2020 : les 5 objectifs stratégiques de la résistance palestinienne

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Sympathisant du mouvement Hamas à Gaza : « Je suis avec le Hamas »- Photo : Archives

Par Adnan Abu Amer

Dans une interview datée du 22 décembre et conduite par le Centre d’information palestinien (CIP), affilié à la résistance islamique, Sami Khater, membre du Bureau politique du mouvement Hamas, a identifié les cinq priorités stratégiques de son mouvement pour 2020.

Les dirigeants du Hamas parlent rarement de priorités spécifiques dans leurs choix stratégiques. Cela se limitait en général aux documents politiques officiels du mouvement.

Les priorités incluent 1) développer la structure armée du Hamas contre Israël pour faire évoluer le rapport de force dans son sens; 2) adopter une position nationale sur la gestion du conflit avec Israël; 3) confronter de toutes les manières possibles les mesures israéliennes contre les Palestiniens; 4) tenir tête au ainsi nommé “accord du siècle” promotionné par les États-Unis; 5) mobiliser la diaspora palestinienne pour soutenir le peuple palestinien dans toute la Palestine historique.

La discussion sur les priorités du Hamas a eu lieu le 14 décembre, quelques jours seulement après le 32e anniversaire de la fondation du mouvement. Khater, âgé de 70 ans, est basé au Qatar et est l’un des responsables de la première génération du Hamas. Il est membre de son bureau politique depuis sa fondation et il a supervisé la création du département d’action politique.

Il a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas travaille en permanence à la réalisation de ses stratégies, qui sont approuvées par ses instances. Tant qu’il s’agit de stratégies, elles ne sont pas liées à un délai précis. Mais les obstacles les plus importants à leur réalisation sont les mesures israéliennes à divers niveaux et certaines politiques internationales, telles que celles de l’administration des États-Unis et d’autres pays de la région dont les régimes misent sur le soutien israélien et américain pour assurer leur maintien au pouvoir.”

Khater a ajouté: “Les priorités du Hamas incluent de restreindre implicitement sa lutte contre Israël à la Palestine. Le Hamas ne veut viser aucun parti qui soutient Israël. Il adhère à la politique de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, sans être aligné avec un axe politique spécifique contre un autre.”

S’adressant au CIP, Khater a souligné que bien que le nom du Hamas n’ait pas été retiré des listes européennes et US de groupes prétendument terroristes, le monde le considère comme un parti palestinien actif et influent.

Khater avait confirmé dans un document de recherche publié par le Centre d’al-Zaytouna d’études et de consultations à Beyrouth en 2015, l’existence de dialogues approfondis entre le Hamas et les partis européens officiels et populaires pour obtenir que le nom du Hamas soit effacé de leur liste de groupes terroristes.

Le 2 février 2015, Ahmed Youssef, ancien conseiller politique du premier dirigeant du Hamas Ismail Haniyeh, a livré dans un article publié sur le site Internet Sama des informations sur les réunions du Hamas avec la Norvège et la Suisse. Osama Hamdan, un ancien représentant du Hamas au Liban, a mis en exergue dans un article publié par le site Internet Amad News le 6 août 2015, les relations du Hamas avec la Russie et un certain nombre de pays africains et latino-américains.

Sari Orabi, un expert palestinien des organisations islamiques, a déclaré à Al-Monitor: “Le Fatah partage la plupart de ces priorités. Le Hamas ne peut pas l’ignorer. Et depuis 2007, le Hamas n’a pas été en mesure de mettre en place une formule de gestion conjointe de la bande de Gaza.”

Orabi a ajouté : “Mobiliser les Palestiniens de la diaspora nécessite de reconnaître qu’il s’agit d’une étape attendue depuis longtemps par le Hamas, qui n’a pas profité du vide laissé par l’OLP après la création de l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en 1993. C’est de la responsabilité du Hamas. Pourtant, la mobilisation de la diaspora soulève des questions sur les relations du Hamas avec les pays voisins et sa préparation politique et sécuritaire à cet égard.”

