Al-Aqsa : sous des prétextes sécuritaires, Israël poursuit son nettoyage ethnique de la Palestine

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L'occupant israélien fait son maximum pour faire de la question palestinienne une question religieuse et non politique - Photo : al-Jazeera

Par Diana Buttu

Les détecteurs de métaux installés à Al-Aqsa n’ont rien à voir avec la sécurité et Israël utilise ce prétexte pour poursuivre tranquillement l’expulsion des Palestiniens de leurs terres.

Hier, des milliers de Palestiniens sont venus à Jérusalem pour accomplir l’acte le plus simple et le plus pacifique : la prière. Les Palestiniens – les musulmans et les chrétiens, les femmes et les hommes, jeunes et vieux – ont prié dans les rues après avoir refuser d’accéder au complexe d’al-Aqsa à travers les nouveaux détecteurs de métaux et les barricades érigées par Israël devant le site. Les forces israéliennes, armées de munitions pour tuer, de grenades incapacitantes, de grenades assoudissantes, de canons à eau et de gaz lacrymogènes, se sont préparées à tuer.

Et ils l’ont fait : à la fin du jour, les forces israéliennes et les colons armés avaient tué trois jeunes hommes palestiniens et blessé plus de 450 autres, certains très sérieusement. Les forces israéliennes ont même tenté d’attaquer un hôpital palestinien pour y kidnapper ceux qui avaient été blessés par leurs armes.

Israël prétend que les détecteurs de métaux sont nécessaires pour la “sécurité” d’Israël à la suite d’un incident la semaine dernière où deux officiers israéliens armés ont été tués. Ces détecteurs de métaux ne concernent pas la sécurité, mais plutôt la tentative délibérée d’empêcher les Palestiniens d’accéder à leurs lieux de culte.

Le contraste est saisissant, par exemple, avec la position récente d’Israël envers le Temple Mount Faithful – un groupe d’extrémistes fanatiques juifs qui ont ouvertement annoncé qu’ils voulaient la destruction de tout le complexe d’al-Aqsa pour construire un temple juif à sa place.

Cependant, tout en plaidant ouvertement pour le nettoyage ethnique des Palestiniens et la destruction des sites sacrés musulmans, le gouvernement israélien continue d’autoriser ce groupe à pénétrer dans le complexe d’al-Aqsa (y compris avec des armes) sous le couvert de la “liberté de religion”.

En 1990, ce groupe a tenté d’y installer une pierre angulaire pour un temple juif, ce qui avait déclenché des manifestations au cours lesquelles une vingtaine de Palestiniens avaient été assasinés.

La demande de liberté de religion pour les Palestiniens – la possibilité de pratiquer ses rites religieux sans ingérence des forces armées israéliennes – est commodément ignorée. Les détecteurs de métaux doivent être placés dans leur contexte approprié : comme un autre fait colonial d’Israël qui s’ajoutent à la volonté de nous effacer, nous la population indigène, d’effacer nos maisons, notre culture et nos sites religieux, et de nous remplacer par des colons.

Pour sa part, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, se réjouit de voir la violence se répandre dans Jérusalem. Face à une enquête de corruption pour un scandale [dans une transaction] de sous-marins allemands, Netanyahu refuse d’enlever les détecteurs de métaux afin de s’assurer que l’attention est écartée de cette affaire et plutôt axée sur la violence.

Vous voyez, en Israël, “la sécurité” se vend : elle assure des votes et veille à ce que les accusations de corruption soient mises à l’écart.

Pour être clair, aucun Palestinien ne veut voir ses sites sacrés transformés en lieux de conflit armé. Mais en utilisant le prétexte de sa “sécurité”, Israël a veillé à ce que nous, Palestiniens, vivions comme des prisonniers dans notre propre patrie.


Israël va-t-il bousculer le statu quo sur Al-Aqsa ?

Au nom de sa “sécurité”, Israël exproprie les terres palestiniennes. Au nom de sa “sécurité”, Israël construit des colonies réservées aux seuls juifs sur des terres palestiniennes volées. Au nom de sa “sécurité”, Israël démolit les maisons et les écoles palestiniennes et au nom de sa “sécurité”, les Palestiniens sont assiégés à Gaza, forcés de vivre sans électricité, sans service de santé et approvisionnement en d’eau adéquats, et se voient même interdit d’accéder à la mer.

Et, lorsque les Palestiniens sont abattus par des meurtriers de masse, comme ils l’ont été dans les années 1990 à Hébron par Baruch Goldstein, les Palestiniens – et non les Israéliens – sont soumis, toujours au nom de la “sécurité, à des restrictions encore plus sévères dans leurs mouvements. Bref, Israël cherche à faire de Jérusalem un nouvel Hébron : interdits aux Palestiniens, mais avec toutes les facilités pour les juifs israéliens qui prennent le pas sur les droits des Palestiniens.

Alors qu’Israël continue d’abattre les Palestiniens, qui assurera la sécurité des Palestiniens ?

Cette sécurité ne viendra pas du leader palestinien non élu actuel, Mahmoud Abbas, qui s’est promené quatre jours en Chine alors que les Palestiniens sont empêchés d’accéder au complexe d’Al-Aqsa et que les Gazaouis souffrent sous un blocus qu’il a ouvertement soutenu. Ni, bien sûr, ne viendra-t-il d’une communauté internationale silencieuse qui ne sait comment tordre ses mains et condamner Israël dans les termes les plus mesurés.

Au contraire, les Palestiniens continueront à se défendre, et à se défendre courageusement, ne s’inclinant que devant le Dieu qu’ils prient et jamais devant les diktats israéliens.

* Diana Buttu est avocate et analyste palestinienne. Elle a été conseillère juridique de l’équipe de négociation palestinienne de 2000 à 2005.



21 juillet 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine