expliqué que la crise de l’électricité montre clairement l’ampleur du fossé entre les classes sociales dans la bande de Gaza. Alors que les familles riches ont accès à l’électricité 24 heures sur 24, les plus pauvres éclairent leur maison à la bougie.

En février 2015, le Bureau central palestinien des statistiques a publié ses derniers chiffres, qui indiquent que le taux de pauvreté à Gaza s’élevait à 65 % au cours du quatrième trimestre de 2014.

Selon Thabet, l’énergie solaire ne peut pas remplacer les principales sources d’alimentation électrique de la bande de Gaza, étant donné que sa superficie totale est de 365 kilomètres carrés, ce qui signifie qu’il n’y a pas assez d’espace vide pour accueillir un grand nombre de panneaux solaires. Il a souligné que le recours à l’énergie solaire dans la bande de Gaza ne dépasse pas 5 % à l’heure actuelle.

Ahmed Abou al-Amrein, directeur de l’information de la PENRA à Gaza, a déclaré à Al-Monitor que l’accès des Gazaouis à l’énergie solaire a considérablement augmenté au cours des trois dernières années. Il a ajouté que la PENRA encourage les citoyens à s’en remettre à cette source d’énergie pour surmonter les coupures d’électricité, dans la mesure où Gaza est une zone abondamment ensoleillée, avec en moyenne 300 jours de soleil par an.

Néanmoins, « si la PENRA déploie d’importants efforts pour élargir l’utilisation de cellules solaires auprès des institutions publiques, elle ne peut cependant pas fournir cela aux citoyens en raison du coût élevé, a affirmé Abou al-Amrein. [C’est pourquoi] elle doit se contenter de leur fournir des conseils techniques gratuits. »

Il a expliqué que la PENRA a mis en œuvre plusieurs projets d’installation de panneaux solaires sur des bâtiments abritant des institutions publiques, des campus scolaires et des routes. Dernièrement, 40 lampes solaires ont été installées dans un certain nombre de rues principales de Gaza, alors que la PENRA met actuellement en œuvre un projet visant à produire 30 MW d’électricité en déployant des cellules solaires sur des espaces au sol vides, un projet premier en son genre, a-t-il indiqué.

Israël bloque les équipements nécessaires

Abou al-Amrein a confirmé que le projet devait être achevé en décembre 2015, mais les obstacles opposés par Israël, qui a notamment empêché l’importation des matériaux nécessaires, ont jusqu’à présent freiné sa réalisation. Il a souligné que tous ces projets sont financés par plusieurs institutions internationales telles que l’Agence japonaise de coopération internationale, le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque islamique de développement.

L’utilisation de l’énergie solaire ne cesse de croître dans les institutions publiques, les écoles, les hôpitaux et les exploitations agricoles afin de surmonter la crise de l’électricité dans la bande de Gaza. Ce boom n’est cependant pas entré dans les foyers des familles pauvres, qui représentent la grande majorité des Gazaouis et qui continuent de souffrir de la crise qui sévit actuellement.

23 mars 2016 – Al-Monitor – Traduction : Valentin B.