Les cinq priorités du mouvement Hamas sont conformes à son document politique publié en mai 2017, à travers lequel il a approché de nouvelles capitales au niveau régional et international, mais sans résultats tangibles.

Les priorités se concentrent sur la résistance armée parce que les capacités d’armement avancées du Hamas dans la bande de Gaza l’ont fait passer d’une organisation de guérilla à une armée semi-régulière, ce qui pourrait dissuader Israël de l’attaquer.

Mahmoud Mardawi, membre du bureau des relations nationales du Hamas, a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas considère ces cinq priorités comme l’épine dorsale de son projet de libération de l’occupation israélienne. [Ces priorités] visent principalement à renforcer la structure militaire du Hamas, à rassembler toutes les factions autour d’une table ronde et à les engager à prendre des décisions nationales et à intégrer la diaspora palestinienne qui comprend plus de 8 millions sur 13 millions de Palestiniens. Cela s’ajoute au développement de liens avec des alliés et amis qui nous soutiennent où que nous soyons.”

Les propos du Hamas sur la mobilisation des Palestiniens à l’étranger soulève une question importante quant à son incapacité jusqu’à présent à mobiliser sa base populaire en Cisjordanie, alors que les membres du Hamas y sont confrontés à des permanentes campagnes d’arrestations par Israël et l’Autorité palestinienne. Si l’Autorité palestinienne et Israël répriment le Hamas en Cisjordanie, les autres pays de la région lui accorderont-ils un répit ?

Les Palestiniens à l’étranger sont concentrés dans les pays voisins. Mais les relations de la Syrie avec le Hamas sont tendues, le régime syrien accusant le Hamas de soutenir les militants qui le combattent – une accusation que le Hamas rejette. Le Liban est aux prises avec des problèmes de sécurité et l’instabilité économique en raison des récentes manifestations. La relation du mouvement avec la Jordanie est au point mort. Le roi jordanien Abdullah II a décidé en 1999 d’interdire le Hamas dans le royaume et d’expulser un certain nombre de ses dirigeants vers le Qatar, des contacts sporadiques étant établis de temps à autre. L’Égypte ne permettra pas au Hamas de communiquer avec les Palestiniens résidant sur son territoire, craignant des attaques contre Israël depuis le Sinaï.

Hussam al-Dujni, professeur de sciences politiques à l’Université Umma de Gaza, a déclaré à Al-Monitor: “Le Hamas a raffermi sa position politique en inscrivant ces cinq priorités dans sa stratégie. Mais parler dans les médias de ces priorités, en particulier celles concernant la résistance armée et la mobilisation de la diaspora palestinienne, pourrait affecter négativement le Hamas.”

Dujni a ajouté : “Parler publiquement du renforcement de la structure militaire du Hamas comme priorité va à l’encontre des efforts régionaux et internationaux pour désarmer le Hamas et limiter sa résistance contre Israël à des activités pacifiques et non violentes. Cela pourrait être exploité négativement par Israël contre le Hamas.”

Toujours selon lui, parler de mobiliser la diaspora palestinienne pourrait s’avérer contre-productif. “Il y a une différence entre impliquer en toute discrétion les Palestiniens à l’étranger dans la lutte nationale afin de ne pas affecter leur situation dans leur pays de résidence, et se vanter dans les médias de leur implication.”

Les cinq priorités du Hamas peuvent manifester une aspiration claire à diriger le projet national palestinien. Il est en compétition avec le Fatah, qu’il considère actuellement comme en retrait, d’autant plus que les Palestiniens se préparent à disputer les premières élections palestiniennes depuis 13 ans.

Une nouvelle scène politique pourrait voir le jour qui donnerait au Hamas la possibilité d’appliquer ses priorités s’il pouvait surmonter les obstacles qui les entravent.

A1 * Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

5 janvier 2020 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine